Guillermo del Toro : L'homme qui aimait les monstres

Guillermo del Toro : L'homme qui aimait les monstres

L'enfance compliquée du réalisateur Guillermo del Toro a développé en lui une fascination pour les monstres et l'horreur.

Le réalisateur mexicain s'est imposé, depuis plusieurs années, comme l'un des plus grands conteurs imaginatifs du cinéma. Capable d'inventer et de créer à l'écran les créatures les plus incroyables et les plus sombres. Comme dans Le Labyrinthe de Pan (2006) ou Hellboy (2008). Guillermo del Toro a une imagination débordante et entraîne dans des univers inquiétants mais surprenants.

Mais d'où vient cette inspiration pour les monstres ? Que se passe-t-il dans l'esprit du réalisateur ? Le site américain BloodyDisgusting s'est intéressé à son enfance tumultueuse qui est le point de départ de cette créativité unique, et nous offre une jolie rétrospective des œuvres monstrueuses de Guillermo del Toro.

Une enfance sombre

Guillermo del Toro développe une fascination pour les monstres dès son plus jeune âge. A quatre ans, le réalisateur voit son premier cadavre. Un corps décapité sur le bord de la route. A l'âge de sept ans, il est victime de harcèlement et se réfugie souvent dans des librairies afin de lire au calme. Ces lectures lui permettent de découvrir l'art et le macabre et notamment le travail de l'écrivain HP Lovecraft. Un maître de l'horreur et du fantastique. A huit ans, Guillermo s'amuse déjà avec la caméra Super 8 de son père.

Sa fascination pour les monstres ne cesse de grandir, bien que sa grand-mère tente de faire disparaître en lui cet intérêt morbide. Celle-ci est catholique et désapprouve complètement l'affection de son petit-fils pour les monstres. Elle essaie plusieurs fois de le laver de ses obsessions en lui jetant de l'eau bénite au visage. Espérant exorciser ses démons intérieurs. Malheureusement, les méthodes de sa grand-mère frôlent parfois le sadisme. Guillermo a souvent été forcé de porter des capsules de bouteilles dans ses chaussures alors qu'il se rendait à l'école. Une façon de punir la chair.

La mère de Guillermo met fin à ces tortures quelque temps après avoir appris la vérité. Mais ces expériences traumatisantes marquent à jamais le réalisateur. Celui-ci ne voit plus le Catholicisme de la même manière et cette vision négative influencera grandement son travail cinématographique par la suite. Par exemple, L'Homme pâle dans le Labyrinthe de Pan, lui a été inspiré par une statue de Sainte Lucie. Celle-ci tient ses yeux dans une assiette, comme le monstre tient les siens au creux de ses mains.

Du monstre, au cinéma

Après le lycée, Guillermo del Toro étudie le cinéma à Guadalajara. A la suite de ses études il crée sa propre entreprise d'effets spéciaux Nécropia. Grâce à ses recettes et quelques prêts il peut financer son premier film Cronos.

Par la suite le réalisateur s'est vraiment imposé comme un créateur de monstres. Un créateur qui chérit chacune de ses effrayantes créatures. Dans ses films, entre les humains et les monstres, ce sont souvent les humains qui finissent par être "les méchants".

Comme l'explique le réalisateur dans son livre Dans l'antre avec les monstres (2016) :

A ce jour les monstres demeurent ma vraie famille, ce ne sont pas des effigies collectionnées pour le profit.

Retour sur sa carrière cinématographique et sur ses monstres, en tant que réalisateur.

Cronos

Cronos est son premier film, écrit et réalisé par lui-même. Bien que la recette au box-office n'ait pu combler les dépenses réalisées pour le film, celui-ci reste un bel accomplissement. En effet, le film avait été nommé au Festival de Cannes en 1993 et avait reçu le Prix Ariel de la meilleure œuvre. Cronos (1993), est une exploration de la mythologie vampirique par le biais de l'alchimie. Ce qui deviendra par la suite la marque de fabrique de del Toro : utiliser des éléments de genre pour naviguer dans la dualité de la nature humaine et de ses relations émotionnelles.

