She Said : l'enquête du New York Times à l'origine de la chute d'Harvey Weinstein

She Said : l'enquête du New York Times à l'origine de la chute d'Harvey Weinstein

CRITIQUE / AVIS FILM - Carey Mulligan et Zoe Kazan incarnent deux journalistes du New York Times qui enquêtent sur les agissements d'Harvey Weinstein dans "She Said". Une ode au journalisme d'investigation classique, mais passionnante.

She Said : une enquête classique mais passionnante

En 2017, sous l'impulsion de sa cheffe d'édition Rebecca Corbett (Patricia Clarkson), Jodi Kantor (Zoe Kazan) décide de se pencher sur le sexisme sytémique qui ronge le système hollywoodien. La journaliste découvre rapidement que plusieurs plaintes auraient été déposées contre Harvey Weinstein et sa société Miramax. Elle prend également connaissance des témoignages de Rose McGowan et Ashley Judd, qui ont ouvertement dénoncé les agissements du célèbre producteur avant de voir leurs carrières respectives être brisées.

Avec sa collègue Megan Twohey (Carey Mulligan), elle se met à enquêter sur le magnat. Elles s'aperçoivent que de nombreuses affaires ont été enterrées et que de nombreux accords ont été signés pour que les victimes gardent le silence. Les deux journalistes mettent tout en oeuvre pour rassembler un maximum de témoignages, allant interroger des actrices telles que Gwyneth Paltrow ainsi que d'anciennes employées de Miramax.

She Said
She Said ©Universal Pictures

Reposant sur un sujet qui pourrait être qualifié de "racoleur", le film de Maria Schrader peut s'attirer le soupçon d'un calibrage parfait pour les Oscars. Il est tout aussi facile de lui reprocher de faire un portrait trop élogieux et dénué de nuances de ses deux personnages principaux. Mais il faut reconnaître que même s'il n'a pas la virtuosité de Pentagon Papers et la complexité de Jeux de pouvoirShe Said reste malgré tout passionnant et extrêmement précis, assumant totalement sa filiation avec Les Hommes du président.

La broyeuse Weinstein

Le tumulte organisé de la salle de rédaction, le dévouement à des investigations nécessaires, l'impression de pouvoir apporter des changements sociétaux concrets... Comme bon nombre de films sur le journalisme, She Said réussit à retranscrire cette ambiance galvanisante et ces sentiments, mais il ne s'arrête pas là. S'il prend le parti de ne jamais montrer de face Harvey Weinstein, il dévoile sa monstruosité lors de ses rares apparitions vocales et surtout à travers les témoignages glaçants des victimes.

Lorsqu'elle démarre, l'enquête de Jodi Kantor a pour but de dénoncer les dérives du système hollywoodien. Elle ne s'écarte finalement pas de cette figure emblématique de l'industrie tant les charges contre elle sont nombreuses et les informations sont parfois difficiles à recouper. Là encore, l'aspect fastidieux du travail se ressent aussi, tout comme la sensation de donner des coups d'épée dans l'eau. Une sensation renforcée par les appels de Weinstein, particulièrement doué dans l'art de l'intimidation.

She Said
She Said ©Universal Pictures

En ce sens, l'une des scènes les plus intéressantes du long-métrage est le moment où il débarque dans les bureaux du New York Times et que Megan Twohey l'accueille dans une salle de réunion avec ses assistants et ses avocats, où la pression se fait sentir silencieusement. Alors que l'enquête est bouclée et que le papier est sur le point d'être publié, Harvey Weinstein tente une ultime offensive. La journaliste n'a pas l'occasion de décrocher un mot et se contente d'écouter calmement les menaces, avant d'assurer à Jodi Kantor qu'elle a eu droit au procédé habituel.

Des portraits qui extirpent le film de son didactisme

L'autre réussite de She Said est de s'écarter par moments des journalistes pour se concentrer sur certaines des victimes, et sur les événements qui les encourageront à témoigner publiquement, ou non. Le personnage le plus touchant est probablement celui de Laura Madden, incarné par Jennifer Ehle, ancienne régisseuse irlandaise qui a renoncé à une carrière qui la passionnait.

À travers elle mais également à travers Rowena Chiu (Angela Yeoh) et Ashley Judd, qui joue son propre rôle, She Said met en avant la peur de parler et le sentiment d'être condamné au silence. Associées à l'acharnement de Jodi Kantor et Megan Twohey, leurs scènes permettent au film de gagner en puissance et de montrer concrètement l'impact que peut avoir une telle enquête avant même qu'elle ne soit publiée.

She Said
Megan Twohey (Carey Mulligan) - She Said ©Universal Pictures

She Said n'est certes pas surprenant et repose sur une mise en scène classique. Néanmoins, malgré la sobriété et l'aspect didactique de ce drame, Maria Schrader emporte totalement le spectateur dans les investigations des deux journalistes. La réalisatrice fait naître l'émotion en s'attardant le quotidien brisé des victimes, mais aussi en filmant le vide des chambres et des couloirs d'hôtel où Harvey Weinstein les prenait au piège. La suggestion est ici un outil de réalisation très efficace pour montrer l'horreur tant physique que psychologique exercée par un bourreau, à la fois invisible et omniprésent dans le long-métrage.

She Said de Maria Schrader, en salles le 23 novembre 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Assumant totalement sa filiation avec "Les Hommes du président", "She Said" ne réinvente en rien le film sur le journalisme. Le long-métrage de Maria Schrader est néanmoins passionnant et précis, dévoilant à la fois la monstruosité d'Harvey Weinstein et le quotidien brisé de ses victimes, ainsi que le travail fastidieux mené par Jodi Kantor et Megan Twohey.

Note spectateur : Sois le premier