Sicario : La Guerre des cartels, la grande action

Sicario : La Guerre des cartels, la grande action

Trois ans après Sicario de Denis Villeneuve, succès populaire et critique, Stefano Sollima présente une suite à la hauteur, voire supérieure. A la fois naissance d’une saga et fable morale autonome, Sicario : La Guerre des cartels est un thriller d’une beauté sourde et obscure.

À la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, la situation est totalement hors de contrôle. Obligé de répondre à une menace nouvelle et très concrète, le gouvernement américain charge Matt Graver, agent fédéral spécialiste en sales besognes, de déclencher une guerre entre les cartels afin de les affaiblir. Pour mener à bien cette mission secrète et périlleuse, il décide d’enlever la fille d’un chef de cartel. Et de s’adjoindre les compétences d’Alejandro, mystérieux tueur et cauchemar des cartels du premier Sicario, et anti-héros majestueux de ce Sicario : La guerre des cartels.

La guerre pour elle-même

D’emblée, le film se pare d’une gravité et d’une violence extrême. La situation géopolitique est un pur chaos, où le terrorisme islamiste se mêle à l’immigration économique et aux trafics des cartels mexicains. Une scène d’attentat très graphique finit d’imposer sciemment un malaise, mais dont l’explosion est aussi une forme de délivrance : le pire est déjà arrivé. Sicario 2 est en effet l’histoire d’une lutte totale et sans fin. Il n’y a pas de contrechamp ou de hors champ. Il n’y a pas non plus un côté plus sûr que l’autre de la frontière.

En effet, il n’est plus temps de fermer les yeux, et le film va se développer dans cet univers où règnent la violence et la terrible solitude de ses habitants, où les règles ont été depuis longtemps abolies. L’introduction rend hommage à celle du film de Denis Villeneuve, mais affirme tout de suite sa différence. Les vues sont aériennes, nocturnes et thermiques. Aussi, les moyens sont décuplés, au sol et dans les airs. Le conflit est modernisé et globalisé, et d'autant plus sauvage. Concernant les scènes d'action, à la fois sobres et spectaculaires, ce sont des modèles du genre.

Sicario, l'éloge du noir

Le réalisateur Stefano Sollima réussit dans ce Sicario ce que Ridley Scott ne faisait qu’effleurer dans Cartel. La création morale et esthétique d’un autre monde, parfaitement et entièrement corrompu, fatigué, usé mais increvable dans son absence d’empathie et sa soif de mort, est cohérente et aboutie. Son expérience « mafieuse » lui sert ici (ACABSuburra). Certaines séquences évoquent d'ailleurs la violence soudaine et pourtant banale d’œuvres comme Gomorrah. Sicario : La Guerre des cartels est une fausse chronique "narco", mais un véritable affrontement d’individus pour leur survie.

Ce monde est noir et gris, métallique, surveillé et frappé par des drones. Sillonné de convois destructeurs, hors de contrôle, dans lesquels il n’y pas vraiment de chauffeurs. Jusque dans la musique, on retrouve les codes définis par le Sicario de Villeneuve. C’est Hildur Guðnadóttir, collaboratrice du regretté Johann Johannsson (compositeur de Sicario), qui assure la même ambiance sonore sourde et oppressante. Comme son prédécesseur, Sicario : La Guerre des cartels montre des plans soignés de convois, des passages virils de la frontière. Il détermine ainsi un voyage, un rythme et des chemins où le fantasme de la toute-puissance guerrière étale son absurdité et sa cruauté.

Benicio del Toro et Josh Brolin, bientôt un "classique"

Benicio del Toro, très énigmatique dans Sicario, prend ici toute la chair de son personnage. Il devient une espèce de bête mythologique, à la fois un dieu et un mortel de son monde, renaissant inlassablement dans sa quête de vengeance. Son personnage Alejandro ne parle pas beaucoup. Dans ce fascinant mutisme qui lui est propre, l'acteur parvient à se déployer plus que dans le précédent film. Au bout de 2h02, il devient, enfin, le sujet principal de(s) Sicario. Acteur de légende, Benicio del Toro réussit ici une performance de premier ordre.

En face de lui, Graver semble être touché par cette fuite dans la démesure de leur violence et du caractère insensé de leur mission. Abandonné par sa hiérarchie, Josh Brolin perd peu à peu ses mots pour se muer lui aussi en une existence animale, où la survie de l’autre est un danger pour la sienne. L'un agit par raison personnelle, l'autre par raison d'état. Et ils ne cessent pourtant d'être les mêmes. Plein de testostérone donc, mais sans muscles saillants, car ils portent leurs existences comme des fardeaux. Avec la conscience grandissante de leur propre absurdité.

Sicario : La Guerre des cartels redonne du goût à l'action

Il y a parfois la tristesse de Syriana, l'absurdité de No Country for Old Men aussi, et le film de Sollima, en s’intéressant à la chute guerrière de ses protagonistes, se pose aussi comme un western, avec ces regards minéraux, par écrans interposés, séparés par des vitres, des masques, ou égarés dans des pensées malades. Le scénariste Taylor Sheridan, auteur par ailleurs de Comancheria et Wind River, tient là son travail le plus abouti. Si dans Sicario son récit était écrasé par la réalisation de Denis Villeneuve, ici l’harmonie de l’ensemble est remarquable.

Sicario : La Guerre des cartels est un excellent thriller d'action, et une belle chronique guerrière. On veut croire qu'il confirme la naissance d’une lignée de haut vol, remplissant un grand vide depuis La vengeance dans la peau sorti en 2007. À voir sans hésitation.

 

Sicario : La Guerre des cartels de Stefano Sollima, en salle le 27 juin 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Bilan très positif

Alors qu'on craignait une mauvaise suite au film de Denis Villeneuve, "Sicario : La Guerre des cartels" surprend en l'égalant et développe un récit supérieur en plusieurs points. Servi par deux acteurs dans un registre parfait pour eux, ce "Sicario" est une très belle marque dans le genre thriller d'action.

Bilan très positif

Note spectateur : Sois le premier