Homecoming : hommage aux thrillers depalmiens sur Amazon

Homecoming : hommage aux thrillers depalmiens sur Amazon

CRITIQUE SÉRIE - Mise en scène par le réalisateur de "Mr Robot", "Homecoming", diffusée sur Amazon Prime Vidéo, est un récital cinéphile. La meilleure période de Brian De Palma est ainsi évoquée, par l'image et la musique, pour donner lieu à un thriller psychologique où la forme prime sur le fond.

En ouverture du premier épisode d’Homecoming, la série d’Amazon basée sur le podcast du même nom de Eli Horowitz et Micah Bloomberg, se fait entendre une musique romantique aux violons pour accompagner un lent mouvement de caméra, révélant le bureau si ordonné de Heidi (Julia Roberts), une psychiatre travaillant dans un centre pour aider les soldats à faire la transition vers leur vie de civil. Le genre de musique qu’on entendait encore dans les années 1970/1980, du temps de la meilleure période de Brian De Palma. Ce n’est pas un hasard, celle-ci est justement tirée de la bande-originale de Pulsion (1980), composée par l’excellent Pino Donaggio. Plus tard, on verra Heidi marcher dans les locaux d’Homecoming (le centre) tout en discutant au téléphone avec son supérieur, Colin (Bobby Cannavale). Un long plan-séquence durant lequel la caméra la suit d’un étage à un autre, gardant la distance, avant de l'abandonner pour dévoiler par un travelling latérale les chambres des soldats, mais avec la conversation téléphonique comme lien sonore. Un plan-séquence comme De Palma les aime, évidemment.

Images et sons au service de la mémoire

On l’aura compris, avec Homecoming, Sam Esmail (Mr. Robot), qui réalise tous les épisodes, y va de son hommage au cinéaste américain. Usant de ses effets en tout genre (split screen), et surtout des musiques de ses films (et d’autres réalisateurs de l’époque) pour créer une ambiance singulière. Celle des thrillers psychologiques et paranoïaques de Pulsion, L’Esprit de Cain ou encore Body Double. De celui-ci, le morceau Telescope, toujours de Pino Donaggio, ouvre d’ailleurs à la perfection l’épisode 5. Mais Sam Esmail ne se contente pas de réciter sa cinéphilie. Il se l’approprie (offrant même un rôle à Sissy Spacek, Carrie), et en ressort des éléments plus personnels et une certaine sensibilité. Comme ce choix de filmer le présent, qui se déroule plusieurs années après qu’Heidi ait quitté Homecoming et soit devenue serveuse, dans un format proche du 4/3, plus vertical, comme avec un téléphone. Là, on y suit davantage Carrasco, un enquêteur du ministère de la Défense qui doit donner suite, ou non, à la plainte de la mère d’un des soldats présents à Homecoming. En questionnant Heidi, il trouvera bien étrange son manque de coopération et le peu de souvenir qu’elle garde de son précédent emploi.

Durant dix épisodes de vingt-cinq minutes, la série nous balade ainsi d’une période à une autre et avance doucement vers les révélations attendues. Que se passait-il réellement à Homecoming ? Que devenaient les soldats après leurs séjours ? Comment étaient-ils soignés ? Et pourquoi Heidi a tant de mal à se souvenir des événements ? Une mémoire questionnée, tandis que Sam Esmail joue justement avec la nôtre (de cinéphile) à force de clins d’œil musicaux. Car si l’objectif d’Homecoming est de faire oublier aux soldats l’événement traumatisant vécu à la guerre, Sam Esmail ne fait que raviver la nôtre, se mettant presque en contradiction avec son sujet.

Homecoming : hommage aux thrillers depalmiens sur Amazon

Bien que son récit tienne, au fond, à peu de chose, allant même se traîner durant au moins deux épisodes (malgré un format vraiment court), c’est parce que, comme chez Brian De Palma, la forme primeUne histoire simple avec sa dose de complotisme propre à l’Amérique des années 1970/1980 - celle des Trois Jours du Condor ou de Blow Out par exemple. Mais aussi une histoire touchante, obtenue de la relation qui se crée entre Heidi et Cruz, l’un des soldats. Comme Jack qui tentait de sauver Sally dans Blow Out, ou Scully prêt à tout risquer pour la femme qu’il espionnait dans Body Double, Hedi s’attache à Cruz, jusqu’à trop s’impliquer. La force d’Homecoming provient alors de l’empathie qu’on a pour ce duo. D’ailleurs, on notera ici Julia Roberts, excellente dans un rôle qui lui permet de rayonner à plusieurs niveaux.

Évidemment, il est dommage que sur la durée Sam Esmail ne soit pas parvenue à maintenir notre attention. La série souffre d’un creux en milieu de saison, c’est indéniable. Un rebondissement viendra heureusement relancer la machine, bouleversant même ses techniques visuelles. Cependant, Homecoming, par ses innombrables propositions de mise en scène (chose encore trop rare dans les séries), et son choix de rester dans un ton sobre, presque ironique et à contre-courant, se détache de la majorité des œuvres télévisuelles actuelles. Suffisant pour en faire une des séries mémorables de cette année.

 

Homecoming créée par Micah Bloomberg, Eli Horowitz, Sam Esmail, diffusée sur Amazon Prime Video à partir du 2 novembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

"Homecoming" regorge de références cinématographiques, visuelles et musicales, pour un résultat semblable à la meilleure période de Brian de Palma.

Note spectateur : 3.19 (4 notes)