Possessor : le trip gore de Brandon Cronenberg

Possessor : le trip gore de Brandon Cronenberg

CRITIQUE / AVIS FILM - Après un premier long-métrage qui n'a pas pleinement convaincu ("Antiviral"), Brandon Cronenberg retente sa chance avec "Possessor", une sombre histoire de tueurs qui emploient une technologie futuriste pour abattre leurs proies.

Possessor : le second film de Brandon Cronenberg

Une femme s'enfonce une aiguille dans le crâne, avec gros plan à l'appui. Puis, dans la scène suivante, elle s'attaque sauvagement à un homme en lui assénant plusieurs coups de couteau. Le sang coule à profusion. On peut presque sentir la lame qui s'enfonce dans la chair à chaque coup. Le spectateur, lui, ne comprend pas ce qu'il se passe. Mais cette étrangeté latente couplée à une violence brutale qui s'attarde sur la maltraitance des corps nous rappelle un homme : David Cronenberg. Sauf que ce n'est pas lui qui est derrière Possessor. Mais son fils, Brandon Cronenberg.

Ce dernier a déjà essayé de se faire un nom au cinéma avec Antiviral, premier long-métrage qui s'engonçait dans une austérité trop peu séduisante. À l'heure de délivrer son second essai, le néo-réalisateur doit se demander comment trouver sa propre voie avec un nom aussi imposant. Surtout que, on l'aura compris, il ne se facilite pas la tâche en se rapprochant de l'esprit prôné par le cinéma de son père.

Possessor
Colin (Christopher Abbott) - Possessor ©THE JOKERS FILMS

Possessor suit Tasya Vos (Andrea Riseborough), une tueuse à gages qui travaille pour le compte d'une organisation secrète. Grâce à une technologie révolutionnaire, elle peut prendre possession du corps d'une autre personne pour mener à bien ses missions. Chaque nouvelle incarnation dans une enveloppe charnelle lui laisse une trace invisible et l'usure commence à lui faire perdre pied dans la réalité. Tout va complètement disjoncter quand elle va s'incarner en Colin (Christopher Abbott), compagnon de la fille d'un riche homme d'affaires détenteur d'une société permettant d'espionner les gens à leur insu. Son objectif est de le tuer mais son identité passagère va la secouer plus qu'elle ne le pensait.

Trouver sa voie

L'altération du corps et/ou de l'esprit a souvent été un motif marquant chez David Cronenberg. Voir le fils se lancer sur les mêmes rails peut décevoir, la crainte étant que sa singularité se dilue sous le poids immense d'un héritage si fort. Brandon Cronenberg reprend une certaine part du cinéma de son père, sans pour autant pousser le mimétisme jusqu'à s'auto-piéger. Possessor est davantage le film de quelqu'un qui s'est trouvé, avec une position intermédiaire, entre le respect à l'encontre de son parent et l'intelligent décalage pour laisser émerger sa personnalité.

Les corps sont aussi maltraités chez lui mais on n'y retrouve plus la chaleur de la chair si précieuse dans les œuvres de son père. Ce dernier a écrit sa légende avec son body horror organique, où la dégénérescence se manifestait en apparence. Pas de ça dans Possessor, où le mal se répand pernicieusement, sous la peau, dans les esprits. Brandon Cronenberg, par sa mise en scène, laisse mijoter un sentiment de malaise, accompagnant ainsi un personnage qui se perd en jouant le rôle d'un autre.

Possessor
Colin (Christopher Abbott) - Possessor ©THE JOKERS FILMS

Entre expérimentations visuelles et envolées gores

Le trouble saute forcément aux yeux, visuellement, avec les franches pointes expérimentales que s'autorise le réalisateur. Des initiatives qui participent à alimenter l'ambiance délétère dans laquelle baigne Tasya/Colin. À côté de ses gestes éclatants qui donnent du piment au propos, Brandon Cronenberg veut saisir son audience avec des visions gores brutales. Possessor ne fait pas semblant quand il doit faire couler le sang, à grand renfort d'effets spéciaux fulgurants réservés à un public averti. La violence graphique intervient rarement mais elle ne le fait jamais à demi-mot.

Le sang est un fluide dont l'apparition à l'écran rappelle l'humanité de chacun, au sens biologique. Outre cette portée symbolique qui s'inscrit dans les thématiques du film (la part humaine est questionnée durant tout le film), c'est surtout l'occasion rêvée pour que Brandon Cronenberg lâche les chevaux sur la forme et vienne ternir encore plus un fond déjà peu joyeux. Récompensé d'un Grand Prix au dernier Festival de Gérardmer, ce second long-métrage démontre que son auteur pourrait avoir des belles choses à nous proposer à l'avenir.

 

Possessor de Brandon Cronenberg, disponible en DVD/VOD le 7 avril 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Brandon Cronenberg assume l'héritage de son père mais commence à se trouver un style avec "Possessor". Un second long-métrage qui laisse penser que son évolution sera à surveiller dans les prochaines années.

Note spectateur : Sois le premier