Sale temps à l’hôtel El Royale : un polar fourre-tout

Sale temps à l’hôtel El Royale : un polar fourre-tout

CRITIQUE FILM – Ce mercredi 7 novembre 2018, vous êtes invités à profiter de l’hôtel El Royale, établissement phare des Sixties situé à deux pas du lac Tahoe. Cependant, pendant votre séjour, méfiez-vous du mauvais temps et des autres résidents, qui pourraient bien être des criminels chevronnés, des membres d’une secte ou des dégénérés capables de ruiner vos vacances. Mais surtout, prenez garde à la lenteur d’un récit bien moins fou qu’il n’y paraît, susceptible de provoquer un ennui mortel.

Scénariste de Seul sur Mars et créateur de la série Daredevil, Drew Goddard revient à la réalisation avec Sale temps à l’hôtel El Royale, qui sort six ans après La Cabane dans les bois. Avec ce deuxième long-métrage, le cinéaste nous plonge dans l’Amérique de la fin des années 60 et tente de dresser un portrait de l’époque à travers une galerie de personnages barrés, mais pas suffisamment pour convaincre pleinement.

À l’hôtel El Royale, situé sur les rives du lac Tahoe, personne n’est celui qu’il prétend être. Une nuit, sept étrangers en viennent à se rencontrer dans cet établissement miteux et riche en secrets. Cette réunion imprévue sera marquée par de nombreux coups de feu et par des révélations sur le passé de tous les protagonistes, qui ne sont évidemment pas venus là par hasard.

Arnaques, secte et politique

Dès l’introduction, Drew Goddard donne le ton en filmant une trahison particulièrement brutale sur fond d’un joyeux standard de la fin des années 50. En apparence, l’El Royale est un petit havre de paix situé entre le Nevada et la Californie. Cependant, le spectateur découvre d’emblée que des règlements de compte y ont lieu et s’attend donc à ce que la nuit des sept étrangers devienne un véritable cauchemar.

Le cinéaste n’a d’ailleurs aucun mal à préserver le mystère autour d’eux dans la première partie du film. Le spectateur découvre rapidement que le personnage incarné par Jeff Bridges n’est pas le prêtre qu’il prétend être, comme le révèle la bande-annonce. Pour les autres, les interrogations à leur sujet perdurent un peu plus longtemps. Lors de leur rencontre, le réalisateur parvient à conserver l’atmosphère à la fois légère et pesante de la première scène, en partie grâce à un Jon Hamm en très grande forme, parfait dans le rôle d’un commercial un poil trop propre sur lui.

Sale temps à l'hôtel El Royale : Critique du film de Drew Goddard.

Le récit est ensuite scindé en chapitres, qui permettent de présenter chacun des protagonistes ainsi que les motivations qui les ont conduits à l’hôtel. Sous la pluie qui s’abat sur l’établissement, filmé lui aussi comme un personnage à part entière regorgeant de surprises, les masques tombent peu à peu. Au-delà de l’identité propre de chacun de ces anti-héros, finalement peu développée et peu originale, c’est surtout le contexte dans lequel ils vivent qui intéresse Drew Goddard. Cette brochette de timbrés lui permet en effet d’évoquer tour à tour les écoutes politiques de l’ère Nixon, trois ans avant le Watergate, la guerre du Vietnam ou encore une « famille » d’individus dont le leader est un ersatz de Charles Manson.

Les secrets promis dans la promotion sont donc bien présents et le film repose sur ses nombreux faux semblants. Néanmoins, l’envie de dépeindre les Sixties, marquées entre autres par les violences raciales et la montée du conservatisme, est plombée par des longueurs inutiles. À trop vouloir en faire, Drew Goddard finit en effet par tourner en rond, pour finalement laisser le spectateur sur sa faim.

Un rythme inégal qui vient plomber les enjeux du récit

Le fait d’observer des protagonistes à travers un miroir sans tain, comme c’était le cas dans La Cabane dans les bois, ne suffit malheureusement pas pour leur donner une véritable épaisseur. Au lieu de se concentrer sur certains flashbacks passionnants et réussis, le réalisateur préfère s’attarder sur de longues conversations censées préserver le mystère. Néanmoins, au lieu d’amplifier le suspense, les dialogues ne font que le briser, surtout dans le dernier acte.

Sale temps à l'hôtel El Royale : Critique du film de Drew Goddard.

L’arrivée du personnage de Chris Hemsworth dans l’hôtel témoigne parfaitement de ce problème d’écriture et de rythme. En quelques minutes, l’aura autour de ce leader charismatique est brisée alors qu’il enchaîne les élucubrations fumeuses, à tel point que le spectateur finit par attendre le dénouement avec impatience. Drew Goddard tente ensuite de surprendre son audience avec des morts censées être imprévisibles, mais desquelles elle se fout complètement tant le destin des protagonistes devient anecdotique face à toutes ces palabres. Par ailleurs, la conclusion extrêmement consensuelle va elle aussi à l’encontre de toutes les promesses du premier acte.

Au final, Sale temps à l’hôtel El Royale est loin d’être le polar tordu vanté par sa promotion, et ce malgré quelques fulgurances. S’il est loin d’être désagréable, le long-métrage tombe malheureusement dans le piège de la logorrhée facile pour expliquer le chaos dans lequel évoluent les protagonistes, alors que les images de leur passé suffisaient amplement. Le film est néanmoins parsemé de quelques passages étonnants, à l’image de ceux axés sur l’attachant gérant de l’hôtel interprété par Lewis Pullman ou sur l’amitié naissante entre les excellents Cynthia Erivo et Jeff Bridges. Malheureusement, ces derniers finissent noyés dans les 2h22 de ce bordel pas si joyeux. Fourre-tout ambitieux qui devient ennuyant à cause de son côté poseur et d’échanges superflus, le film ne parvient donc pas à être sauvé par son esthétique léchée et son excellent casting.

 

Sale temps à l'hôtel El Royale de Drew Goddard est attendu au cinéma le mercredi 7 novembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Malgré un départ extrêmement prometteur et un casting en or, « Sale temps à l’hôtel El Royale » est malheureusement plombé par ses importantes baisses de rythme.

Note spectateur : Sois le premier