B.R.I. : la nouvelle série policière de Canal+ impressionne

B.R.I. : la nouvelle série policière de Canal+ impressionne

CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Chargés de renouveler la Création Originale policière de Canal+, Jérémie Guez et Erwan Augoyard font très fort en assumant un changement de méthode et de génération. À la fois nerveuse et patiente, menée par un jeune et formidable casting, "BRI" arrive et ça déménage.

Jérémie Guez, force spéciale de la fiction policière

À l’image des membres du groupe B.R.I. de Versailles qui passent beaucoup de temps dans leurs puissantes et discrètes voitures, Jérémie Guez a-t-il trouvé son meilleur véhicule ? Figure elle aussi puissante et discrète de la fiction policière, Jérémie Guez écrit des romans, scénarise pour les autres, pour lui-même, a déjà réalisé trois longs-métrages, une web série et maintenant une première série en très grand grand format chez un des spécialistes du genre, co-créée et co-écrite avec Erwan Augoyard, et dont il réalise tous les épisodes.

Saïd (Sofiane Khammes) - B.R.I.
Saïd (Sofiane Khammes) - B.R.I. ©Canal+

Réalisme des situations et inspiration de faits réels à différents degrés, de Mafiosa à Braquo en passant par le monument Engrenages, la série policière française vit avec son temps et BRI ne déroge pas à la règle. Faire réaliste pour s’accrocher autant que possible à une réalité, B.R.I. l’assume dès son ouverture avec l'introduction du leader, "faux" personnage principal, quelques minutes avant l’assaut du Bataclan, le 13 novembre 2015 : Saïd (Sofiane Khammes), venu du renseignement militaire et tout juste intégré à la B.R.I..

Nouvelle génération

L’histoire d’une passation de pouvoir, d’un héritage à gérer, commence donc là, face à Patrick (Bruno Todeschini), sorte de « grand flic » du temps d’avant, qui décèle quelque chose chez Saïd. Quelques années plus tard, à quelques semaines de la retraite et sans plus d’explications, il recommande Saïd à la tête de son groupe.

B.R.I. sonne le changement de génération. Il fallait pour Canal+ livrer une création digne de prendre la relève d’Engrenages, très grande série policière qui a tiré sa révérence en 2020 après huit saisons et quinze ans de bons et loyaux services. Il y a d'ailleurs de celle-ci dans B.R.I., par l’immersion quotidienne et presque sensuelle avec laquelle on suit le groupe. Une sensualité d'autant plus mise en exergue par la jeunesse et la vitalité du casting. Appartements, sorties nocturnes, conversations pendant une planque, solitudes silencieuses mais explicites... Haletante, physique, B.R.I. n'en reste pas moins attachée à peindre ses personnages le plus précisément et humainement possible. Ainsi, ceux-là n’avancent pas masqués, mais se révèlent prudemment et lentement. Les acteurs et l'actrice qui incarnent les membres du groupe de Saïd sont aussi talentueux que charismatiques, et gagnent à être vus.

Saïd (Sofiane Khammes) - B.R.I.
Saïd (Sofiane Khammes) - B.R.I. ©Canal+

Badri (Rabah Nait Oufella) se fait discret et cache à sa mère, avec qui il vit dans une cité, qu’il est policier. Julien (Wael Sersoub) est aussi fort et performant sur le terrain qu’enfantin et inquiet dans son intimité. Vanessa (Ophélie Bau) est aussi tenace et déterminée que songeuse. Enfin il y a Socrate (Théo Christine), plein d’énergie et de mystère, arrivé des stups et qui a ses méthodes… Tous sont brillants, investis et crédibles, et on retient tout particulièrement la trop rare Ophélie Bau et le très charismatique Théo Christine.

Nerveuse comme Bac Nord, rentrée comme Novembre

Parmi les chefs de file de la nouvelle fiction policière, Jérémie Guez n'est pas très loin de Cédric Jimenez. En effet, il y a dans sa mise en scène de l'action de la nervosité et du réalisme, une violence réelle sans être racoleuse, et une application pour que son spectacle ne prenne pas le pas sur les enjeux propres aux personnages. Le réalisateur confie ainsi à ses personnages, et ce que leurs interprètes rendent parfaitement, des personnalités plutôt rentrées, volontaires mais prudentes. Des territoires et des histoires à explorer, qui se dévoilent progressivement à mesure que la série avance, sur son rythme entraînant.

Vanessa (Ophélie Bau) - B.R.I.
Vanessa (Ophélie Bau) - B.R.I. ©Canal+

Si l’on ajoute les performances convaincantes des rôles secondaires comme Emmanuelle Devos et Hugo Dillon, toujours aussi charismatique et inquiétant, le casting est dans son ensemble extrêmement convaincant. À une exception notable. Dans le rôle d’Éric Perez, caïd gitan et ancien indic de Patrick, Vincent Elbaz compose une caricature et livre une performance ratée, malheureusement cassante, éjectant quasi systématiquement le spectateur du drame qui se joue. Une interprétation à outrance qui dessert le réalisme de la série d’une part, et d’autre part l’univers séduisant communiqué par la performance de Nina Meurisse.

Un temps nécessaire pour s'ajuster

Série d'immersion dans le milieu policier, B.R.I. montre aussi le monde criminel, en peignant le grand banditisme d'aujourd'hui et ses conflits entre la fratrie El Hassani et le clan gitan des Perez. La complexité étant que Jérémie Guez s'attarde à raison sur ses policiers, et ouvre de manière encore aléatoire sur ceux qu'ils poursuivent. Non pas qu'on voudrait en voir déjà plus, mais les performances du casting "policier" de la série nous manquent dès qu'on ne voit plus ces personnages. On comprend l'ambition de couvrir ces deux mondes, mais le déséquilibre est sensible. Un petit défaut inévitable au moment d'établir l'univers et ses hiérarchies, mais qui n'enlève rien aux jolies sensations procurées par BRI.

À l’issue de son final dramatique et spectaculaire, la première saison de B.R.I. a ainsi posé des bases très solides pour la suite, tant du côté policier que criminel, un échiquier sur lequel déchaîner la guerre et multiplier les intrigues. Hâte d’y être.

B.R.I. de Jérémie Guez et Erwan Augoyard, sur Canal+ à partir du 24 avril 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

La nouvelle série policière "B.R.I." créée par Jérémie Guez et Erwan Augoyard réussit son pari, en soufflant un fort vent de fraîcheur sur le genre. Sur fond de guerre de gangs à Paris et autour, on suit une équipe de la BRI composée de jeunes policiers incarnés par un formidable casting. Un changement de génération aussi nerveux que patient, spectaculaire et intelligent.

Note spectateur : 4 (1 notes)