Grâce à Dieu sur France 2 : quand la sortie du film était menacée

L'insoutenable vérité

Grâce à Dieu sur France 2 : quand la sortie du film était menacée

Après le puissant "Spotlight" de l'américain Tom McCarthy, c'est au tour de François Ozon de traiter des violences sexuelles et des prédateurs à l'œuvre dans le clergé français. "Grâce à Dieu" s'inspire notamment de l'affaire du père Preynat et du cardinal archevêque de Lyon, Philippe Barbarin.

Grâce à Dieu : un film nécessaire

L'intrigue de Grâce à Dieu s'articule autour de la vie d'Alexandre et de sa famille, à Lyon. Ce dernier réalise un jour que le prêtre qui a abusé de lui dans sa jeunesse exerce toujours auprès d'enfants. Horrifié par cette découverte, Alexandre se met en tête de l'empêcher de nuire de nouveau. Très vite, il est rejoint par d'autres victimes du père Preynat, notamment François et Emmanuel. Tous trois vont alors tenter de porter cette affaire au grand jour. Une décision on ne peut plus louable qui ne tarde pas à bouleverser leurs vies et celles de ceux qui les entourent.

Grâce à Dieu
Grâce à Dieu ©Mars Films

Avant toute chose, notons que François Ozon et ses équipes ont tenu secrète l'intrigue du long-métrage, même durant le tournage dans la ville de Lyon, véritable théâtre des terribles évènements narrés. Pourquoi ? Tout simplement pour éviter les diverses pressions de personnes et organisations qui auraient pu s'opposer à un film sur ce sujet. Une fois le tournage fini, donc, il fallait bien s'attendre à ce que Grâce à Dieu soit sur toutes les lèvres. Et justement, en amont de sa sortie, le long-métrage a été attaqué par deux fois !

La justice s'en mêle

Alors que le film doit sortir le 20 février 2019, les avocats du père Preynat se manifestent. Selon eux, le fait que le nom de leur client soit utilisé dans le film constitue une violation de la présomption d'innocence.  Mais les problèmes ne s'arrêtent pas là pour Grâce à Dieu ! Régine Maire, bénévole de l'Eglise chargée par le cardinal Barbarin de recevoir l'une des victimes de Bernard Preynat, intente, elle aussi, une action en justice. Cette dernière demande à ce que son nom soit retiré de l'œuvre et remplacé dans la bande-son par un faux patronyme. Pour la petite histoire, les noms des victimes ne sont pas les mêmes à l'écran. En revanche, ceux des protagonistes de cette sordide affaire demeurent inchangés. Selon les avocats de Régine Maire, il s'agit donc là d'une mesure de protection de sa vie privée.

Grâce à Dieu
Grâce à Dieu ©Mars Films

La réponse de François Ozon est claire : interrogé par nos confrères du journal La Croix, le cinéaste explique avoir longuement réfléchi à la question. Son choix se base sur le fait que l'affaire Preynat était déjà médiatisée. Il se contente ainsi de relater des faits déjà connus du grand public.

Cela aurait été hypocrite. Le père Preynat a tout avoué et ce serait ridicule d’appeler Barbarin, le cardinal Baratin. Régine Maire aussi a témoigné. J’avais ses mails. Tout ce qu’elle dit dans le film, c’est ce qu’elle a réellement dit, je n’invente rien. J’ai utilisé un matériel existant.

Le 19 février, le tribunal de grande instance de Lyon rejette la requête de Régine Maire. Dans un entretien accordé à la Nouvelle République, le réalisateur de Grâce à Dieu réagit plus personnellement à la mise en demeure de cette dernière.

Nous allons d'abord montrer le film à Régine Maire, qui ne l'a pas vu. Elle pourra constater que nous ne montrons que ce qu'elle fait, et dit, au sein de l'institution catholique.

Quant à Bernard Peyrat, on le déboute de sa demande de suspension d'exploitation le 18 février. En effet, le tribunal de grande instance de Paris estime que, la date de son procès n'étant pas fixée, Grâce à Dieu pourrait voir des années s'écouler avant de fouler les salles obscures.

Le triomphe de la vérité

Malgré tout, la sortie de Grâce à Dieu se déroule donc comme prévu. Très vite, le film reçoit les louanges des spectateurs et de la presse. Son traitement tout en pudeur d'une atroce réalité lui offre un rayonnement important, d'autant plus lorsqu'il remporte l'Ours d'Argent à Berlin.

Le long-métrage semble également avoir fait bouger les choses du côté du Vatican. Peu après sa sortie, le Pape organise ainsi un sommet sur les abus sexuels sur mineurs au sein de l'Eglise. Une prise de conscience nécessaire, donc, et on l'espère salvatrice pour les victimes et leurs familles.