Poly : le nouveau film trop familial de Nicolas Vanier

Poly : le nouveau film trop familial de Nicolas Vanier

CRITIQUE / AVIS FILM - Avec son casting expérimenté et un réalisateur rompu à l'exercice de l'adaptation, "Poly" avait sur le papier de quoi séduire. L'histoire de ce poney de cirque maltraité par son propriétaire et d'une jeune fille décidée à le libérer est-elle convaincante ?

Au petit trot et en surface

Nicolas Vanier est un aventurier, écrivain et réalisateur. Il n’a plus grand chose à prouver quant à ses capacités à produire ses histoires et les montrer au public. Après Donne-moi des ailes, sorti en 2019, il propose Poly, une nouvelle adaptation d’une création de Cécile Aubry, après celle de Belle et Sébastien en 2013. Si les plus jeunes ne connaissent pas Poly, il est probable que leurs parents aient le souvenir de ce feuilleton télévisé créé en 1961. En reprenant cette histoire d’un poney de cirque maltraité par son propriétaire, et sauvé par un enfant (un garçon à l’origine, une fillette dans le film), Nicolas Vanier poursuit son exposition de la relation entre l’homme et l’animal, souhaitant trouver une résonance forte dans notre rapport contemporain au vivant. Y parvient-il ?

Il y parvient, tout du moins il illustre ce discours humaniste et pro-animal, trouvant dans les sentiments - naïfs mais salutaires - d’un enfant ce qui manque aux adultes trop occupés à vivre leur vie moderne, entre par exemple des policiers stupides et un boucher qui ne voit pas où est le problème de manger des animaux. Ces idées, donnant à Poly un vernis de comédie familiale, sont plutôt attrayantes sur le papier, mais leur réalisation laisse à désirer. Poly est en effet porté par un casting expérimenté, mais qui ne cherche pas à faire plus ce qu’il a déjà fait. François Cluzet, en veuf bougon reclus dans son château, Julie Gayet, en mère seule mais optimiste et moderne, et enfin Patrick Timsit en propriétaire de cirque voyou et gouailleur font le job, mais sans aucune surprise.

Poly

Il est très clair dès les premières minutes du film que leurs arcs narratifs sont convenus, et qu’ils se dérouleront sans accrocs. Seule la jeune fille, Cécile, véritable premier rôle du film et interprété par Elisa de Lambert, apporte une fraîcheur intéressante à un film qui en manque cruellement.

Le film débute quand Cécile et sa mère Louise s'installent dans la campagne d'enfance de Louise, ayant quitté Paris après le divorce d’avec le père et mari. Fille de la « parisienne divorcée », Cécile est rejetée par les enfants du village. Elle se prend d’amitié pour Poly, le poney du cirque arrivé au village, et se met en tête de lui rendre sa liberté après avoir découvert la maltraitance subie par l’animal. Une libération clandestine qui va les conduire dans une fuite où ils rencontreront des amis et aussi des dangers, pour une aventure qui se finira bien.

Une nostalgie indécise et vide

Tout est en place pour que la nostalgie et l’amusement marchent à plein régime, et pourtant ça ne fonctionne pas. D’une part, l’anachronisme de certains comportements frappe, notamment la petite révolution vegan menée par Cécile auprès des autres enfants. Encore, l’émancipation de Louise, revendiquant concrètement mais assez mollement un statut égalitaire de la femme, sonne comme faux dans un film trop superficiel pour porter le sujet. Ces intentions, on ne peut plus nobles et pertinentes aujourd’hui, rentrent en réalité en conflit avec la nature trop familiale du film, qui tire peut-être même vers une forme de conservatisme. Sont mis en avant les charmes de la nature, le rythme de la vie simple, la communauté villageoise un petit peu farouche mais fondamentalement bonne… Pourquoi ?

Seule piste de réponse, parce que Nicolas Vanier souhaite de toute évidence maximiser son nombre d’entrées, en donnant de quoi satisfaire enfants, parents et grands-parents. Qui ne rit pas à des flics façon Le Gendarme de Saint-Tropez, et qui ne sourit pas devant l’amitié entre une jeune fille et un poney, animal toujours dans le Top 10 des plus mignons ? Et pour les parents qui seraient rétifs à ces deux points, lesquels ne s’intéressent pas à la résolution d’une séparation familiale ?

Poly

C’est donc en mélangeant tous ces points générationnels que Poly se développe, créant de ce fait une esthétique proche des calendriers de la Poste - désolé pour eux -, avec un poney à la crinière blonde s’ébrouant dans les hautes herbes. Sympathique, mais pas suffisant pour donner un souffle véritable au film, et une émotion vraie. Les rires ont trop d’évidence et les malheurs sont trop légers pour être autre chose qu’une histoire expressément destinée à tous. Et pour plaire à tous, il faut se situer sur une ligne médiocre, moyenne, dans un ni oui - ni non qui empêche de se faire un avis, ou de laisser ça et là des pistes d’autres interprétations.

On l’oublie souvent, mais le cinéma c’est faire un choix, cadrer ceci plutôt que cela, choisir une piste au mépris des autres, pourvu qu’on aille jusqu’au bout de celle-ci, et tant pis pour l’audience qu’on y perd. C’est ce que ne fait pas Nicolas Vanier, qui propose simplement un film à l’allure un poil paresseuse et à la forme ennuyeuse, sabordant son intention louable d’offrir une matière propre à la réflexion sur la relation homme-animal.

 

Poly de Nicolas Vanier, en salle le 21 octobre 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces. Ressortie dans les salles le 19 mai 2021.

Conclusion

Note de la rédaction

Nicolas Vanier, malgré un casting attractif et une histoire intéressante, rate son adaptation de "Poly", feuilleton télévisé à succès des années 60. En choisissant de plaire au plus grand nombre possible, il dévitalise son propos sur la relation homme-animal. Au cinéma le 7 octobre 2020.

Note spectateur : 2.78 (9 notes)