Deauville 2019 : Annabelle Attanasio et Mickey and the Bear à l’image d’une année féminine

Deauville 2019 : Annabelle Attanasio et Mickey and the Bear à l’image d’une année féminine

Le festival de Deauville aura fait des choix intéressants cette année dans sa sélection de films. C'est notamment le cas avec "Mickey and the Bear" d'Annabelle Attanasio, une jeune réalisatrice qui participe au changement des mentalités.

On l’avait annoncé en amont du festival. Cette année Deauville devait être une édition féminine. Comprenez par là une édition mettant de nombreuses femmes en avant, par les réalisatrices en compétition (six sur les quatorze) ou les membres des Jury (deux présidentes, Catherine Deneuve et Anna Mouglalis). Le sentiment s’est intensifié après avoir vu plusieurs films du programme, parmi lesquels Mickey and the Bear d’Annabelle Attanasio, avec qui nous avons échangé.

Une jeune réalisatrice (26 ans) qui débuta comme actrice tout en cherchant constamment à raconter des histoires. C’est finalement récemment qu’elle s’est rendu compte qu’elle pouvait faire évoluer, d’une manière ou d’une autre, des personnages sans avoir à les jouer elle-même. C’est ce qui la mena à réaliser ses premiers courts-métrages, dans des genres assez différents, qui trouvent tout de même une connexion avec Mickey and the Bear (son premier long-métrage) dans sa représentation de femmes qui doivent se sortir du patriarcat et d’hommes toxiques.

Du féminisme subtil à Deauville

Un sujet central dans Mickey and the Bear, où une lycéenne doit s’occuper de son père, un vétéran atteint de trouble de stress post-traumatique et addict. Une jeune fille qui doit parvenir à se détacher d’un homme mal en point, en dépit du lien fort qui les unis.

Une héroïne assez différente de son auteure, qui ne trouve des points communs avec elle que dans « son âme et son essence ». C’est donc par le biais de nombreuses recherches et une part d’imagination qu’elle est parvenue à monter un projet qui dura quatre ans.

Annabelle Attanasio lors de la conférence de presse de Deauville

Quatre années, pour se décider à réaliser son scénario, développé grâce au laboratoire de scénaristes du The Hamptons International Film Festival.

Au début je ne pensais pas spécialement réaliser cette histoire, j’étais uniquement dans une phase d’écriture et j’étais encore dans une période importante en tant qu’actrice. Puis au fil des ans, j’ai commencé à hésiter, à songer à jouer dedans avant de me décider à le réaliser.

C’est à partir de là qu’une question plus globale s’est posée ; la possibilité pour une femme d’avoir une place de leader dans un milieu encore très sexiste.

Le simple fait d’être une réalisatrice nous place en opposition avec cette espèce de tradition d’avoir des hommes blancs à la tête. Je pense que si j’étais un homme et que je me mettais à crier, les choses seraient plus simples. Pourtant, un réalisateur doit se montrer compréhensible, avoir de la compassion pour ses acteurs. Il n’y a pas besoin de créer un environnement agressif. A un moment il faut se demander en quoi l’agressivité et les mots violents peuvent être une solution.

On pourrait presque dire qu’Annabelle Attanasio prône une forme de douceur, ce qui se ressent justement dans Mickey and the Bear. Il y a une délicatesse émouvante dans la mise en scène de la cinéaste, qui évite au passage certains pièges, notamment dans l’écriture du personnage du père, qui aurait facilement pu tomber dans le cliché d’un homme violent, mais qui se révèle bien plus complexe et empathique.

Concernant la cinéaste, tout en restant particulièrement humble, désirant continuer d’apprendre par les images, elle n’oublie pas la nécessité d’avoir un soutien important, également pour se sentir légitime dans le milieu du cinéma. Et à ce niveau-là, le soutien entre les femmes à Hollywood apparaît déterminant.

C’est difficile de savoir s’il y aura vraiment un changement. Parce que beaucoup de studios engagent des femmes, juste pour remplir un quota. Mais comme il y en a de plus en plus, dont certaines bien mises en avant, cela crée une sororité et je pense que ça va continuer à aider. D’autant que je ne ressens pas trop de compétition entre nous, entre réalisatrices. Il y a une énergie positive. On est contentes les unes pour les autres.

En dépit de certaines présences pas très #MeToo durant le festival - Johnny Depp, la présentation du nouveau Woody Allen -, on retiendra davantage ce genre de choix à Deauville cette année, une forme de féminisme subtil obtenu par le fond des films, autant que par ce que représentent et incarnent leurs auteurs. De bon augure pour la suite au sein de l'industrie ? On l'espère.

Retrouvez ici tous nos articles sur la 45e édition du festival de Deauville.