Detroit sur Netflix : pourquoi Kathryn Bigelow a vivement suscité la controverse ?

Un film au sujet brûlant et aux blessures encore vives

Detroit sur Netflix : pourquoi Kathryn Bigelow a vivement suscité la controverse ?

Durant cette dernière décennie, Kathryn Bigelow s'est spécialisée dans des longs-métrages traitant d'épisodes importants de l'Histoire américaine. Ainsi, après "Démineurs" et "Zero Dark Thirty", la réalisatrice s'attaque en 2017 aux émeutes raciales avec "Detroit". Un sujet lourd et douloureux, pour lequel certains ont estimé que la réalisatrice n'était pas légitime.

Detroit : retour sur un épisode terrible

Collaborant pour la troisième fois consécutive avec le scénariste Mark Boal, Kathryn Bigelow signe, avec Detroit, un film qui prend pour contexte les émeutes survenues dans cette ville en 1967. Le film sort d'ailleurs en 2017, 50 ans après les événements.

Pour rappel, les émeutes de Detroit éclatent, suite à un raid de la police dans un bar clandestin majoritairement fréquenté par des afro-américains. A la suite de cela, de nombreux incidents entre la population et les forces de l'ordre se produisent, incitant le président américain de l'époque Lyndon B. Johnson à déclarer la ville en état d'insurrection. Ces émeutes furent les plus importantes et les plus destructrices de l'Histoire du pays, causant la mort de 43 personnes, ainsi que 467 blessés.  L'épisode symbolique de cette tension entre les deux clans est la triste affaire du motel Algiers, lieu dans lequel trois adolescents afro-américains furent battus et tués par des policiers. Le film de Kathryn Bigelow revient sur cet incident.

Detroit
Detroit ©MGM

Le casting est notamment composé de John Boyega, Will Poulter, Hannah Murray, John Krasinski et Anthony Mackie.

Un film qui divise

Si durant les années 90 et 2000, Kathryn Bigelow n'a jamais vraiment créé la polémique, ce fut régulièrement le contraire au cours des années 2010. En effet, pour Démineurs, le film fut notamment accusé de s'inspirer de la vie du sergent-chef Jeffrey S. Sarver, sans son accord. Quant à Zero Dark Thirty, il fut accusé de légitimer la torture à l'écran.

Detroit n'a pas échappé à la controverse puisqu'à l'instar de son précédent long-métrage, il lui a été reproché de pousser au voyeurisme, avec ses scènes de violence à caractère raciste qui s'étirent longuement, jusqu'à provoquer une certaine gêne chez le spectateur.

Surtout, Kathryn Bigelow, comme d'autres cinéastes, fait l'objet d'un débat récurrent aux États-Unis : un metteur en scène blanc peut-il légitimement s'attaquer à la question raciale ? En effet, si ces dernières années, il est devenu courant que les producteurs américains préfèrent choisir des réalisateurs noirs pour diriger ce type de long-métrage, le choix de la cinéaste de Point Break fut longuement discuté.

Ainsi, tout comme Steven Spielberg lorsqu'il a réalisé Amistad, Bigelow s'est vu reprocher de "trop mettre en scène" les épisodes de brutalité et de tortures dont sont victimes les Afro-américains dans le film. Certains médias tels que Variety se sont d'ailleurs montrés très virulents avec Bigelow, estimant qu'une "bourgeoise blanche" ne pouvait avoir le recul nécessaire pour traiter un tel sujet.

Inexactitudes et approximations

De même, Detroit s'est vu accusé de vouloir nuancer la réalité de l'affaire. En effet, alors que trois policiers assument clairement leur racisme dans le film, certains témoignages de l'époque ont affirmé qu'ils étaient bien plus nombreux lors de cet incident. En outre, une tribune publiée sur le HuffPost américain interpella directement Bigelow, lui reprochant de nombreuses omissions. Par exemple, la réalisatrice n'a pas signalé dans le film que le procès qui avait eu lieu pour juger les policiers meurtriers du motel d'Algiers s'était fait uniquement grâce à la pression mise par les habitants de Detroit.

Heureusement, Detroit a pu compter sur quelques soutiens de poids, notamment John Boyega qui a ardemment soutenu le film ainsi que sa réalisatrice.