Sous le vent des Marquises : la renaissance pudique et inspirée d'un père

Sous le vent des Marquises : la renaissance pudique et inspirée d'un père

CRITIQUE/AVIS FILM - François Damiens et Salomé Dewaels portent "Sous le vent des marquises", classique mais très joli mélodrame familial sur lequel Pierre Godeau fait planer avec pudeur la figure mélancolique de Jacques Brel.

Un mélodrame intime et élégant

Le joli film de Pierre Godeau, Sous le vent des Marquises, réussit là où on s'emmêle souvent vite les pinceaux. En effet, le scénariste et réalisateur s'est accroché à la pudeur et à l'intimité de son histoire pour éviter le piège de l'hommage référencé et paresseux. Il aurait pu apparaître plus "facile" pour Pierre Godeau de raconter frontalement Jacques Brel, et paradoxalement sans doute plus "simple" pour François Damiens d'imaginer l'incarner directement, mais à la condition évidente de rater leur film, qui n'aurait alors eu d'autre choix que d'être l'impossible biopic du grand chanteur belge.

Alain (François Damiens) - Sous le vent des marquises
Alain (François Damiens) - Sous le vent des marquises ©Pan Distribution

Mais avec justesse et en jouant habilement sur la frontière entre fiction et réalité, Pierre Godeau choisit avec réussite de raconter l'histoire d'un acteur qui joue Jacques Brel, d'un père qui a longtemps fui sa paternité et de sa fille qui a tamisé ses rêves. Sous le vent des Marquises est ainsi un récit de réparation de défilements et de faux-semblants, au cadre classique, attendu mais appliqué, et qui se colle avec délicatesse à la présence diffuse de Jacques Brel.

À l'ombre de Brel

Alain (François Damiens), acteur belge célèbre, tourne un film sur Jacques Brel. Mais alors qu'il doit finir de tourner la séquence qui raconte son tout dernier concert, il saute dans la voiture du film et part. Souffrant d'un cancer à un stade encore précoce, il n'a pas beaucoup d'idées d'horizon mais il en a au moins une : retrouver sa fille, qu'il n'a pas vue depuis très longtemps.

Sous le vent des marquises
Sous le vent des marquises ©Pan Distribution

Celle-ci, Lou (Salomé Dewaels) qui habite avec sa mère sur une île bretonne, vit un quotidien simple et en apparence apaisé. Elle n'attend pas son père, ou alors plus vraiment, et leurs retrouvailles vont être difficiles. Elle lui en veut de ces années d'absence, et il lui a manqué autant qu'elle l'a admiré par écrans interposés.

François Damiens exceptionnel

Incarner Jacques Brel ? Non. Le chanter ? Sûrement pas. Incarner un acteur qui incarne Jacques Brel ? Oui. C'était sans doute la meilleure manière, la seule, pour le grand acteur belge François Damiens d'aborder un peu cet artiste avec respect mais néanmoins ambition, et finalement réussite.

Il y a la perruque, un dentier, François Damiens ne ressemble toujours pas à Jacques Brel, et c'est volontaire. En effet, tout l'enjeu est en réalité de quitter Jacques Brel, le film qu'il tourne, la pression et la célébrité, sa figure écrasante et tout ce qu'elle représente, une cette chimère aux mille visages qu'Alain s'est perdu à poursuivre.

Sous le vent des marquises
Sous le vent des marquises ©Pan Distribution

On devine néanmoins clairement qu'au jeu de l'imitation François Damiens a de sérieux atouts. On peut ainsi entendre parfaitement la voix du chanteur belge dans ses accents, son ton, sa formulation. Mais l'histoire est d'abord celle d'Alain, un acteur en plein doute et un homme qui redevient père.

Entre Jacques Brel, Alain et François Damiens se crée ainsi un personnage très touchant, un pied dans la réalité et l'autre dans la fiction, qu'incarne l'acteur sur une note mélancolique et intérieure idéale, une facette de son jeu connue mais que très peu de réalisateurs ont réussi jusque-là à inscrire pleinement dans un film

Le mérite en revient au partie à la performance au diapason de Salomé Dewaels, dont le personnage va remuer son père et trouver la force de déclencher avec lui un dialogue. À partir de là, les deux comédiens emmènent le film vers quelques séquence oniriques, comme si l'écriture qui se retenait de trop invoquer la figure de Jacques Brel se craquelait face à leur assaut de sincérité.

Alors, d'abord comme timide à aborder ses thèmes, Jacques Brel, le cinéma, la filiation, l'absence de dialogue, Sous le vent des Marquises et ses personnages se libèrent enfin avec grâce.

Sous le vent des Marquises de Pierre Godeau, en salles le 31 janvier 2024. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"Sous le vent des marquises" ne révolutionne pas le genre du mélodrame familial mais séduit largement par les performances de François Damiens et Salomé Dewaels, ainsi que par son récit qui mêle avec pudeur l'intime à la grande figure de Jacques Brel. À voir.

Note spectateur : 4 (1 notes)