Them : une anthologie sur le cauchemar américain

Them : une anthologie sur le cauchemar américain

CRITIQUE / AVIS SÉRIE - La première saison de l’anthologie horrifique "Them" est centrée sur les Emory, une famille afro-américaine terrorisée par la communauté blanche de Compton dans les années 50.

Them : Compton’s Most Wanted

Lors de la mise en ligne du teaser de Them, les comparaisons avec Us ont fusé. Outre le fait que les deux titres semblent se répondre, cette bande-annonce déformait le morceau The Windmills of Your Mind pour l’allonger et en tirer des répétitions angoissantes, comme le faisait celle du film d’horreur de Jordan Peele avec I Got 5 On It de Luniz.

Des ressorts réutilisés pouvant laisser présager un manque d’originalité de la série développée par Little Marvin et produite par la comédienne Lena Waithe, créatrice de The Chi et scénariste de Queen & Slim. Mais ces similitudes se limitent au matériel promotionnel et Them n’a aucun mal à trouver sa propre identité, adoptant une tonalité radicalement différente de celle du long-métrage.

Them
Them ©Prime Video

Ce programme divisé en dix épisodes est étalé sur une durée de dix jours. Dix jours au cours desquels Lucky (Deborah Ayorinde) et Henry Emory (Ashley Thomas) vont vivre un véritable enfer avec leurs deux filles après leur installation à East Compton, en 1953. Alors qu’elle pensait fuir les lois Jim Crow et le racisme des habitants de la Caroline du Nord, la famille afro-américaine est immédiatement prise à partie par ses voisins blancs.

La petite communauté bourgeoise menée par l'inquiétante Betty Wendell (Alison Pill) va multiplier les actes de persécution, persuadée de pouvoir exclure les nouveaux arrivants de leur quartier chéri. En plus de devoir faire face à ces riverains aliénés, les Emory sont victimes de visions terrifiantes et de plus en plus fréquentes dans cet environnement qui semble aussi vouloir les rejeter.

Une famille brisée

Dans sa manière de convoquer le registre horrifique pour évoquer les conséquences du racisme qui gangrène les États-Unis depuis leur création, Them se rapproche davantage de Candyman que d’Us. La série ne verse jamais dans l’ironie. Elle s’impose plutôt comme un drame fantastique aux grands accents tragiques, à l’image du film de Bernard Rose adapté de Clive Barker.

Le premier épisode s’ouvre sur une scène glaçante. Une introduction qui dévoile l’état mental des quatre personnages principaux lors de leur arrivée à Compton. La famille est hantée par un événement dont la finalité révélée tardivement est prévisible. Ce qui ne l’empêche pas d’être épouvantable.

Them
Them ©Prime Video

L’absence de surprise vis-à-vis des douleurs des Emory, souffrant tous de stress post-traumatique, joue ici en faveur du récit. Ce dernier repose sur l’acceptation nécessaire de leurs propres démons pour affronter ceux qui tentent de les asservir dans leur nouvelle demeure, qu’ils prennent la forme d’une voisine ravagée ou d’un fantôme tapi dans la cave.

Les Emory fuient la haine mais aussi une terrible peine en quittant l’État ségrégationniste. Pour au final retrouver la même haine dans la banlieue "moderne" de Los Angeles, où les promoteurs immobiliers contrôlent la population et profitent de la division entre les citoyens pour s’enrichir. Une situation déjà approfondie dans Penny Dreadful : City of Angels, aux nombreuses similitudes passionnantes avec Them, à commencer par la présentation d’une famille extrêmement touchante et déchirée par le poids du passé, comme le montrent les affiches du programme.

Le cauchemar américain

Au fil des épisodes, l’esthétique léchée associée à cette banlieue impeccable est salie. Le malaise ne cesse de croître et certaines images s’avèrent particulièrement éprouvantes. C’est le cas de la conclusion de l’épisode 8 réalisé par Ti West, metteur en scène révélé avec les prometteurs The House of the Devil et The Innkeepers.

Derrière le papier peint coloré et le vernis se cachent la moisissure et l’horreur pure, découlant de 400 ans d’histoire d’un pays né dans la violence et prônant l’individualisme. L’épisode 9 de Them s’offre justement un bond dans le siècle précédent. Il s’attaque aux dangers du dogmatisme et à ses conséquences désastreuses, et évidemment toujours actuelles.

Them
Them ©Prime Video

Si la monstruosité était plus ou moins dissimulée, elle apparaît ouvertement dans la deuxième moitié de cette première saison, sans pour autant tomber dans la complaisance. Ne pas montrer l'insupportable aurait tout simplement été malhonnête. Them parvient à briser le suspense au bon moment pour se consacrer au long combat des Emory contre leurs peurs et leurs oppresseurs.

C’est d’ailleurs ce qu’encourage le Tap Dance Man, clown aussi effrayant que fascinant brillamment incarné par Jeremiah Birkett. Ce vestige du passé résume à merveille toute la complexité de Them et de ses personnages poussés dans leurs retranchements. Privés de toute paix, ils acceptent des sévices au point de sombrer dans la folie et les pulsions violentes. Jusqu’au moment où la fuite n’est plus envisageable et où la révolte devient la seule issue.

 

Them créée par Little Marvin, disponible sur Prime Video le 9 avril 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Première saison complexe et éprouvante, "Them" souligne par l’horreur tous les paradoxes d’un pays qui s’est construit dans la violence et l’esclavage. Une Histoire aux conséquences désastreuses, sur lesquelles la série se penche avec honnêteté.

Note spectateur : 2 (1 notes)