The Square - Notre avis sur la Palme d'or de Ruben Östlund

The Square - Notre avis sur la Palme d'or de Ruben Östlund

Taxé, à tord, de cynique, Ruben Östlund démontre pourtant le grand naïf qu’il est avec « The Square », satire du monde de l'art contemporain en forme de fresque utopique, au sein de laquelle tout s’équilibre.

Certains ont pu le classer parmi ces caïds, prétentieux « petits malins », venus frimer au dernier Festival de Cannes, mené tambour battant par leur instigateur Thierry Frémaux qui les sélectionne à la chaîne, leur distribuant des prix à la pelle, les encourageant à livrer un cinéma cannois transformé en prototype nihiliste. Le suédois Ruben Östlund, révélé par Snow Therapy, auréolé d’un prix du Jury à Un Certain regard en 2014, n’est pourtant qu’un grand enfant. Sa réaction à l’annonce de sa Palme d’or gagnée pour The Square cette année en est la plus parlante illustration.

Au contraire de Michael Haneke, Yorgos Lanthimos, Fatih Akin et autres Serguei Loznitsa, non, Ruben Östlund n’est pas venu, avec The Square, nous donner des leçons via des discours pompiéristes. Ruben Östlund est plutôt venu parler de cinéma, en déguisant ses idées derrière une satire du monde de l’art contemporain à Stockholm, et qui peut paraître, a priori, assez similaire aux moutures cannoises de cette année.

The Square

Un prototype cannois ?

Car, dans les faits, tout y est : personnages reflet du public cannois, milieu arty petit-bourgeois typique, montage raccord grossier entre problèmes de riches et misère extrême, remise en question morale des préceptes d’un homme face à la réalité de la vie. The Square débute en effet sur le moment où Christian (Claes Bang), le conservateur d’un musée d’art contemporain à Stockholm, père de famille divorcé au style BCBG, voit ses convictions morales perturbées lorsqu’il se fait voler son portable et son porte-feuille après avoir voulu aider une personne dans la rue.

Pour récupérer ses affaires volées, Christian, aidé d’un de ses employés, va distribuer des lettres de menace dans tous les appartements de l’immeuble (d’un quartier populaire) où est géolocalisé son téléphone. Celle-ci aura des conséquences désastreuses pour la vie d’un petit garçon de l’immeuble, accusé à tort par ses parents d’être un voleur. Parallèlement à ses mésaventures, Christian inaugure dans son musée une toute nouvelle installation sobrement baptisée « The Square ». Composée d’un simple carré gravé sur le sol, celle-ci est agrémenté d’un manifeste invitant ses visiteurs à s’entraider mutuellement en son sein.

L'Ange exterminateur

Ces deux directions du récit, une artistique et conceptuelle, l’autre plus réaliste et pragmatique, sont, bien entendu, amenées à s’opposer de manière frontale tout au long du film. La narration particulière de celui-ci, qui se déploie via de longues séquences en forme de sketchs géants, voire de véritables courts-métrages, fait de The Square un film peu subtil. Les virages moraux que le film prend et les situations qu’Ostlund choisit d’illustrer, tendent tous à exprimer la bassesse du bourgeois secoué par une réalité qu’il ne côtoie plus. L’humour va, d’ailleurs, dans ce sens là.

C’est ce qui a été automatiquement reproché à cette œuvre somme, longue de deux heures et demies, et dont la force se situe, pourtant, dans l’extension de ces durées et de cesdites situations. Ostlund enfonce les portes ouvertes à grand coup de blagues buñueliennes absurdes (on pense au Charme discret de la bourgeoisie où à L'Ange exterminateur du grand cinéaste espagnol). Si grotesques, qu’elles n’aspirent ni au réalisme, ni au portrait de société, bien au contraire : The Square reste, avant tout, une caricature grinçante.

Douce utopie

Pourtant, passé la nature très caricaturale de ses personnages, et le formalisme chirurgical tendance « virtuose » de sa mise en scène, The Square est, aussi étonnant que cela puisse paraître, un film d’une touchante naïveté. Né de l’installation artistique réalisée par Ostlund quelques années auparavant et dont il porte désormais le nom, The Square, le film, renvoie à « The Square », l’installation : au sein du film, comme au sein de l’installation, tout s’équilibre.

Christian, conservateur véreux, très propre sur lui, finit, au même titre que n’importe quel sans abris démuni, à fouiller lui aussi dans un océan de poubelles. Au fond, une force sous-jacente règne dans The Square, où l’aristocrate est ramené sur terre. Pendant ce temps, en dehors du cadre du film, hors-champ, les aberrations continuent de dominer le monde réel pour mieux confirmer la délimitation intrinsèque de l’oeuvre d’Ostlund : en dehors de ce « sanctuaire où règnent confiance et altruisme » qu'est le film, c’est le chaos.

 

The Square de Ruben Öslund, en salle le 18 octobre 2017. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Stimulant sur le plan théorique, réjouissant sur le plan satirique : « The Square » est une utopie rafraîchissante où Östlund parvient à trouver l’équilibre génial entre le cérébral et le grotesque, livrant une comédie à la fois naïve, ubuesque et contemporaine.

Bilan très positif

Note spectateur : Sois le premier