Devils : le pouvoir de l’argent

Devils : le pouvoir de l’argent

CRITIQUE / AVIS SÉRIE – La série d'OCS "Devils", avec Patrick Dempsey et Alessandro Borghi, offre une passionnante plongée dans l’histoire de la crise financière de 2011 par l’intermédiaire des tribulations d’un trader brillant.

Série en dix épisodes, diffusée à partir du 18 avril sur OCS, Devils, créée par Jan Michelini et réalisée par Nick Hurran, est un thriller financier géopolitique complexe et fascinant. Adaptée du célèbre best-seller international I diavoli, premier roman en partie autobiographique de Guido Maria Brera, la série replonge le spectateur en 2011, en plein cœur de la crise financière, mais aussi des bouleversements politiques mondiaux.

L’action se situe plus précisément au sein de la NYL, banque d'investissement américaine basée à Londres. On y voit travailler le brillant trader Massimo Ruggiero (Alessandro Borghi), accompagné de ses trois collaborateurs (Harry MichellPaul Chowdhry et Pia Mechler), admiratifs de son génie, de son instinct et de ses prises de risques qui ont permis de faire gagner beaucoup d’argent à la banque.

Il est beaucoup question d’admiration dans Devils, comme si c’était l’une des conditions sine qua non pour être un membre performant reconnu de la NYL. Ainsi Massimo admire-t-il son mentor, le directeur général américain Dominic Morgan (Patrick Dempsey) qui l’a pris sous son aile, lui a accordé toute sa confiance et sa protection et lui a donné les clés de son monde de pouvoir et de luxe. La série montre parfaitement, avec beaucoup de cynisme et parfois un peu trop de théâtralité, que dans ce monde de requins, aucune partie prenante ne garde jamais vraiment la même place, ni dans la banque, ni dans le cœur du DG, qui semble tirer toutes les ficelles.

À tout moment, la chance peut tourner, le destin peut basculer et la chute peut être aussi brutale que l’ascension a été fulgurante. Celui qui était bien vu la veille peut être rejeté le lendemain. Parce qu’il a failli, n’a pas assez fait ses preuves, a mis en doute les décisions prises au plus haut niveau, a refusé le jeu de l’équipe, a mis en danger la réputation de la banque ou a fait prévaloir ses intérêts personnels. Le monde professionnel se mêle ainsi allègrement aux relations amicales et amoureuses, avec pour résultat une interdépendance malsaine et dangereuse.

Une série qui interroge sur les limites de la morale

Ce que Devils donne judicieusement à voir, s’il en était besoin, c’est que la compétence n’est pas toujours ce qui compte le plus pour rester dans les sommets du pouvoir. Ce qui compte, c’est avant tout la loyauté, quelqu’en soit le prix. Et celle de Massimo va être soumise à rude épreuve, aussi bien d’un point de vue personnel avec sa propre épouse Carey (Sallie Harmsen) que professionnel. Pressenti au poste de vice-président directeur, alors que son collègue et concurrent Stuart meurt soudainement, Massimo va en effet être soupçonné d’y être pour quelque chose et devra tout faire pour découvrir la vérité.

Mais là encore, Devils a de quoi surprendre, car Massimo n’est pas un petit poisson qui va se laisser manger facilement. Bien au contraire, lui aussi est devenu capable de tout pour faire payer les responsables et a vite appris les codes pour manipuler son entourage. Ainsi de cette jeune journaliste Sofia (Laia Costa), qui travaille avec l’activiste Daniel Duvall (Lars Mikkelsen), mélange de Assange et des Anonymous, ou du jeune prodige de la finance Oliver Harry (Malachi Kirby). Mais aussi de Nina (Kasia Smutniak), l'épouse glamour de Dominic ou encore de Claire Stuart (Jemma Powell). Pourtant, là encore, rien n’est linéaire, ni jamais acquis dans Devils et celui ou celle qui manipule n’est pas toujours celui ou celle qu’on croit. Sont donc brillamment au rendez-vous trahisons, mensonges, menaces, moyens de pression, pièges, corruption, remise en question de la démocratie et implication des banques dans la géopolitique.

La complexité du récit, ses multiples entrées, sa contextualisation dans l’histoire contemporaine et les archives d’informations réelles de l’époque, ainsi que son vocabulaire boursier et ses enjeux gouvernementaux risquent cependant d’en rebuter certains. Pour autant, il n’y a pas une nécessité absolue à être un initié du monde de la finance, ni de connaître précisément l’origine de la crise des subprimes de 2008, ou de la faillite de la banque Lehman Brothers de 2011, et de la dépression la plus grave depuis celle de 1929 qui s’en est suivie. Car Devils donne suffisamment de clés pour comprendre les tenants et les aboutissants.

Il s’agit surtout de s’intéresser à l’âme humaine. Car la série, en dépit de sa densité et de sa matière, réussit à faire en sorte que le spectateur soit subtilement amené à prendre parti, tantôt pour Massimo, tantôt pour chacun des autres protagonistes. Devils parvient à les rendre tous attachants, à un moment ou à un autre de l’intrigue, faisant entrer le spectateur dans leur intimité, leur histoire, leur ascension sociale, leurs blessures du passé et leurs deuils, qui légitimisent assez souvent leurs actions du présent. Car c’est précisément grâce à son empathie que la série accroche le spectateur, l’interroge, le fait douter et attise sa curiosité.

Le « s » de Devils remet très bien en perspective le fait qu’aucun être humain n’est ni jamais totalement un saint, ni jamais totalement un démon et que l’un et l’autre cohabitent souvent, ce que souligne précisément le héros en début et en fin de chaque épisode. Ce que dit Devils de notre monde capitaliste fait froid dans le dos, mais laisse de l’espoir car les héros tirent aussi des leçons de leurs expériences. La mise en scène, d’une grande modernité, imprime un rythme d’action haletant et utilise habilement les flashbacks. Quant aux moments de ralentis et d’arrêts sur images, ils permettent de faire saisir au spectateur l'acuité avec laquelle Massimo prend conscience des événements. Devils se révèle donc une série ambitieuse et passionnante qui évoque l’évolution d’un trader brillant en parallèle de celle du monde.

 

Devils créée par Nick Hurran et Jan Michelini, diffusée sur OCS le 18 avril 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

"Devils" est un thriller financier et géopolitique ambitieux qui, grâce à des personnages tout en nuances, revient aux sources de la crise financière mondiale de 2011.

Note spectateur : 5 (1 notes)