Exposition Pasolini Roma : un intellectuel sulfureux à la Cinémathèque Française

Exposition Pasolini Roma : un intellectuel sulfureux à la Cinémathèque Française

Comment Pier Paolo Pasolini et Rome, sa ville d'adoption, se sont nourris réciproquement d'une relation amour-rejet qui aura duré 25 ans : c'est le sens de l'exposition que la Cinémathèque française consacre au grand intellectuel italien, du 16 octobre au 26 janvier à Paris.

Pour cette exposition, la Cinémathèque française s'est associée à trois institutions européennes, une collaboration à la hauteur du personnage (1922-1975), dont l'activité débordante fut interrompue par une mort violente au mobile toujours mystérieux (crime crapuleux, sexuel, politique?).

Tout à la fois poète, romancier, polémiste, réalisateur et scénariste, journaliste, peintre, philosophe de l'action, Pasolini continue à être autant haï qu'aimé.

Après Barcelone (Centre de culture contemporaine, CCC) et Paris, "Pasolini Roma" retournera à sa source (palais des expositions de Rome, du 3 mars au 8 juin 2014) puis voyagera à Berlin (Martin-Gropius-Bau, du 11 septembre 2014 au 5 janvier 2015).

Les commissaires, dont Alain Bergala pour la Cinémathèque, ont privilégié l'ordre chronologique dans la relecture que Pasolini fait de la Ville éternelle. Le jeune enseignant y débarque, avec sa mère Susanna, le 28 janvier 1950, fuyant son Frioul (nord-est) natal après avoir été accusé d'attouchements sur un élève.

Mutations

Si les circonstances ne sont pas du meilleur auspice - Pasolini vivra très mal son homosexualité jusqu'à la fin -, il débarque au bon moment dans la capitale italienne, en pleine fermentation littéraire et cinématographique. Et puis la capitale mue dans ses 'borgate' (quartiers et banlieues populaires). Pasolini saura capter de manière novatrice ces changements sociaux, économiques et même anthropologiques.

Sous les yeux du visiteur, ces 25 années déroulent l'éclectique production de Pasolini, qui n'en finira jamais avec les procès pour atteinte aux bonnes moeurs dans une Italie faussement catholique.

Archives télévisées, documentaires et photos ponctuent ce parcours. De même que les tableaux peints de la main de PPP ou par des artistes qu'il appréciait.

Dans ce cheminement, il y a des rencontres moins attendues. Comme cette Fiat 1100v à bord de laquelle PPP a parcouru les côtes de la péninsule durant l'été 1959 pour composer "La longue route de sable".

Bien vivant

Pour Alain Bergala, "Pasolini n'est pas mort, parce que sa pensée reste active". "Quand il écrit quelque chose de politique, il part d'une émotion, d'une indignation. Ce n'est pas un analyste en chambre. C'est à la fois un grand intellectuel et un artiste, ce qui est unique".

En costume trois pièces et cravate, Pasolini savait aussi tomber la veste pour jouer au foot, sport qu'il adorait et dans lequel il excellait, avec des enfants d'un quartier déshérité.

"Pour les Italiens, c'est le dernier intellectuel qui les aide à penser aujourd'hui, à comprendre la situation. Ce qu'il avait un peu annoncé est terriblement arrivé", explique M. Bergala.

Les analyses de Pasolini, du rôle néfaste de la télévision à la société de consommation, "valent aussi pour toute l'Europe", assure Jordi Bello, à l'origine du projet et ex-directeur d'exposition au CCC.

Et Alain Bergala d'ajouter: "A Barcelone, le fait de voir cette exposition a relancé les débats publics et politiques en Espagne, qui souffre aussi beaucoup de la crise. Elle a eu un rôle de révélateur".

La Cinémathèque accompagne l'exposition d'une rétrospective complète de l'oeuvre cinématographique de l'artiste protéiforme, depuis Accattone en 1961 jusqu'au radical Salò ou les 120 Journées de Sodome, son chant du cygne en 1975.

Les versions numériques restaurées de Mamma Roma, Médée et "Salo" profitent aussi de cette actualité pour des sorties en salle.

Et c'est par un double DVD qu'on peut redécouvrir L'évangile selon Saint Matthieu, un des plus beaux films sur la vie de Jésus.

La chaîne Arte a aussi programmé ce mercredi, à partir de 23h20, une soirée Pasolini.

(15 Octobre 2013 - Relax News)