Dans cet excellent thriller, "Emily, criminelle malgré elle", premier long-métrage de John Patton Ford, Aubrey Plaza incarne un personnage dont l'écriture a une particularité.
Emily, criminelle malgré elle, la jolie surprise
Emily, criminelle malgré elle est un des "petits" films américains de 2022 à s'être distingués, une première fois en début d'année lors de sa présentation au Festival de Sundance, puis en septembre au Festival du cinéma américain de Deauville, où il a remporté le Prix du public. Une belle récompense pour le scénariste et réalisateur John Patton Ford, qui signe là son premier long-métrage. Aussi, Emily, criminelle malgré elle est l'occasion de voir briller Aubrey Plaza dans un autre registre que celui de la comédie.
Dans ce thriller nerveux, Aubrey Plaza incarne une jeune femme prise à la gorge par sa dette étudiante. Parce qu'elle a aussi une inscription à son casier judiciaire, elle ne parvient pas à trouver un boulot stable et rémunérateur, et bosse donc comme livreuse dans la restauration. Un jour, pour lui rendre service, un collègue lui propose une petite magouille, un plan facile pour gagner 200 dollars en une heure...
Emily, criminelle malgré elle a été reçu de manière très positive par la critique, qui a souligné sa peinture sociale très perspicace, offrant dans un thriller haletant une chronique des problématiques contemporaines de la société américaine. Surtout, la performance d'Aubrey Plaza a été saluée. Une performance tout en détermination, en énergie, en volonté de s'en sortir et de ne pas se laisser faire. Une incarnation d'autant plus remarquable qu'à aucun moment le personnage n'est écrit pour s'attirer de la sympathie.
"Elle en a déjà bavé un max"
Emily, criminelle malgré elle montre, sans chercher à excuser qui ou quoi que ce soit, un système où les individus sont broyés et où il est très tentant de s'engager dans de petites fraudes. Loin d'un manichéisme basique, John Patton Ford a ainsi écrit un personnage différent parce que l'histoire commence alors qu'Emily a, déjà, tout perdu.
Dans l'écriture courante d'une fiction, on montre généralement ce qui motive le personnage à s'engager dans une péripétie. Par exemple, dans Taken, il s'agit de l'enlèvement de la fille de Bryan Mills. Dans Jurassic Park, on voit John Hammond convaincre les Dr Grant et Sattler de venir découvrir le parc. En quelque sorte, on dévie les personnages de leur trajectoire, afin que ceux-ci fassent ensuite ce qu'il faut pour essayer de retrouver cette trajectoire initiale.
Dans le cas d'Emily, il n'y a pas à l'écran cet événement "fondateur". Aubrey Plaza expliquait ainsi à Goldderby :
Emily débute le film et elle en a déjà assez. Elle est déjà à fond, déterminée, dès la première scène d'entretien. Dans la plupart des films, les personnages débutent à un certain point, puis on les voit tout perdre, et c'est ensuite au milieu du film qu'ils se retrouvent dos au mur et qu'ils en ont assez. Dans Emily, criminelle malgré elle, elle commence dos au mur. Elle en a déjà bavé un max.
En éliminant cette phase d'exposition, John Patton Ford évite ainsi à Emily, criminelle malgré elle d'établir un cadre moral, une norme qui précèderait l'action, pour entrer directement dans le vif du sujet. Et c'est pourquoi le personnage est si troublant, si attachant sans être sympathique, et au final si réussi.