Run : des retrouvailles mouvementées

Run : des retrouvailles mouvementées

CRITIQUE / AVIS SÉRIE – On a vu en avant-première les 5 premiers épisodes de la série "Run", commandée par HBO au duo de productrices Phoebe Waller-Bridge et Vicky Jones, qui a déjà créé Fleabag et Killing Eve, avec le succès qu’on leur connaît.

Tous les jeunes font des pactes stupides, surtout par amour. Ils scellent un engagement, la promesse de se retrouver dans le futur, de se reconnecter avec le passé, leurs rêves, leurs sensations, leurs espoirs, mais aussi avec le monde des possibles d’alors. Ruby Dixie (Merritt Wever, croisée dans Unbelievable) et Billy Johnson (Domhnall Gleeson, qu’on a pu voir dans Star Wars: L'Ascension de Skywalker) n’ont pas échappé à cette règle. Ils s’étaient jurés que si l’un d’eux textait à l’autre le mot « Run » - qu’on peut évidemment traduire par « cours, enfuis-toi, barres-toi », et en ce cas précis par « rejoins-moi » -, et que l’autre répondait également par « Run », ils laisseraient tomber leurs vies, sans se poser de questions et se rejoindraient à New York, à la station Grand Central.

Aussi, quand Ruby reçoit le texto de Billy, elle n’hésite pas une seconde. Et pourtant, elle a construit une vie, une famille, avec mari et enfants. Voir apparaître cette injonction sur son téléphone déclenche chez elle une joie, une magie qu’elle semblait avoir perdue, noyée dans sa routine. Alors Ruby laisse tout en plan, court, se précipite dans l’avion, puis dans le train. Le rythme est donné dès le début : aux côtés de Ruby, le spectateur court, s’essouffle, ressent sa maladresse, son exaltation, mais aussi ses doutes.

Très vite, le spectateur est happé autant par l’action que par les questionnements. Il veut ainsi savoir pour quelles raisons le couple s’est quitté, pourquoi les deux trentenaires ont attendu tant d’années pour s’envoyer le message, s’ils s’aiment encore, si la vie ne les a pas trop abîmés pour qu’ils puissent malgré tout se retrouver ? Et Run réussit aussi l’air de rien à impliquer émotionnellement le spectateur, qui se prend à se demander s’il aurait été capable lui aussi de tout lâcher ainsi dans le même cas. S'il en aurait eu l'envie, le courage ou l'inconscience.

Le prix à payer du retour de flamme

Quand Billy arrive dans le champ de vision de Ruby, tous deux se posent un temps, malgré une forme d’urgence, se jaugent, se tournent autour, s’aguichent, se fâchent. Ils essayent de retrouver leurs marques, leur humour sarcastique, ainsi que le désir qu’ils avaient éprouvé dix-sept ans auparavant. Ils ne se disent pourtant pas toute la vérité, et ce qui est intéressant dans Run, c’est que la scénariste Vicky Jones et la réalisatrice Kate Dennis distillent habilement au compte-goutte les informations de leur vie réelle, de leur passé et de l’origine de leurs retrouvailles.

On en sait ainsi un peu plus au début et à la fin de chaque épisode, et tels les complices des créatrices de la série, on est parfois en avance sur les personnages et leur appréhension de la vérité. Et ce qui semblait être à première vue une romcom banale doublée d’une forte attirance sexuelle avec un trait d’humour laisse peu à peu entrevoir un aspect davantage thriller, avec enjeux de pouvoir et mises à l’épreuve entre l’un et l’autre, suspense et rebondissements.

Grâce à ce procédé, Run accroche définitivement le spectateur. Car sans rien dévoiler, on apprendra que Billy n’est pas seulement un charismatique auteur de romans et animateur de conférences et qu’il a aussi pas mal de choses à se reprocher. Et que Ruby a bien plus de sang-froid et de ressources qu’il n’y paraît pour gérer des situations tendues, même si son gentil mari Laurence (Rich Sommer) a des réactions plus qu’inattendues. Le couple rencontre pendant son tumultueux voyage qui traverse l’Amérique plusieurs personnes, telle Fiona (Archie Panjabi, dont le personnage est aussi fascinant que celui qu’elle avait dans The Good Wife), qui va jouer un rôle décisif dans l’aventure des deux amants, ou encore une taxidermiste, interprétée par la productrice Phoebe Waller-Bridge elle-même.

Enfin, ce qui est enthousiasmant dans Run et qui fait qu’on accepte bon gré mal gré les bavardages incessants et loin d’être passionnants entre Ruby et Billy et la minauderie un peu fatigante de la jeune femme, c’est la capacité de tous les personnages à réellement surprendre le spectateur lorsqu'ils font face aux malentendus et aux accidents de parcours. Car personne n’est jamais qui il paraît être et les actions qui découlent de ces nombreuses révélations donnent très envie d’aller au bout des treize épisodes de cette road série haletante.

 

Run créée par Vickie Jones et Phoebe Waller-Bridge, diffusée sur OCS le 13 avril 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

"Run", sous ses aspects classiques de comédie romantique, se révèle bien plus originale et haletante qu'il n'y paraît.

Note spectateur : 3 (1 notes)