HADOPI, c'est fini ?

Le mercredi 10 juin 2009, le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision sur la constitutionnalité de la Loi Création et Internet. Sans surprise, le Conseil a censuré une partie (et pas la moindre) de la Loi.

Alors, en clair qu’est ce que cela signifie ?
On rappelle que la Loi Création et Internet (surnommée Loi HADOPI) prévoit la création d’une autorité administrative indépendante : l’HADOPI. Le rôle de celle-ci consiste d’une part à avertir les internautes qui téléchargent illégalement et d’autre part à couper leur accès à internet en cas de récidive.

Suite à l‘adoption de la Loi, les députés socialistes ont pris l’initiative de saisir le Conseil Constitutionnel afin que la Loi soit reconnue inconstitutionnelle. Le Conseil a donc rendu un jugement en faveur des requérants.

Qu’est ce qui est inconstitutionnel et pourquoi ? L’HADOPI est une autorité administrative. Le fait de confier des pouvoirs de sanction (suspension de l’accès internet) à une telle autorité porte atteinte à trois principes : le droit à la liberté d’expression et de communication, le principe de proportion des sanctions et la présomption d’innocence.

Pourquoi cela va t-il à l’encontre du droit d’expression et de communication ? La Loi revient à confier à une autorité administrative le pouvoir de couper l’accès à internet et donc de restreindre l’exercice du droit de s’exprimer et de communiquer librement depuis son domicile.

Qu’en t-il du caractère disproportionné retenu par le Conseil Constitutionnel à l’encontre des sanctions ? Le Conseil Constitutionnel considère que la liberté d’expression et de communication est fondamentale. Les atteintes qui peuvent être portées à celle-ci doivent être proportionnées or couper l’accès à internet ne constitue pas une atteinte adaptée et proportionnelle selon le Conseil Constitutionnel.

Enfin la présomption d’innocence est également malmenée selon le Conseil Constitutionnel. Le principe est celui-ci : tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable. Or la Loi introduit une présomption de culpabilité à l’égard du seul titulaire du contrat d’abonnement d’accès à internet ce qui est contraire au principe énoncé ci-dessus.

En conclusion, la Loi HADOPI n’est pas morte. Cependant l’idée d’une riposte graduée (avertissement et suspension internet) par l’initiative d’une seule autorité administrative est révolue. Si la Loi s’applique dans le futur, il faudra compter sur l’intervention du pouvoir judiciaire afin de couper l’accès internet aux auteurs de téléchargements illégaux. Christine Albanel, la ministre de la Culture a d’ailleurs fait savoir qu’elle proposerait au Président de la République et au Premier ministre de réviser la Loi dans ce sens.

Connaissant la « rapidité » des procédures judiciaires, on s’interroge sur l’efficacité de ce nouveau retournement dans la Loi HADOPI. Une chose est sûre : la bataille de la liberté de communication contre la protection des droits d’auteur n’est pas terminée.

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Laura Thiery (Le 11 Juin 2009)