Good Omens : l'heureux présage d'Amazon

Good Omens : l'heureux présage d'Amazon

CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Création originale d'Amazon, en coproduction avec la BBC, "Good Omens" est un spectacle drôle, surprenant, et bien maîtrisé. Il s'en dégage une sensation de grande abondance, qui témoigne autant du souci de transcrire le plus fidèlement possible l'oeuvre littéraire, que la toute-puissance d'Amazon pour le faire.

Disponible en ligne sur la plateforme Amazon Prime, Good Omens est une adaptation réussie de l'oeuvre littéraire du même nom de Terry Pratchett et Neil Gaiman. Depuis le Jardin d'Eden jusqu'à nos jours, on suit les aventures de Crowley et Aziraphale, un démon et un ange chargés par leurs patrons respectifs d'orienter l'humanité. Ils ont pris goût à leur vie parmi les humains, et une amitié les lie. Jusqu'au jour où Crowley est chargé d'accueillir sur terre l'Antéchrist, signe que l'Apocalyspe va bientôt débuter...

Good Omens est portée par deux formidables comédiens

Le couple David Tennant / Michael Sheen est littéralement exceptionnel, avec un humour so british débridé, et on ressent directement le plaisir que les deux comédiens prennent à jouer ces deux personnages. Traitement classique, le démon Crowley est sexy, fêtard, et on aimerait passer du temps avec lui pour des malédictions qui ne sont pas si méchantes que ça. L’ange Aziraphale est doux, on s’imagine très bien profiter des plaisirs simples de la vie en sa compagnie : prendre le thé, deviser de littérature, s’habiller avec soin... Et s'autoriser quelques lâchetés.

Ce classicisme n’enlève rien à l’ironie mordante des situations, ni au plaisir pris à voir ces deux amis clandestins se soustraire à leur mission respective. Ils portent la série sur leurs épaules ailées, et tout ce qui les concerne est savoureux. Autour d’eux, les autres anges et démons sont volontairement caricaturaux. Jon Hamm en ange Gabriel, trop propre et ennuyeux, l'incarne avec une fadeur... Angélique. De l’autre côté, le démon Hastur (Ned Dennehy) est on ne peut plus répugnant sous un maquillage écœurant. En plus de ces anges et démons, il faut compter avec les quatre cavaliers de l’apocalypse, une lignée de sorcières, des humains « normaux », l’antéchrist lui-même…

Une réussite visuelle, des séquences vraiment remarquables, un plaisir non-feint de fabrication, l’expertise d’un réalisateur qui s’était déjà illustré dans la série Sherlock et Doctor Who, tout est là. Aussi, le casting n’en finit plus d’aligner des grands noms, notamment Frances McDormand et Benedict Cumberbatch pour faire les voix de Dieu et du Diable. C’est en réalité cet alignement ininterrompu de surprises, de clins d’œil, qui finit par poser un - petit - problème, en emmenant son spectateur dans les environs de l’indigestion.

Amazon a tout, sauf du temps

Les idées sont souvent excellentes, rien n’est raté, mais beaucoup d’éléments semblent présents pour leur unique disponibilité. Ce qui se passe durant toute la série est le parfait contraire de « l’épisode bouteille » (un épisode caractérisé par une optimisation des coûts, en réduisant le casting, les effets spéciaux, etc). Le plus bel exemple, parce que l’épisode était brillant, est le « Fly » de Breaking Bad, où Jesse et Walter sont enfermés dans le labo, à la poursuite d’une mouche qui les empêche de travailler.

Amazon n’a pas ce problème, et carte blanche est laissée aux décorateurs, comédiens, spécialistes des effets spéciaux de Good Omens. Ce n’est pas autre chose que dit, en bien, Nicolas Winding Refn à propos de son travail avec Amazon pour Too Old To Die Young : la seule contrainte est la date de livraison, pour le reste une liberté totale est laissée aux auteurs. Il y a ainsi un grand confort dans Good Omens, une abondance ininterrompue, qui donne une sensation de très grande liberté.

C’est donc dans cet espace non-contraint qu’Amazon déploie ces projets « fantasy », au risque d'en faire un peu trop, comme c’est parfois le cas dans Good Omens. Mais pour la grande partie du show, les planètes s'alignent de bon cœur, et la qualité est au rendez-vous. Pourquoi, alors, ne pas étirer cette générosité sur plusieurs saisons ? C’est en effet dommage que l’œuvre de Terry Pratchett et Neil Gaiman soit contenue dans une seule saison, que sa richesse soit retransmise à l’écran dans une forme d’urgence. Une urgence souvent jubilatoire, parfois confuse, où on ne sait plus très bien qui est qui, mais sans que cela ne gâche les effets recherchés. Mais le mystère persiste : pourquoi tout condenser en six épisodes, aussi denses soient-ils ?

Good Omens, production-type d'une plateforme de streaming

Les problèmes d’Amazon sont donc des problèmes de riches. La captivité de leurs clients est telle que, algorithme aidant, un public pourra toujours être trouvé. C’est ce qui transparaît dans Good Omens, qui semble lâcher ses arcs narratifs passés les deux premiers épisodes, pour s’embarquer dans une simple mais impressionnante démonstration d’effets cinématographiques. Non pas que ces effets soient tous parfaitement exécutés, mais dans cet univers flegmatique, leur qualité aléatoire a inévitablement quelque chose d'agréablement loufoque.

Ce qui pourrait sembler ridicule, suranné, mal fait, ne l’est jamais, et peut-être aussi que chaque déception peut être effacée par la surprise suivante. C’est tout l’art british de la comédie qui s’exprime, qui ne s’embarrasse pas de réalisme ou de message, et qui parfois laisse paraître comme une peur du vide. La série Good Omens est une vraie production de cinéma, et peut-être convient-il de considérer cette production comme un film en six chapitres, plutôt que comme une mini-série, elle qui n’a strictement rien de « mini ». Surprenante, débordante d'idées et de moyens, c'est un bel exemple de ce dont les nouveaux géants de la production audiovisuelle sont capables. 

 

Good Omens, de Douglas McKinnon. Disponible depuis le 31 mai 2019 sur Amazon Prime Video. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"Good Omens" est une comédie fantastique très réussie, avec deux comédiens de grand talent. Dans un style britannique, jusqu'à la caricature, la série d'Amazon se déploie sans retenue, au risque d'en faire parfois trop.

Note spectateur : 3.56 (5 notes)