Mimic


La première expérience de del Toro pour son film Mimic (1997) avec les studios américains n'a pas été une très bonne expérience pour le réalisateur. Les pourparlers avec le studio ont légèrement dégradé son projet. Le scénario a circulé entre plusieurs mains pour un travail de réécriture. La créature créée par del Toro n'était pas du tout un cafard à la base mais plutôt un coléoptère. Mais le producteur exécutif a suggéré un cafard qui collait mieux avec l'environnement New-Yorkais. Un plan qui s'éloignait considérablement de ce que Guillermo avait en tête. Au final, le réalisateur est parvenu à sortir un film décent.

L'échine du diable

Considéré comme l'un de ses films les plus personnels, L'échine du diable (2002) avait été écrit bien avant Cronos. C'est à travers ce film d'horreur au style gothique que le réalisateur a vraiment affirmé son style. L'intrigue prend place durant la guerre civile d'Espagne en 1939. Ce nouveau projet cinématographique lui a permis d'oublier la mauvaise expérience qu'il avait eue avec le tournage de Mimic. C'est à travers ce film que Guillermo del Toro pose sa marque de fabrique. Les monstres dans le scénario sont loin d'être mauvais, par contre les humains, eux le sont.

Hellboy

Un rêve de longue date pour le réalisateur qui souhaitait adapter la bande dessinée au cinéma. Grâce au succès de son film Blade II, del Toro a pu acquérir une certaine notoriété à Hollywood. Ce succès lui a permis de réaliser son souhait avec Hellboy. Chérissant toujours autant les monstres, del Toro n'a pas hésité à peindre un tableau épouvantable des humains en comparaison. La créativité et l'imagination uniques du réalisateur ont permis de livrer une version plus légère que les bandes dessinées de Mike Mignola. La créature de Hellboy a marqué les esprits au cinéma.

Le Labyrinthe de Pan

Avec ce film, del Toro s'impose aux yeux du public et du cinéma comme un grand réalisateur. Son talent s'affirme et se confirme. Le Labyrinthe de Pan est un conte sombre et fantastique au récit violent qui est dans la prolongation de L'échine du diable. Depuis son enfance, del Toro avait en tête le personnage du Faune. L'idée de l'histoire est venue directement du carnet de notes et de dessins que le réalisateur possédait depuis plus de vingt ans. Del Toro hésitait depuis quelque temps à se lancer dans la réalisation de ce film qu'il avait en tête depuis plusieurs années. L'idée de perdre accidentellement son carnet, avec toutes ses idées, l'effrayait.

Un jour, en sortant d'un taxi, il oublie son carnet à l'intérieur. Peu de temps après, le chauffeur retrouve l'adresse de l'hôtel du réalisateur et lui ramène son journal. Del Toro vit cet incident comme un signe qui l'a finalement poussé à réaliser Le Labyrinthe de Pan.

Crimson Peak

Avec Crimson Peak del Toro souhaitait rendre hommage à de grands classiques tels que The Haunting (1963) et Les Innocents (1961). Ce film, gothique romantique, était particulièrement saisissant au niveau visuel. Il a su séduire la critique et obtenir de nombreuses nominations. Malheureusement, lors de sa promotion, le film a renvoyé une image de scénario d'horreur assez classique. Contrairement à la véritable nature de l'œuvre qui est en vérité une romance gothique. En conséquence, le film n'a pas été si bien classé au box-office.

La Forme de l'eau


Del Toro avait comme projet de réadapter L'Étrange Créature du lac noir (1954) pour Universal. Mais la production n'était pas d'accord avec le point de vue du réalisateur. Celui-ci souhaitait concentrer le film sur la vision et perspective de la créature. Finalement, del Toro a créé sa propre version qui explore ce concept même.  Après avoir exploré les peurs et les rêves enfantins, le réalisateur s'intéresse aux peurs adultes. La Forme de l'eau (2017) est probablement le premier film où del Toro exprime ses craintes et ses soucis. Les nominations et les prix sont déjà en cours et la critique définit ce nouveau film comme l'un de ses plus beaux travaux.

Guillermo del Toro souffrait de voir du mépris dans le regard des adultes. Ceux-ci ne comprenaient pas son attachement aux monstres et au fantastique qu'ils jugeaient stupide et puérile. Le réalisateur leur a prouvé tout le contraire en mettant son génie au profit du cinéma.