Le Bonhomme de neige - Notre Avis

Le Bonhomme de neige - Notre Avis

Après "Morse" et "La Taupe", le troisième long-métrage de Tomas Alfredson, "Le Bonhomme de neige", a tout du ratage complet sauf que...

Mise à part les difficultés rencontrées durant la production, qui sont évidemment sensibles et visibles dans la structure du film – transition inter-séquentielle laborieuse, raccourcis scénaristiques imprécis, personnages secondaires sacrifiés – Le Bonhomme de neige de Tomas Alfredson laisse entrevoir un léger éclairci dans la mécanique hiératique et boursoufflée qu’infligeait son précédent film, le guindé La Taupe (2012).

On pourrait presque croire au retour de l’horreur organique façon Morse (2009), son premier et meilleur film à ce jour. Et si la froideur de son cinéma a, pour une fois, quelque chose à voir avec la froideur réelle d’un climat aride, c’est bien que les scènes d’horreur du film, efficaces mais éparses, tirent leur force symbolique de cet environnement glacial. Mais au-delà de ces courts éclaircis, Le Bonhomme de neige souffre encore de profond maux inhérent à son cinéma perfectionniste.

Casting hollywoodien + thriller nordique = ratage !

Le casting d’abord. Depuis qu’il est passé à l’heure américaine avec des castings luxueux et propres sur eux, Alfredson se trompe à chaque fois (même si la trop rare Chloë Sevigny illumine sa séquence d’une étrangeté familière). Le choix de Michael Fassbender en Harry Sole, héros bourru de la série de roman écrit par Jo Nesbø dont est adapté Le Bonhomme de neige, est tout aussi désastreux que celui fait par David Fincher, il y a quelques années sur Millénium (2011), avec Daniel Craig dans le rôle de Blomkvist.

Les ravages du tabac et de l’alcool sur l’apparence de Fassbender apparaissent somme toute assez légers pour faire sentir une quelconque déchéance ou meurtrissure. À l’inverse, l’apparition d’un Val Kilmer méconnaissable (que l’on sait malheureusement malade depuis), fonctionne à merveille dans le registre du flic solitaire, obnubilé par son métier et tiraillé par ses démons. Le reste des seconds rôles (Rebecca FergusonCharlotte GainsbourgJ.K. SimmonsJames D’Arcy) aurait davantage sa place dans le prochain Woody Allen.

L’urgence de la situation

Le thriller fait le choix, une nouvelle fois, de s’enfermer dans son seul whodunit (« qui a fait ça ? »), qu’il aimerait évidemment alambiqué, inédit et surprenant, mais dont la narration confuse rend totalement abscons. Si Alfredson ne fait néanmoins plus dans la posture, le fétiche ou le tourisme culturel, c’est peut-être qu’il n’a pas eu le temps de le faire à cause des problèmes de production. Inutile alors de chercher dans ces corps une description anthropologique, sociologique ou politique de la Norvège contemporaine, d’une saveur locale qui dépasserait l’exotisme de magnifiques paysages enneigés (belle photographie de Dion Beebe). Car il n’y a de toute façon plus le temps pour filmer de vrais corps, de vrais interactions (entre père/fils par exemple), des relations affectives (Fassbender et Gainsbourg) ou professionnelles (Fassbender et Fergusson).

Il y a par contre dans ce film un « vrai » sentiment d’urgence, que le montage alerte et parallèle vient aussitôt traduire, dans le parcours précipité et ininterrompu des policiers Fassbender/Ferguson, toujours en avance, sur le meurtrier (ils arrivent avant que le meurtre ait eu lieu !) et sur le spectateur (ils savent avant nous, surtout elle, qui sont les méchants). Il n’y a qu’à voir la manière dont est expédiée la découverte du corps meurtri de Ferguson par Fassbinder pour situer le degré d’urgence du film et la nécessité d’avancer dans l’enquête pour en finir le plus vite possible malgré tous les dommages collatéraux que cela implique.

Ce décalage involontaire des savoirs que procurent les accélérations, les ellipses et autres sauts narratifs, rend évidemment caduque la résolution de l’enquête et sa simplissime empreinte psychologique : une trouble histoire, quasi œdipienne, entre un père absent, une mère seule et un fils abandonné.

Un (petit) mal pour un (grand) bien

L’avantage que l’on peut tirer d’une si malheureuse situation, c’est qu’elle évite l’étirement des scènes, avec leur lot de micros-zooms sur des détails insignifiants, ou pire, perturbateurs, et les interminables et didactiques bavardages qui l’alourdissent. Et si l’efficacité du thriller en pâtit forcément, laissant le spectateur perplexe face à un tel objet, qui plus est, distribué par un grand studio hollywoodien (Universal), il y a dans Le Bonhomme de neige un sentiment de fraîcheur insondable, non lié au climat norvégien, mais à l’idée qu’un contrôle, quel que soit sa forme, y est impossible.

Ne parvenant plus à accrocher cette perfection formelle tel un absolu artistique, Alfredson se résout tout de même à faire un film, certes décousu et maladroit dans l’ensemble, mais qui, laissant apparaître ces coupures (ou ces coutures) filmiques, révèle quelques images de cinéma, mystérieuses et imprévisibles à l’instar des "jumelles Sévigny" et de la "marche funèbre et glacière" de Val Kilmer.

 

Le Bonhomme de neige de Tomas Alfredson, en salle le 29 novembre 2017. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

"Le Bonhomme de neige" de Tomas Alfredson a certes beaucoup de défauts, d'aucuns diraient qu'il est indéfendable, mais, dans la maladresse liée à son urgence, il dégage une honnêteté assez vivifiante, presque libératrice.

Peut mieux faire

Note spectateur : Sois le premier