C’est au siège de Wild Side, leur distributeur, que nous avons rencontré Paco Plaza et Jaume Balaguero. Les deux réalisateurs espagnols, tout juste rentrés du Festival du film fantastique de Gerardmer, ont à peine eu le temps de poser leurs valises et leurs nombreux prix, qu’ils répondaient déjà avec bonne humeur à nos questions...
Déjà, félicitations pour les différents prix obtenus au Festival de Gerardmer. Qu’est ce que ça représente pour vous ?
Paco Plaza : C’est le prix du public qui nous a vraiment fait plaisir, parce qu’en fin de compte, c’est pour lui qu’on a fait le film. C’est vraiment très gratifiant de savoir que tant de gens l’ont aimé.
Jaume Balaguero : C’est vraiment agréable et intéressant d’avoir à la fois Le prix du public et Le prix spécial du jury. C’est comme au festival de Sitges. On a obtenu Le prix du public et Le prix de la critique. Ça peut sembler assez contradictoire, mais on est très heureux que le film soit apprécié de ces deux points de vue.
Comment vous est venu l’idée de Rec ?
J.B. : On discutait du cinéma de genre, des films qu’on aime ou pas, et l’on se demandait comment on pourrait faire un film encore plus efficace, encore plus terrifiant. On s’est dit qu’il fallait partir d’une histoire d’horreur typique, mais en la filmant différemment, avec le langage de la télévision, comme si l’action était en train de se passer pendant que le spectateur regarde le film.
Est-ce que c’est plus difficile de réaliser un film à deux ? Comment vous êtes vous réparti les rôles sur le tournage ?
P. P : Je pense que ce n’est pas possible de réaliser un film classique à deux. Pour Rec, le film n’était pas du tout conventionnel, on était une petite équipe, on n’avait pas de story-board, on improvisait beaucoup… C’était donc même plus facile à deux, on avait beaucoup d’idées. Le but n’était pas de faire une mise en scène classique, mais de recréer une réalité, de faire croire que tout ce que l’on montre est vrai.
J.B : Sur le plateau, on était comme des gamins en train de jouer, on faisait tout ensemble. Par exemple, pour une des séquences à la caserne, je proposais de faire descendre les pompiers à tel endroit. Paco me disait : "Tu crois qu’on peut faire ça ? Allons-y !". On pouvait presque tout tester. Mais les idées ne venaient pas seulement de nous deux, toute l’équipe du film était impliquée.
PP : Oui, on a eu la chance d’avoir une équipe composée uniquement d’amis, de gens qui avaient travaillé avec moi sur Les Enfants D'Abraham, et sur les premiers films de Jaume. Ça nous a permis d’avoir une grande liberté.
Rec est déjà beaucoup comparé au film le Le Projet Blair Witch ainsi qu’à Cannibal Holocaust à cause du style "faux-documentaire". Qu’est-ce qui vous a influencé pour rendre l’impression de réalité et quels pièges avez-vous voulu éviter ?
P.P : On a été beaucoup plus influencé par la télévision que par le cinéma pour réaliser Rec. On a regardé à nouveau Le projet blair witch avant le tournage, et l’on s’est dit que même si il y avait des choses très efficaces dans ce film, on ne voulait pas tomber dans le côté où l’on doit deviner ce qui se passe, ce que l’on voit. En fait, en regardant ces films, on ne s’est pas tant demandé ce qu’on voulait éviter, mais surtout, ce qu’on pouvait apporter de nouveau. On voulait vraiment trouver un nouveau moyen de raconter une histoire effrayante. Et puis on n’avait pas très envie de faire des sacrifices d’animaux sur le plateau ! (Rires)
Votre film ressemble plus à une expérience que le spectateur vit de manière personnelle, presque physique, comme face à un jeu vidéo. C’était voulu ?
J.B : C’est exactement ce qu’on voulait faire passer, que le spectateur vive une expérience et ne se contente pas simplement de regarder le film. Comme dans les jeux vidéos de ces dernières années, où le joueur est vraiment impliqué dans l’histoire, on voulait que le spectateur ressente la même chose, qu’il se sente lui-même personnage du film.
Parlons du décor. Comment l’avez-vous choisi ?
J.B. : C’est un décor entièrement réel. On a tourné dans un ancien immeuble du centre de Barcelone, très typique. Aujourd’hui, ces immeubles ne sont plus habités, on trouve uniquement des ateliers textiles au rez-de-chaussée, comme celui qu’on voit dans le film.
Que ce soit dans Les Enfants d'Abraham ou Fragile par exemple, les décors ont leur importance, les lieux semblent avoir une histoire. L’immeuble de Rec peut-il être vu comme un personnage à part entière ?
J.B. : Oui, tout à fait. On a voulu garder l’ambiance des films d’horreur classiques, où l’espace est un élément très important, avec des lieux emblématiques comme la maison, l’hôpital, la forêt… L’immeuble fait entièrement partie de l’histoire, en ça, c’est un personnage.
Pour finir, Paco, Jaume avait déjà gagné un certain nombre de prix dans différents festivals. C’était l’une de vos motivations pour travailler avec lui ?
P.P. : (Rires) Non non, ce n’est pas entré en compte... heureusement !
J.B. : J’aurais pu lui prêter un prix, mais finalement, on en a gagné des nouveaux !
M.F. (22 avril 2008)