Sang froid : une variation réussie de la légende Liam Neeson

Sang froid : une variation réussie de la légende Liam Neeson

CRITIQUE FILM - Le réalisateur Hans Petter Moland offre avec ce polar noir brutal et décalé un film intéressant. Partant d'un personnage devenu caricatural et d'un scénario basique, "Sang froid" se développe entre le genre policier et la comédie noire. Liam Neeson joue ici le rôle iconique de sa seconde carrière, mais on rit beaucoup plus.

Sang froid avait tout du film attendu, une production d’action simple et brutale avec Liam Neeson. De la neige pour coller à la simplicité et à la froideur du personnage principal, un grand méchant, et le même rôle que tient Liam Neeson depuis Taken ; celui du héros protecteur et vengeur, père meurtri de préférence. Le film s’ouvre d'ailleurs sur un chasse-neige lancé à grande vitesse sur les routes enneigées des montagnes du Colorado.

Des images réussies, d’une puissance, d’une force mate et irrépressible qu’incarnent la machine et l’homme à ses commandes, Nelson Coxman, variation donc du Bryan Mills de Taken. Même si l’introduction a son charme, on ne peut éviter de craindre un énième film de vengeance avec l’acteur spécialisé depuis quelques années dans ce genre. Lorsque son fils est retrouvé mort, loin de l'aéroport de la luxueuse station de ski de Kehoe où il travaillait, il ne peut se résoudre à l’overdose accidentelle - la version officielle. Obsédé par sa perte, le citoyen modèle Nelson "Nels" Coxman va donc partir en guerre contre les responsables, de Kehoe à Denver. Simple, basique, mais pas que.

Sang froid, un cinéma qui en cache un autre

Hans Peter Moland, dont le premier film américain est un remake de son propre film Refroidis avec Stellan Skarsgard, va utiliser cet argument : Liam Neeson va encore tuer tout le monde pour que justice, la sienne, soit rendue. Mais rapidement, et de manière surprenante, le film va prendre une tournure comique et adjoindre à son héros droit dans ses Moon Boots des alliés inattendus, et lui opposer une bande de gangsters écartelée entre une violence décomplexée et une ironie mordante. Atteignant par moments une grande qualité, Sang froid a une forte teinte de polar européen, évoquant par exemple un film comme Bons baisers de Bruges.

Critique Sang froid : une variation réussie de la légende Liam Neeson

Le décompte des morts à l'écran, qui rythme le film par les noms des décédés sur écran noir façon faire-part, de déstabilisant finit par être drôle. Autre élément, Laura Dern, qui interprète sa femme et la mère du fils assassiné, est présente dans les premiers instants du film puis disparaît complètement. Choix du scénario ou montage simplifié, difficile d'être catégorique. Mais si sa disparition peut sembler incohérente, elle participe cependant à vider la vengeance de sa substance pour n’en laisser que les explosions de violence et son pur déroulement mécanique, entre le tragique et l’absurde. Structurellement, la narration s'éloigne à grand train de l’objet de la vengeance pour insister sur l’aspect comique des aller-retour de la ville aux chutes d'eau pour jeter les corps de ses victimes.

Une vengeance piratée par des personnages de comédie

"Nels" n'a plus rien à protéger, son fils tué et sa femme partie. Il peut se concentrer entièrement sur le chef de la petite pègre locale, Viking, méchant assez génial interprété par Tom Bateman, qui s'illustre en pyscho/sociopathe et papa attentionné. Autour d'eux, avec ou contre eux, plusieurs personnages brillent, notamment les personnages féminins avec Emmy Rossum et Julia Jones, respectivement dans des rôles développés de flic idéaliste et d'ex-femme de gangster.

Critique Sang froid : une variation réussie de la légende Liam Neeson

Le film réussit ainsi, dans cette veine de comédie noire, une galerie de personnages secondaires très intéressants. Certains, comme ceux interprétés par William Forsythe ou David O’Hara, apportent peu à l'intrigue, mais beaucoup au film dans ce qu’il a de vraiment percutant : un humour noir et une légèreté heureuse. Des incohérences existent, mais qui s’oublient facilement dans le ton légèrement délirant de Sang froid : les meilleures séquences de dialogues sont celles qui n'ont rien à voir avec l'action principale. Et la présence croissante des Indiens, si elle s’appuie sur une toile de fond douloureuse (la question des réserves, entre autres), assure certaines de ces séquences les plus drôles et réussies, qui n’ont encore que peu à voir avec la vengeance initiale.

Agréable surprise donc de voir Liam Neeson faire sa partition classique dans un film qui, sans s’en moquer, crée autour de lui une ambiance joyeuse et déjantée. C’est réussi, jusqu’au dernier plan, où un gag lancé plus tôt et passé en arrière-plan vient conclure la cynique liste des morts de l’histoire de Sang froid. Une ultime stupéfaction qui clôt un film truffé de bonnes idées et lui donne une véritable originalité.

 

Sang froid de Hans Petter Moland, en salle le 27 février 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Hans Peter Moland réussit un bon polar d’action à l'humour noir, et joue intelligemment avec le rôle maintenant strictement institué de son acteur principal. L’ironie croissante du récit, au lieu de le ringardiser, l’utilise au mieux pour permettre à ses scènes d'action d’offrir des moments comiques. La réussite est de refuser de se réduire à un polar d’action ou une comédie noire, mais exister exactement entre les deux, sans faire de choix et assumer le risque d’un déséquilibre. Risque pris, et pari remporté.

Note spectateur : 2.7 (3 notes)