Élite : le nouveau phénomène espagnol de Netflix ?

Élite : le nouveau phénomène espagnol de Netflix ?

CRITIQUE SÉRIE - Une partie du casting de "La Casa de Papel" se retrouve dans une nouvelle série bien partie pour faire parler d'elle. Et c'est toujours sur Netflix que ça se passe.

L'immense succès de La Casa de Papel via Netflix a positionné l'Espagne sur l'échiquier des concepteurs de séries auprès des non-initiés. Grâce à un concept malin et un vrai sens du divertissement, le show s'est fait une place rapidement dans les cœurs des téléspectateurs, bien aidé par la propagation de l'hymne Bella Ciao dans la culture populaire - avec tous les aspects insupportables que cela comporte.

Quelques mois après la seconde saison et en attendant la troisième qui devrait sortir l'année prochaine, Netflix a mis en ligne le 5 octobre Élite, une nouvelle production espagnole avec quelques têtes bien connues désormais. Créée par Carlos Montero et Darío Madrona, la série nous plonge dans une école huppée formant les grands noms de demain. À la suite de l'effondrement d'une autre école de la classe populaire, trois élèves sont choisis pour intégrer l'établissement sans ne rien avoir à débourser. Cette opportunité n'en sera pas forcément une pour ces adolescents qui débarquent dans un milieu peuplé de requins nés avec une cuillère d'argent dans la bouche. La situation va en devenir tragique le jour où quelqu'un meurt entre les murs de l'école.

La Casa de Papel fondait une partie de sa réussite sur sa construction narrative qui jonglait entre passé et présent pour nous donner une vision d'ensemble sur le déroulé des événements et, surtout, pour mieux élargir la caractérisation des personnages. Élite reprend ce concept de double temporalité pour alimenter le suspense. La série s'ouvre sur la découverte d'un corps par la police. Les différents protagonistes vont passer un à un par la case interrogatoire afin de donner leur version des faits. Une sorte de version alternative à la saison 2 de 13 Reasons Why, série avec laquelle Élite partage le genre, celui du teen drama. Les codes sont là, la galerie de personnage est construite pour parler au public ciblé. On y retrouve une forme d'éclectisme dans les caractères et les origines, afin de créer un microcosme complet avec ses diversités.

Les amateurs du genre se retrouveront comme à leur habitude avec différentes têtes à suivre, certaines qui deviendront leurs chouchous, d'autres qui seront dans leur collimateur. Pour arriver à ce résultat, la finesse n'est pas le principal argument de la série et la priorité est accordée au gros traits, aux spécificités bien marquées. Un défaut qui a ses qualités, rendant tout le monde identifiable très vite, rangé dans sa case, avec son champ d'action prédéfini. Ce traitement vise l'efficacité avant tout, puis ajuste par légères touches certains traits de caractère pour leur donner un peu plus de relief. Le public sera sûrement particulièrement heureux de retrouver trois acteurs de La Casa de Papel, Maria PedrazaMiguel Herrán et Jaime Lorente, qui ne sont pas entre temps devenus de grands acteurs mais leur charisme est indéniablement suffisant pour ce qu'ils ont à jouer.

Par le biais de sa galerie de personnages, la série cherche à aborder plusieurs sujets différents pour être en phase avec son époque. La religion se mêle à des questionnements sur la sexualité, la drogue, l'apprentissage du sentiment amoureux, le tout sur fond de lutte des classes. Élite est de ce point de vue très moderne, comme en témoigne la personnalité de Nadia, une étudiante voilée dont la Foi est confrontée à une jeunesse qui ne la comprend pas. On pense aussi à son frère, musulman et homosexuel. La série n'a cependant pas la rigueur pour traiter tous les sujets avec brio, ce qui joue en sa défaveur dans certaines scènes qui ont l'air de se détacher de la fluidité de l'ensemble pour faire rentrer tout dans le temps imparti. Et c'est dommage lorsqu'on prétend vouloir aborder des sujets aussi graves que le VIH. En réduisant son champ d'action dans la multiplicité des sujets, la série aurait gagné en puissance dans leur traitement. Parce qu'en plus, ces thèmes se croisent avec des sous-intrigues, des trahisons, des relations mouvementées - dont des traumas inutiles comme le passé carcéral de Nano. Impossible sur ce coup de reprocher à Netflix de nous livrer un show à rallonge, les huit épisodes sont remplis à ras bord.

Avec toutes ses imperfections, on se laisse rapidement prendre au jeu. Son intrigue bien ficelée ne camoufle pas ses largesses et ses grosses ficelles dans l'écriture, mais c'est ce qui en fait son charme - le teen drama a toujours plus ou moins proposer la même recette. Le public visé trouvera ici un programme qui traite de son temps sans éluder quelques problèmes épineux. Il lui manque probablement quelques scènes très fortes, à l'instar de celle de Bella Ciao dans La Casa de Papel, pour devenir un titre qui fait des vagues auprès des téléspectateurs. Une fois le dernier épisode terminé, il ne reste pas tant que cela de moments dont l'impact fait qu'Élite a le potentiel pour perdurer dans notre esprit. En l'état, il s'agit d'un divertissement pas désagréable qui consolide la bonne période traversée par les productions ibériques sur nos écrans.

Élite créée par Carlos Montero et Darío Madrona, disponible depuis le 5 octobre 2018 sur Netflix. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Une série qui a le courage, malgré ses défauts, d'oser aborder une grande variété de sujets d'actualité, tout en restant dans le cadre très codifié du teen drama.

Note spectateur : 4.85 (3 notes)