Enfermés dans le palais...

Cinquième film de l’argentin Pablo Trapero et premières grandes marches cannoises (son premier film de fiction El Bonaerense fut présenté à Un Certain Regard en 2003), Leonera nous plonge dans l’univers méconnu et quasi inédit au cinéma des prisons pour femmes, et plus précisément dans le quartier réservé aux mères de famille. Tout commence comme un classique film de genre, meurtre, cris, sang, enquête. Mais très vite, on arrive dans la prison. Dès les premières séquences carcérales, le réalisateur instaure un climat à la fois dérangeant et étrange. Il interpelle le spectateur sur la condition de ces femmes et de leurs enfants. La plongée au cœur de leurs vies est on ne peut plus réaliste. De spectateurs, nous devenons voyeurs, comme lors d’une époustouflante et douloureuse scène dans les douches.

Le film suit le destin de Julia, emprisonnée enceinte suite au meurtre du père de son bébé, puis les premières années de la vie en captivité de son petit Tomas… Avant qu’on ne retire l’enfant à sa mère. La jeune femme va alors tout faire pour revoir son fils.
Si l’histoire se passe en Argentine, le sujet lui est universel. Le réalisateur réussit à nous toucher, nous émouvoir sans jamais trop en faire. Il parvient ainsi à conserver toujours la pudeur nécessaire pour éviter de tomber dans un pathos dégoulinant et facile. L’émotion du film est également suscitée par l’incroyable performance de la jeune comédienne Martina Gusman, au regard intense, douloureux et naturel.

Pas de politique pour ce deuxième long-métrage de la compétition, mais un sujet sensible dans beaucoup de pays, riches comme pauvres, tous incapables de gérer leurs prisonnier(e)s.
Les mots sont justes et l’enfermement dans ce milieu « flippant ». En sortant de la salle obscure, le soleil nous éblouissant, on quitte d’un coup la dure réalité du film de Pablo Trapero pour retrouver la Croisette, ses strass et ses paillettes… Une drôle d’impression nous envahit… C’est aussi ça Cannes !

Amélie Chauvet (Cannes, le 15 mai 2008)