#LesFilmsDeLaHonte : sanctifions Ma vie est un enfer

#LesFilmsDeLaHonte : sanctifions Ma vie est un enfer

Chaque semaine, les rédacteurs de CinéSérie vous font partager l’un de leurs pires films préférés. Aujourd’hui, c’est au tour de la comédie Ma vie est un enfer signée Josiane Balasko d’être passé au grill. Un classique des années 90 honteusement devenu culte dans la catégorie « rigolade sans prise de tête ».

Souvenez-vous… En 1991, la comédie Ma vie est un enfer sortait sur nos écrans. Le film nous offrait un duo de choc Josiane Balasko / Daniel Auteuil, aussi brûlant en apparence que glacial en dedans. Une mortelle et un envoyé de Satan, coquilles vides d’amour et de raison de vivre. Après Sac de nœuds (1985) et Les keufs (1987), Balasko enfilait de nouveau la casquette de réalisatrice pour se jouer des stéréotypes. Elle jonglait aussi avec les travers de la race humaine et prouvait que le vice ne se trouvait pas forcément là où on l’attendait. Un film bien éloigné de la catégorie chef d’œuvre mais un régal tout de même, un film quelque peu honteux mais ô combien savoureux. On se délecte de ses défauts et on rit des acteurs qui en font trop. À voir et à revoir pour rougir de plaisir, en famille ou entre amis ! Avis à ceux qui ne l’auraient pas vu, cet article contient des spoilers.

Une histoire pas très catholique

La naïve et complexée Léah (Josiane Balasko), assistante d’un dentiste tortionnaire, signe par erreur un pacte avec le diable Abargadon (Daniel Auteuil). Mais elle est sur les listes du Paradis, aussi l'Archange Gabriel intervient-il pour causer la perte du démon. Mais Léah commence à trouver Abargadon séduisant et pas si mauvais que cela. Elle décide alors de tout faire pour sauver son âme... Richard Berry campait le psychiatre de Léah et Jean Benguigui son voisin invivable et intrusif qui écoute sa sono à fond. Catherine Samie se glissait quant à elle dans la peau de la mère de Léah, aussi insupportable que séductrice, Michael Lonsdale dans celle de l’archange Gabriel et Bertrand Blier dans la soutane du prêtre.

Une intrigue réchauffée mais subtilement revisitée. Des personnages grossiers qui évoluent vers le chemin de la vérité. De leurs vérités tout du moins, en écoutant leurs cœurs plutôt que leurs pulsions. Entre jeux de mots provocateurs sur le Ciel et l’Enfer, répliques cultes et musique endiablée des Rita Mistouko, Balasko a poussé les fervents catholiques à se signer plus que de raison et les athées à rire comme des vauriens. Faut pas prendre Abar pour un chérubin, non mais !

Quand l’ingénue devient ingénieuse

La crédule Léah, affaiblie par un vide affectif qui dure depuis un an et demi et par des mauvais rêves, aimerait bien parvenir à séduire son psy. La jeune femme pense que seul cet homme s’intéresse à elle alors qu’il n’en est rien puisque même lui, comme beaucoup de psy, fait semblant de l’écouter. En même temps on peut le comprendre, quand votre patiente rêve de vous en string… Privée d’amour et de sexe, Léah lui confie également maladroitement avoir rêvé de se faire violer par un épicier grec, connotation à une rencontre faite lors d’un voyage minable dans les îles grecques avec des vieux. En plus de ses voyages en solitaire entourée du troisième âge, comment se sentir bien dans sa peau quand votre propre mère est bien plus jolie et soignée que vous ? Qu’elle vous traite de sac et refuse que vous l’embrassiez pour ne pas ruiner son maquillage ?

Une vie sinistre en résumé, qu’un envoyé du diable va venir chambouler. Grand coup de balai dans l’existence poussiéreuse, coup de pied aux fesses d’une femme qui doute d’elle, Abargadon aka Abar est là pour la servir. Ou plutôt pour lui voler son âme et son cœur en même temps, chose non prévue initialement. Il lui faire perdre son boulot aussi, sans compter tous les autres désagréments. Un boulot qu’elle ne supportait plus toutefois, une vie dans laquelle elle s’oubliait mois après mois. L’ingénue se change alors en Scarlett (Jessica Forde), sculpturale créature qui parvient enfin à séduire son psychiatre.

Léah aka Scarlett

Quand le menteur pervertit la douceur

Abar la crapule encanaille son ouaille pour le plus grand plaisir de tous. Notre coincée devenue bombe sexuelle se fait pourtant prendre à son propre jeu lorsqu’elle constate que l’objet de ses fantasmes ne la prend que pour une femme de plus. Ou plus exactement, tel l’enjeu d’un pari entre amis. Méchant psychiatre va, « la vie est tellement moche » comme elle le dit si justement. C’est alors que la honte se décuple tandis que le plaisir coupable enfle insidieusement

Choquante pour beaucoup, une scène a particulièrement marqué les mémoires en accusant Balasko d’aller trop loin. Honte sur nous d’avoir trouvé les propos de Madame au contraire fort intéressants. C’est en effet dotée d’un organe masculin que Léah aka Scarlett, plus diabolique qu’Abar encore, fait découvrir à Xavier le psychiatre une toute autre façon d’obtenir du plaisir. Et c’est une fois sa vengeance consommée qu’elle n’a d’autre choix que de se révéler sous sa véritable apparence. Grossière ou pas, cette scène montrait que le fait de blesser autrui se retourne forcément contre nous, d’une manière ou d’une autre.

La belle et la bête ?

Bourrée de charme et archétype de la fausse moche, Balasko tombée sur le charme d’Abar se met à le défendre face à l’archange Gabriel, soulignant le fait que des tas de gens sont bien plus pervertis que lui. Mais pour l’amour de Dieu, comment le sous-fifre de Lucifer pourrait-il se réhabiliter sur Terre après avoir été recraché de l’enfer ? Notre homme pourtant est un héros pour Léah, un véritable ange gardien, et nous avons souri face à ce bouleversant retournement de situation. Un peu gros il faut bien l’avouer, indigeste à bien des égards, mais acceptable tout de même. Un serviteur de Satan qui obtient le droit à l’humanité, ça fait quand même toussoter.

Une fois l’intrigue avalée, nous nous sommes davantage enfoncés dans l’improbabilité en découvrant un Abar mortel laveur de carreaux et une Léah sûre d’elle, PDG de son entreprise de prothèses laser. D’insipide, la jeune femme est devenue sensuelle. D’effacée, elle a muté en démon. Énorme inversion des rôles puisque c’est désormais elle qui lui fait signer un pacte et lui qui ne veut qu’elle. Qu’on ait vu rouge face à l’humour noir ou qu’on se soit délectés devant cette comédie satanique, Ma vie est un enfer reste une bonne tranche de rigolade entre la ratée et le rejeté. La belle et la bête devenus la puissance et la faiblesse. Amoureux quoi qu’il en soit, tout du moins attirés l’un par l’autre par la force des choses.