Voyage en pleine conscience de Max Pugh et Marc Francis : être et non paraitre

Voyage en pleine conscience de Max Pugh et Marc Francis : être et non paraitre

CRITIQUE FILM - Le documentaire "Voyage en pleine conscience - Dans les pas de Thich Nhat Hanh" nous plonge dans une aventure visuelle et auditive dont la finalité se résume en trois mots : "Ici et Maintenant".

Thich Nhât Hanh (à prononcer : "Tic Natte Anne") n'est pas un moine comme les autres. On le dit "vénérable", on l'appelle "maitre", on le compare à Yoda dans Star Wars. Pour les bouddhistes, il figure comme l'un de leurs plus éminents représentants avec le Dalaï Lama. Forcé à l'exil lorsque qu'il s'engagea contre la guerre du Vietnam, il a trouvé refuge dans le village des Pruniers qu'il a fondé en 1982. En vérité sous cette appellation se cache une série de hameaux, situés entre Bordeaux et Bergerac, dans lesquels sont conviées tout au long de l'année des personnes désireuses de vivre la méditation dite "de pleine conscience".

Un film qui prône "l'être" au lieu du "faire"

Des retraites méditatives sont proposées aux adeptes, venus de la Terre entière pour rencontrer Thich et s'initier dans un cadre propice à la méditation de pleine conscience, méditation qui consiste à porter toute son attention sur le souffle et sur ce qui passe en nous et autour de nous, là, tout de suite. Mettre en lumière la beauté intrinsèque de tout se qui présente à soi, telle est la mission du maitre Thich et du bouddhisme zen.

Thich Nhât Hanh aurait pu plusieurs fois recevoir le Prix Nobel de la Paix. Martin Luther King y était d'ailleurs favorable. Sa vision pacifiste de l'existence se lit sur son visage et s'entend. Dans une des premières séquences du film, il répond à une petite fille attristée de ne plus jamais revoir son chien mort. En comparant son chien à un nuage qui serait devenu pluie et qu'elle pourrait convoquer à loisir quand l'eau se présentera à elle, il se fait poète et sage.

Mais les propos du maitre zen ne se déclinent pas tant que cela dans le documentaire. Certes, des extraits magnifiques issus des journaux qu'il a écrits sont lus par Benedict Cumberbatch en voix off, lorsque des images de la nature nous sont montrées. Ce sont des réflexions personnelles sur la Vérité, le Bonheur, les saisons. Si ces mots construisent la pensée philosophique de Thich Nhât Hanh, ils tissent un filigrane discret tout autour du film. Pour autant, très vite, la théorie est mise de côté pour laisser place à la pratique. C'est la vertu comme le défaut du long-métrage.

Dans la deuxième partie, on s'éloigne en effet du maitre zen et de ses enseignements auprès des adeptes du Village des Pruniers. On saura simplement que les gens viennent chercher dans cette communauté autre chose, vivre une expérience où toutes les 15 minutes une cloche retentit pour nous ramener au moment présent. Une meilleure compréhension du fonctionnement du groupe de moines et moniales ainsi qu'une vision plus approfondie des échanges entre les visiteurs et la communauté auraient été éclairantes.

Une pleine conscience qui voyage sur tous les continents

Le film décide de mettre en avant la visée internationale ambitionnée par la communauté des religieux. Il n'est pas question de vivre en vase clos mais de traverser les océans pour répandre leur enseignement. Au-delà du village des Pruniers, il existe à l'étranger plusieurs centres dédiés à l'apprentissage de la pleine conscience, dont deux aux Etats-Unis.

 

 

 

S'opère alors un mouvement très intéressant : commencer en France par la cérémonie officielle qui transforme des anonymes de la société civile en religieux de cette communauté, pour les retrouver enfin arrivés Outre-Atlantique auprès de leurs familles et là où ils peuvent se faire entendre : sur le pavé des rues de New-York, près de prisonniers américains, etc.

Les séquences introductives et finales valent le détour. Filmer des crânes en train d'être rasés comme des actes de dévotion dénote, interpelle. L'héritage des crânes rasés que porte l'Histoire et le cinéma ne prête habituellement pas à la joie. Devant Hiroshima Mon Amour (Alain Resnais, 1959) ou La Passion de Jeanne d'Arc (Carl Theodor Dreyer, 1928), les femmes tondues font de la peine. Le geste est associé à la guerre et à la soumission. Alors quand d'autres femmes en font usage pour l'amour et la paix, on est décontenancés. On voit les images d'une autre façon. Le film s'éloigne aussi de toute caricature. On y décèle la solitude des religieux mais aussi le lien qui subsiste avec leurs proches qu'ils voient trop rarement. L'émoi nous saisit quand ils se retrouvent à la fin entre eux, emplis de bonheur. Le constat semble alors clair : Ces personnes ont choisi cette vie de recueillement par passion, et non par dépit ou esseulement.

 

Voyage en pleine conscience est dans les salles depuis le 13 juin. Ci-dessus la bande-annonce.

Le DVD et la VOD sortent le 7 novembre.

Conclusion

Note de la rédaction

Le film de Max Pugh et Marc J. Francis échappe au dogmatisme idéologique et dessine le portrait d'une philosophie de vie tournée vers l'Eveil. Un documentaire filmé avec beauté et sens.

Sur la bonne voie

Note spectateur : 5 (1 notes)