Outranciers, nihilistes et radicaux... Focus sur "Destruction Babies" et "Becoming Father", deux films de Tetsuya Mariko qui portent un regard percutant sur la jeunesse japonaise.
Deux films inédits de Tetsuya Mariko à découvrir
Inédits en France, Destruction Babies (2016) et Becoming Father (2018) sont distribués dans quelques salles par Capricci. Ces deux longs-métrages permettent de faire connaissance avec Tetsuya Mariko, jeune cinéaste japonais radical et singulier.
Le premier débute à Mitsuhama, le port principal de Matsuyama, dans le sud du Japon. Orphelin, Shota (Nijirô Murakami) assiste avec impuissance au départ de son grand frère Taira (Yûya Yagira) pour la ville. Ce dernier n'a qu'une idée en tête : se battre avec tous les hommes qu'il croise, seuls ou en bande. Dans cette quête étrange, il rencontre Yuya (Masaki Suda), un adolescent lâche qui pense pouvoir se servir de lui pour faire régner la terreur, et Nana (Nana Komatsu), une voleuse qui se retrouve entraînée malgré elle dans une escalade de violence.

Adaptation du manga I Became a Father d'Hideki Arai, le second adopte le point de vue de Miyamoto (Sōsuke Ikematsu). Cet employé d'une entreprise de papeterie est amoureux de Yasuko (Yû Aoi). Le jeune homme fait donc tout pour se faire accepter par sa famille. Lorsqu'elle tombe enceinte, il promet d'être un père exemplaire. Peu de temps après, Yasuko est victime d'un viol. Présent au moment des faits mais inconscient, Yasuko ne sait pas comment réagir. Il jure de venger sa petite amie.
Une jeunesse en pleine explosion
Adepte de la caméra à l'épaule et des longs plans sur des personnages en mouvement et filmés de dos, Tetsuya Mariko désarçonne le spectateur en faisant durer les séquences d'errance dans Destruction Babies. Des moments de flottement qu'il casse avec l'arrivée furieuse de la violence dans le champ, qu'il capte toujours frontalement. La peau se déchire, les os se brisent et les dents tombent dans des scènes parfois insoutenables, qui font incontestablement partie des images les plus mémorables vues à l'écran cette année.

Sans la juger, Tetsuya Mariko filme une partie de la jeunesse, égarée et sans limite, quelque part entre Kids Return de Takeshi Kitano et Crows Zero de Takashi Miike. C'est également le cas dans Becoming Father, qui adopte néanmoins une structure différente et dont les péripéties favorisent davantage l'attachement aux deux personnages principaux, Yasuko et Miyamoto. L'utilisation de flashbacks renforce par exemple l'envie de savoir comment ils ont été brisés et surtout l'envie de les voir s'extirper de l'enfer qu'ils traversent.
Le réalisateur se penche sur la pression sociale, l'étouffement qu'elle provoque, l'incapacité à réagir face à la violence ou au contraire la possibilité de l'embrasser jusqu'à sombrer dans l'autodestruction. Des thématiques abordées avec un jusqu'au-boutisme rare, dont la douleur fait finalement un bien fou, même si elle peut être difficilement supportable. Un parti pris qui ne fera probablement pas l'unanimité, mais qui mérite en tout cas le déplacement sans hésitation.
Destruction Babies et Becoming Father sont à découvrir au cinéma dès le 27 juillet 2022.