Une femme de notre temps : Sophie Marceau bluffante

Une femme de notre temps : Sophie Marceau bluffante

CRITIQUE / AVIS FILM – "Une femme de notre temps", le dernier long-métrage de Jean-Paul Civeyrac, entraîne le spectateur dans la descente aux enfers d’une femme trompée incarnée parfaitement par Sophie Marceau.

La vie réserve parfois de mauvaises surprises

Dans Une femme de notre temps, le réalisateur Jean-Paul Civeyrac met en scène Sophie Marceau dans le rôle de Juliane. Le film raconte la chute d’une femme qui place l’intégrité, l’éthique morale et la loi au-dessus de toutes ses valeurs. Elle en a même fait son métier puisqu’elle est commissaire de police. Le réalisateur dresse un portrait d’elle assez intrigant et ne la lâche pas d’une semelle.

Avec une rigueur à la limite de la rigidité, Juliane est présentée comme détestant tous ceux qui sortent des clous, mentent et outrepassent leurs droits. Elle ne s’émeut ainsi pas outre mesure dès qu’un policier corrompu est dénoncé ou même tué. Respectée pour son professionnalisme, presque crainte, par ses collègues et ses collaborateurs, comme Sami (Ouassini Embarek), elle n’abuse pas pour autant de son pouvoir.

Juliane (Sophie Marceau) - Une femme de notre temps
Juliane (Sophie Marceau) - Une femme de notre temps ©Rezo Films

Mais elle a une blessure intime qui la ronge : le décès de sa sœur quelques années auparavant. Elle en parle peu, préférant l’écriture de thrillers aux épanchements. Car Juliane est une taiseuse. C'est une femme comblée auprès de son mari Hugo et de sa fille qui ne vit plus avec eux. Elle entretient son corps, aussi bien parce qu’il s’agit de son outil de travail que parce qu’elle éprouve le besoin de se libérer de sa tension. Elle court, s’entraîne au tir dans un stand et au tir à l’arc dans la forêt, telle la déesse Diane chasseresse. Et elle se réfugie et se ressource dans sa maison qu’elle a aménagée comme un cocon protecteur.

Une femme de notre temps, de la trahison à la vengeance

Ce que le film donne très bien à voir, c’est la façon dont le doute, petit à petit, parvient à s’immiscer dans la vie de Juliane. Une femme de notre temps fait subtilement ressentir le conflit interne de Juliane, lorsqu’elle commence à avoir des soupçons des mensonges et de l’infidélité de son mari. Elle se retrouve écartelée entre ce qui la meut profondément et ce qu’elle découvre, entre sa confiance aveugle et cette réalité qu’elle n’a jamais osé envisager. Son socle s’effondre, ses valeurs fondamentales et ses croyances sont piétinées.

Avec son instinct animal de chasseuse, elle se retrouve obnubilée par la nécessité de savoir la vérité, au risque de la blesser davantage. Elle observe, cherche, fouine, traque. Une scène dans l’appartement de sa fille est particulièrement puissante, avec une sacrée performance d’actrice. Car Juliane ne dit mot mais sa souffrance et sa sidération s’expriment dans son regard et ses pleurs étouffés. Juliane se découvre femme blessée dans son orgueil, trahie, comme une femme banale en somme.

Juliane (Sophie Marceau) - Une femme de notre temps
Juliane (Sophie Marceau) - Une femme de notre temps ©Rezo Films

Une femme de notre temps montre aussi ce moment de bascule sans retour, suggérant qu’il y a chez elle une descente brutale de son propre piédestal. Car, au fond, comment un homme comme lui peut-il faire ça à une femme comme elle ? L’idée même qu’elle aurait pu se tromper à ce point sur lui et donc sur elle-même et ses choix la bouleverse. Le renversement de situation est particulièrement bien amené, plaçant désormais la femme de pouvoir en victime. Une victime au même titre que Virginia (Cristina Flutur), que l’héroïne décide d’aider dans une station-service, pour échapper à son mari violent Nils (Michaël Erpelding).

Sophie Marceau au-dessus du lot

Une femme de notre temps n’est pas toujours dans la brutale réalité puisqu’il offre aussi de judicieuses respirations oniriques et métaphoriques. Comme celle du cèdre malade dans le jardin qu’il faut désormais couper plutôt que tenter de soigner, à l’image du couple. Mais la seconde partie du film ne tient hélas ni ses promesses, ni la route. D’abord parce qu’on n’est pas vraiment convaincu par l’amour profond qui unit le couple. Le personnage du mari, homme de secrets et de mensonges, apparaît tellement fade et sans réel sex appeal qu’on a bien du mal à l’imaginer conquérir d’autres femmes. Quant à l’acteur, Johan Heldenberg, il ne fait pas le poids face à l’emblématique Sophie Marceau.

Enfin, même si on saisit bien que cette femme bousculée n’est plus alignée dans son axe et a perdu ses repères moraux et judiciaires, le réalisateur pousse un poil trop loin la démonstration de la vengeance qui dérape. Mais malgré ces quelques réserves, Une femme de notre temps se révèle un drame intime plutôt émouvant, grâce à Sophie Marceau dans un rôle surprenant qu’elle assume pleinement.

Une femme de notre temps de Jean-Paul Civeyrac, en salles le 5 octobre 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

"Une femme de notre temps" brosse le portrait d'une femme blessée dans son orgueil, qui bascule dans la vengeance. Sophie Marceau est impressionnante, même si le film prend un chemin peu convaincant.

Note spectateur : 4 (1 notes)