Au sommet du box-office russe, la victoire des basketteurs soviétiques aux JO-1972

Au sommet du box-office russe, la victoire des basketteurs soviétiques aux JO-1972

Des dribbles en pleine Guerre froide : un film russe retraçant la victoire controversée de l'équipe soviétique contre ses rivaux américains en finale du tournoi de basket-ball des jeux Olympiques 1972 bat tous les records du box-office russe.

Avec 4,5 millions d'entrées depuis sa sortie en salles le 28 décembre (Aller vers le haut) a déjà rapporté 1,82 milliard de roubles (26,2 millions d'euros), devenant le film le plus rentable de l'histoire du cinéma russe.

 

Une victoire controversée

Cette épopée sportive revient sur la médaille d'or remportée par l'URSS aux JO-1972 de Munich au détriment des Etats-Unis, l'une des victoires les plus polémiques de l'histoire olympique et qui cristallisa le temps d'une passe la rivalité entre les deux superpuissances, alors en pleine Guerre froide.

La victoire soviétique (51-50) se dénoua dans la confusion: à trois secondes du terme, les USA mènent d'un point pour la première fois de la partie grâce à deux lancers-francs. Sur la remise en jeu, les Soviétiques ne parviennent pas à marquer mais obtiennent de l'arbitre le droit de rejouer, arguant d'une demande de temps mort qui leur avait été refusée.

Trois secondes leur sont réattribuées, au cours desquelles ils ne parviennent pas à marquer, mais un chronomètre défaillant leur permet d'avoir une troisième chance. Cette fois, Alexander Belov est à la réception de la passe d'Ivan Edeshko pour donner le titre olympique à l'URSS.

Cette victoire est au centre du film qui, avec un rythme enlevé et des dialogues musclés, revient sur l'opiniâtreté de l'entraîneur et glorifie l'équipe soviétique, vainqueur d'Américains jusqu'alors invincibles aux jeux Olympiques.

Personne ne peut rester indifférent face à l'énergie de ce match.

assure le réalisateur Anton Meguerditchev, interrogé par l'AFP.

Une part du succès de son film vient peut-être aussi des ambitions sportives meurtries de la Russie qui, accusée d'avoir mis en place un vaste programme de dopage organisé touchant tous les sports olympiques, vient d'être privée des JO d'hiver 2018 de Pyeongchang, du 9 au 25 février.

Le ton patriotique a également pu séduire les spectateurs alors que les tensions entre Moscou et Washington sont au plus haut depuis la fin de la Guerre froide.

Caviar contre tricot

Produit par le studio Trite de Nikita Mikhalkov, connu pour ses convictions patriotiques, le film donne aux basketteurs soviétiques le rôle de David contre Goliath, incarné par des joueurs américains obsédés par le basket-ball.

Pour autant, le film "n'est pas du tout anti-américain", affirme M. Meguerditchev :

Nous sommes fiers de montrer les deux points de vue, et le spectateur a autant d'empathie pour les joueurs américains que pour les Soviétiques.

Au-delà de la rivalité entre les deux pays, le film retrace aussi les salaires dérisoires des joueurs qui, dans une scène, fourrent dans leurs valises des dizaines de boîtes de caviar pour les revendre aux Etats-Unis et s'acheter des objets introuvables en Union soviétique, comme du fil à tricoter.

Avec ce film, Ivan Edeshko, l'un des quatre survivants de l'équipe, a l'impression de revivre l'époque où cette victoire avait fait de lui "un héros national".

C'est dur de gagner en trois secondes sans aide, et cette aide est venue de Dieu.

affirme-t-il à l'AFP, rappelant que cette victoire avait surpris jusqu'aux plus hauts dignitaires de l'URSS, pour qui l'objectif était la deuxième place.

"Or quand l'URSS planifie quelque chose, c'est difficile d'aller plus loin!", lance-t-il.

Erreurs d'arbitrage

Plus de 45 ans après ce match, les Etats-Unis n'ont toujours pas reconnu leur défaite. Car cette finale reste l'un des matches les plus controversés de l'histoire des JO, en raison de plusieurs erreurs d'arbitrage et du chaos régnant sur le terrain lors des dernières minutes du jeu.

"L'arbitrage était mauvais", a déclaré Tom McMillen, l'un des joueurs américains, "et encore aujourd'hui nos médailles restent en Suisse", où siège la Fédération internationale de basket-ball (FIBA)

Une réconciliation symbolique devait avoir lieu il y a quelques années, affirme-t-il. Mais le voyage est brusquement tombé à l'eau, probablement "pour des raisons géopolitiques".

Tom McMillen avait ensuite proposé que l'équipe des Etats-Unis soit considérée comme ex-aequo en recevant également une médaille d'or, mais les Américains avaient refusé.

"Ils considèrent qu'ils ont gagné" et que la Russie doit rendre sa médaille d'or, explique-t-il. "C'est le genre de controverses qui ne prendra jamais fin".