Douleur et gloire : pourquoi Antonio Banderas et Pedro Almodóvar s’étaient-ils brouillés ?

"Il lui a fallu du temps pour me pardonner"

Douleur et gloire : pourquoi Antonio Banderas et Pedro Almodóvar s’étaient-ils brouillés ?

Avant de se retrouver sur "La piel que habito", "Les Amants passagers" et le poignant "Douleur et gloire", Antonio Banderas et Pedro Almodóvar n’ont pas travaillé ensemble pendant plus de vingt ans. Le cinéaste a mis du temps à pardonner à l'acteur l’une de ses décisions professionnelles.

Douleur et gloire : autoportrait fictif d’un cinéaste tourmenté

Trois ans après Julieta, Pedro Almodóvar signe en 2019 un autre film bouleversant avec Douleur et gloire. Un long-métrage extrêmement personnel qui, comme La Loi du désir et La Mauvaise éducation, est centré sur un réalisateur.

Cinéaste reconnu effrayé à l’idée de ne plus pouvoir se consacrer à un nouveau projet, Salvador Mallo (Antonio Banderas) souffre de douleurs physiques intenses. Ayant du mal à sortir de chez lui, l’artiste se remémore des moments importants de sa vie, à commencer par son enfance à Paterna avec sa mère Jacinta (Penélope Cruz). Son quotidien est bouleversé lorsqu’il retrouve Alberto Crespo (Asier Etxeandia), un comédien avec lequel il a vécu une histoire d’amour passionnée avant leur brouille.

Douleur et gloire
Jacinta (Penélope Cruz) - Douleur et gloire ©Pathé

Il est facile de penser que Pedro Almodóvar fait son autoportrait avec Douleur et gloire, ce que suggère d’ailleurs l’affiche. Mais selon lui, le film comporte une grande part de fiction. Interrogé par le pourcentage de véracité du récit par la version belge de Metro, le réalisateur explique en 2019 :

Je ne peux pas donner un pourcentage. Certaines choses sont authentiques, d'autres fictives. Je ne suis pas tombé follement amoureux du jeune maçon dans mon enfance, mais cela aurait pu arriver, je n'ai jamais eu de conversation cruelle avec ma mère, mais cela aurait pu se passer aussi. Je n'ai jamais vécu dans une grotte, mais je sais quel effet cela fait de devoir déménager. Et comme le garçon dans le film, j'ai vécu dans un monde parallèle haut en couleur, même si l'Espagne d'après-guerre était surtout une grande misère. Le point de départ est ma réalité, et après cela devient de la fiction.

Quand Pedro Almodóvar s’estimait "trahi" par Antonio Banderas

L’un des aspects de sa vie personnelle dont il s’est possiblement inspiré pour son long-métrage est sa relation amicale avec Antonio Banderas. Comme le relate Le JDD, Pedro Almodóvar propose en 1991 un rôle au comédien dans Kika. Ce dernier préfère tenter sa chance aux États-Unis avec The Mambo Kings. Le cinéaste met alors en garde l'acteur, qui se souvient :

Pedro a eu des mots très durs : 'Hollywood va te broyer, tu vas gâcher ton talent. Je t’aurais prévenu…'

Antonio Banderas précise :

Il m’avait créé, j’étais en quelque sorte sa chose. Il a vu mon départ comme une trahison, il lui a fallu du temps pour me pardonner.

Douleur et gloire
Douleur et gloire ©Pathé

S’ils ne rompent pas totalement le contact les années suivantes, Pedro Almodóvar se montre très dur vis-à-vis de la carrière d’Antonio Banderas. Ils évoquent régulièrement l’envie de collaborer à nouveau ensemble, freinée à plusieurs reprises selon le comédien :

En 1998, à l’issue de l’avant-première du Masque de Zorro, il m’a lancé : 'Tu vas devenir tellement cher qu’on ne pourra plus jamais retravailler ensemble'. Il avait trouvé l’excuse parfaite ! Mais avec le temps, on devient plus raisonnable. Et l’envie de faire du beau cinéma est plus forte que tout.

Des retrouvailles salvatrices

Les retrouvailles artistiques se font en 2011 avec le dérangeant La piel que habito, dans lequel Antonio Banderas incarne l’un de ses personnages les plus complexes. Cette expérience s’avère salvatrice pour l'acteur, qui assure à 20 Minutes en 2019 :

J’étais arrogant et il m’a remis à la place. J’ai dû perdre toutes les habitudes que j’avais prises sans lui.

De son côté, Pedro Almodóvar estime que leur réunion, et plus particulièrement Douleur et gloire, a donné un nouveau souffle à la filmographie du comédien. Pour le dossier de presse cité par Allociné, il affirme :

Je crois que c’est ce qu’Antonio a fait de mieux depuis Attache-moi ! Douleur et Gloire témoigne selon moi de la renaissance d’Antonio en tant qu’acteur et du début d’une nouvelle étape.