Un violent désir de bonheur : journal d'un moine de campagne

Un violent désir de bonheur : journal d'un moine de campagne

CRITIQUE FILM - Présenté ce dimanche à l’Acid à Cannes, « Un violent désir de bonheur » nous place en marge de la révolution française auprès d’un jeune moine en plein éveil existentiel, campé par le jeune Quentin Dolmaire.

Confiné dans un monastère paumé alors que la révolution française bat son plein, un groupe de moines s’apprête à être délogé de sa bâtisse par des soldats sans gêne, accompagnés d'une esclave affranchie qui ne dit pas un mot. Le plus jeune des moines, Gabriel, qui est aussi le plus éloquent, tient tête aux soldats : il veut rester dans son monastère quoiqu'il arrive. Mais le lieutenant ne l'entend pas de cet avis. Désormais, le monastère est une propriété de la nation française fraîchement créée, et sera transformé en caserne. Gabriel doit choisir entre troquer son habit de moine pour l'uniforme révolutionnaire et rester dans son monastère préféré, ou quitter définitivement les lieux. Alors qu'il tergiverse, deux des soldats le prennent sous son aile et Gabriel se rapproche petit à petit de la jeune muette.

L’habit ne fait pas le moine

Un monastère isolé du reste du monde, format 1.33, quelques personnages bien identifiables et qui ne varient que très peu tout au long du récit, et puis, surtout, un débit de parole monotone au sein duquel les acteurs récitent leurs texte sans déborder : c’est la proposition, très théâtrale, de Clément Schneider dans Un violent désir de bonheur, son second long-métrage, présenté à l'Acid. Il est, dans ce sens, assez ironique que le film mette en place une quête de bonheur et de libération dans un ton mortifère plat, où le volume n'augmente jamais et où rien ne dépasse. Sur le principe d’un « habit qui ne ferait pas le moine », Un violent désir de bonheur est un faux titre : ni violence, ni désir, ni bonheur dans ces hésitations existentielles, mais de la résignation, de l’isolement et une douleur profonde qui va tenter de s’ouvrir au nouveau monde qui s’annonce.

On sent évidemment, dans la manière dont Clément Schneider dirige le jeune Quentin Dolmaire (la révélation fracassante de Trois souvenirs de ma jeunesse de Arnaud Desplechin), les influences bressoniennes de son cinéma naissant. Sa direction d'acteur, à la fois théâtrale et anti-dramatique, aussi verbeuse et soulignée qu'austère et frigide, varie en fonction des séquences mais reste sur la même ligne tout du long. L’idée est, toujours, de retenir sa violence intérieure pour ne pas en dévoiler les contours ou, au contraire, d'exprimer, avec outrance, son bonheur retrouvé. C'est tout le paradoxe de Un violent désir de bonheur. Celui d'être à la fois un film intime et sur-expressif, justement, dans sa non-expressivité, là où la théâtralité du jeu, austère en apparence, finit par trop se voir et par voiler cette vérité tant recherchée.

Déséquilibres

Tout est une affaire de balance. L'éveil sentimental et sexuel du jeune Gabriel peine au départ à se dévoiler au spectateur, décontenancé face à l’austérité volontaire du jeu de Quentin Dolmaire, qui ne laisse rien passer excepté ses qualités d’orateur, qu’il use pour se défendre. Ce n’est que dans un second temps que celui-ci, une fois débarrassé de ses afféteries religieuses plombantes, que la libération de son personnage comme de son jeu pourra se faire véritablement ressentir – parfois même un peu trop. La résignation laisse place au charnel et à la sensualité et donne à voir quelques beaux moments de liberté et de plénitude, les fesses à l’air, dans une atmosphère pasolinienne aussi bienvenue qu’outrancière.

Un violent désir de bonheur pâtit de ces variations là, coincé entre son désir amoureux débridé et libertaire, finalité du récit, et le psychodrame existentiel et erratique confiné dans un monastère en péril, qui le compose en grande partie. Ni l’un, ni l’autre n’arrivent à convaincre pleinement tant ils restent coincés dans leur programme d’illustration psychologique. Gabriel tressaille et hésite, donc le film tremble et traîne les pieds. Gabriel est libre et amoureux, donc le film s’illumine et irradie la salle. Le changement est sans doute un peu trop brusque et rapide (le film dure 1h10) pour convaincre, et ce revirement de la chasteté à la désinvolture, bien que touchant par moment, nous aura laissé de marbre.

Un violent désir de bonheur de Clément Schneider, présenté à l'Acid à Cannes, sortira en salle prochainement.

Conclusion

Note de la rédaction

Assez déroutant au départ, « Un violent désir de bonheur », second long-métrage de Clément Schneider, se révèle être un honorable essai, hésitant peut être un peu trop entre confinement et débordement, du jeu comme de ses enjeux.

Peut mieux faire

Note spectateur : 4.4 (1 notes)