Pour le réconfort - Notre avis sur le film de Vincent Macaigne

Pour le réconfort - Notre avis sur le film de Vincent Macaigne

Originaire de la scène, l'énergie théâtrale du groupe d’amis de Vincent Macaigne transpire à chaque séquence de « Pour le réconfort », son premier film à sortir en salles, étonnamment politique.

On connaissait surtout Vincent Macaigne acteur grâce à ses rôles récurrents au sein de la jeune génération de cinéastes français estampillés « Cahiers du cinéma » : chez Justine Triet (La Bataille de Solférino), Guillaume Brac (Tonnerre) mais aussi et surtout Antonin Peretjatko (La Fille du 14 Juillet, La Loi de la jungle). On connaissait aussi Vincent Macaigne metteur en scène : après être entré au Conservatoire national supérieur d'art dramatique, il se fait connaître en 2011 avec une adaptation d'Hamlet de Shakespeare, intitulée Au moins j'aurai laissé un beau cadavre. Mais on connaissait moins Vincent Macaigne réalisateur. Déjà auteur d'un court-métrage et d'un téléfilm Arte, Pour le réconfort est son "vrai" premier film à sortir en salle, après avoir été la tête d'affiche de la dernière édition de l'ACID au 70e festival de Cannes.

Un frère, Pascal (Pascal Rénéric), et sa sœur, Pauline (Pauline Lorillard), reviennent à Orléans alors que leur demeure familiale s'apprête à être mise aux enchères après une accumulation d'impayés. Leurs amis, Manu (Emmanuel Matte), Laurent (Laurent Papot) et Joséphine (Joséphine de Meaux), qui ont entretenu la demeure en leur absence, graviteront autour du duo bourgeois, revenu fatigué et vidé de leurs séjours respectifs à Mexico et à New York. Cette situation, inspirée d'une pièce de Tcheckov, La Cerisaie, sera prétexte à de nombreuses remises en question et à la révélation de tensions que le temps passé n'a pas apaisé, au contraire. Rien d'extraordinaire jusqu'ici, le film semble même assez anodin. Pourtant, Pour le réconfort entretient à l’image l’émulation palpable de son tournage en roue libre.

Pour le réconfort

La théâtrale lutte des classes

Cette énergie est omniprésente dans le mélange des tons notamment : les comédiens de Pour le réconfort, tous amis dans la vraie vie, modulent les registres humoristiques et tragiques avec aisance et naturel. Les dialogues, saillants et percutants de bout en bout, culbutent les genres préétablis et aboutissent à un film pulsionnel, au ton doux-amer, ni trop comique, ni trop dramatique. À travers un exercice de style théâtral, parfois un peu encombrant, Pour le réconfort révèle surtout la vision particulière de Vincent Macaigne à propos d'un certain état de la France. C'est de là que le film tire quelque chose de neuf. Au-delà du simple film de troupe, Macaigne réalise un film éminemment politique.

L'affrontement permanent entre Manu et Pascal, l'un, travailleur et entrepreneur, l'autre, bourgeois et propriétaire, aboutit à des scènes d'anthologie où le conflit de classe s'exprime via les insultes grivoises de l'un ou de l'autre envers son adversaire social. La haine mutuelle, provoquée par jalousie (Manu envie le passé séducteur de Pascal) ou par intérêt (Manu souhaite, au fond, récupérer la terre de Pascal pour faire fructifier ses affaires) est mise en scène sans retenue : les acteurs se lâchent et l'écriture semble libérée de toute contrainte. La liberté orale du film lui donne, en cela, la possibilité de souligner cette éternelle fracture sociale entre le passé et l'avenir, les propriétaires et les travailleurs d'une manière détonante et jubilatoire.

Pour le réconfort

Pour la liberté

Ici, les amis de Macaigne et lui-même ne manquent ainsi pas l'opportunité de révéler, entre les lignes, leur sensation du monde et de la France d'aujourd'hui. Les raccourcis et les cheminements de pensées incohérents des personnages traduisent une certaine incompréhension du monde qui les entoure. L'avarice des uns et la condescendance des autres entretiennent l'absurdité générale qui sévit au sein du groupe d'amis de Pour le réconfort, où chaque personnage en veut à l'autre pour ne pas être comme lui. Et si, au fond, le film n'a rien d'exceptionnel, Pour le réconfort exprime les hantises et les obsessions des trentenaires d'aujourd'hui : Que faire ? Pour aller où ? Et outre ce postulat d'une sincère simplicité, Pour le réconfort sort du lot grâce au traitement très singulier que Macaigne distille à son premier film.

Le prologue est d'ailleurs saisissant : les deux frangins discutent via Skype et l'on découvre les rues de New York filmées par le portable de Pauline, livrant des images compressées, d'une abstraction illisible, anticipant le flou total qui attend ces deux personnages lorsqu'ils décideront de revenir au bercail. La suite du film, au format carré, est entrecoupée de portraits face-caméra assez déstabilisants. Le mash-up paraît, certes, improbable, l’exécution, est, de l’aveu même de Macaigne, libérée de toute contraintes, mais le résultat final, fruit d’une longue gestation (le film sort quatre ans après son tournage) fonctionne, indubitablement.

 

Pour le réconfort de Vincent Macaigne, en salle le 25 octobre 2017. Ci-dessus la bande-annonce

Conclusion

Note de la rédaction

Le polyvalent Vincent Macaigne, ici réalisateur, confirme son sens du dialogue tout en développant une surprenante singularité plastique, faisant de "Pour le réconfort" un puissant premier film.

Bilan très positif

Note spectateur : 5 (1 notes)