The Pale Blue Eye : un face-à-face cruel et poétique pour Christian Bale

The Pale Blue Eye : un face-à-face cruel et poétique pour Christian Bale

CRITIQUE / AVIS FILM - Après "Les Brasiers de la colère" et "Hostiles", le duo Scott Cooper - Christian Bale se reforme pour "The Pale Blue Eye". Un thriller policier à l'accent romantique façon Edgar Allan Poe, autre personnage principal de ce récit mystérieux et mélancolique de bonne tenue.

Scott Cooper, cinéaste de la belle solitude

Pour son sixième long-métrage, The Pale Blue Eye, le scénariste et réalisateur Scott Cooper retrouve Christian Bale, qu'il a déjà dirigé dans Les Brasiers de la colère et Hostiles. Barbu, le regard noir où se lit une puissante tristesse, l'acteur de la trilogie The Dark Knight et de Vice dépeint dans ces films des hommes confrontés à une terrible perte. Une manière de romantisme moderne qui est poussée à son paroxysme dans The Pale Blue Eye, thriller policier qui prend place à l'académie militaire de West Point en 1830.

Edgar Allan Poe (Harry Melling) - The Pale Blue Eye
Edgar Allan Poe (Harry Melling) - The Pale Blue Eye ©Netflix

Dans The Pale Blue Eye, l'enquêteur Augustus Landor est sollicité par la prestigieuse institution pour élucider la profanation d'un corps, celui d'un étudiant qui s'est pendu. Rapidement, il est établi qu'il ne s'agit pas d'un suicide mais bien d'un meurtre. Augustus Landor, épaulé par un autre étudiant, mélancolique et solitaire, répondant au nom d'Edgar Allan Poe (Harry Melling), va alors se plonger dans cette affaire mystérieuse.

Adapté du roman éponyme de Louis Bayard, The Pale Blue Eye est un "pur" Scott Cooper, dans la mesure où on y retrouve son goût pour des paysages aussi charmants qu'effrayants, qui enserrent des personnages marqués par la solitude. Comme dans Hostiles, où le capitaine Joseph J. Blocker (Christian Bale) trouvait une solitude proche de la sienne chez la jeune veuve Rosalie Quaid (Rosamund Pike), c'est ici dans la solitude poétique d'Edgar Allan Poe qu'Augustus Landor fait résonner sa peine. Poe a perdu sa mère mais l'entend toujours dans ses sommeils et réveils, et Landor pleure encore la mort de sa femme ainsi que la disparition de sa fille, qui a quitté le foyer.

Un film de chagrin et de vengeance

Tels deux navires battus par des vagues de mélancolie, Landor et Poe vont ensemble s'enfoncer dans les méandres de la folie humaine. Poe parle plus que Landor, il est en effet aussi poète, aime la langue et maîtrise l'art du discours à la perfection. Landor est lui un homme de peu de mots, économe dans ses discours comme dans ses gestes. Mais Christian Bale transmet paradoxalement à merveille les pensées qui agitent son esprit de pisteur.

Augustus Landor (Christian Bale) - The Pale Blue Eye
Augustus Landor (Christian Bale) - The Pale Blue Eye ©Netflix

Il apparaît vite aux deux hommes que le premier meurtre, puis le second, suivent un schéma particulier. Les coeurs des deux victimes ont été arrachés. Des animaux ont aussi été trouvés ainsi mutilés. Rites sataniques ? Fausses pistes pour dissimuler un règlement de comptes entre étudiants ? The Pale Blue Eye ravit son public par la multiplication de pistes qui semblent éloigner de la vérité dès qu'on les suit.

The Pale Blue Eye est un thriller policier, avec son énigme à résoudre et ses coupables à identifier. Mais il est aussi, et peut-être surtout, une formidable peinture de caractères. En plaçant çà et là des éléments ésotériques, en revenant en permanence à une poésie macabre déclamée par la bouche de Poe et symbolisée par les arbres nus et les chemins enneigés de l'hiver, Scott Cooper met en scène deux vieilles âmes résolues à résoudre, dans une ambiance persistante de mystère, les pertes intimes qui les terrassent.

Du Edgar Allan Poe dans le texte

L'incarnation par Harry Melling de celui qui deviendrait un des plus grands écrivains américains, considéré comme l'inventeur du roman policier, est brillante. Tout en étrangeté, en mélancolie et en douceur, l'acteur livre une performance d'autant plus fascinante qu'elle apparaît authentique, de la mort de sa mère à son supposé alcoolisme, en passant par son don pour la poésie. Edgar Allan Poe est non seulement un personnage moteur de The Pale Blue Eye mais aussi le pendant idéal d'Augustus Landor. Un duo parfait pour raconter, avec des frémissements fantastiques, une réalité sous-jacente prosaïque ou l'amour, le deuil et la vengeance occupent des places centrales.

S'il est complètement séduit par l'association de l'enquêteur et du poète, le public pourra cependant regretter des personnages secondaires programmatiques et trop peu développés, malgré les acteurs et actrices de talent qui les incarnent. Que ce soit les membres de la famille du médecin de l'académie (Toby Jones, Lucy Boynton et Gillian Anderson) ou les responsables de l'académie (Simon McBurney et Timothy Spall), ceux-là n'apportent que si peu à l'intrigue et la séduisante ambiance mises en scène par Scott Cooper, n'ayant pas la poésie qu'irradient Poe et Landor. Une faiblesse qui génère des inégalités dans le récit et handicape le dernier acte, sans cependant rien enlever de la tragique beauté de sa révélation finale.

The Pale Blue Eye de Scott Cooper, disponible sur Netflix le 6 janvier 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"The Pale Blue Eye" développe une poésie et une mélancolie charmantes, portées par deux personnages brillamment incarnés par Christian Bale et Harry Melling. Malgré un casting secondaire en deça du reste, le thriller de Scott Cooper se déguste comme une nouvelle d'Edgar Allan Poe, écrivain auquel il rend un bel hommage. À voir

Note spectateur : Sois le premier