Jacques Deray laisse le cinéma français orphelin

Il s’avouait fasciné par les stars… Mais c’est lui qui les avait révélées. Le cinéaste Jacques Deray s’est éteint dans la nuit de samedi 9 à dimanche 10 août 2003. Né à Lyon le 19 février 1929, ce fils d’industriel envisage d’abord la comédie. Il s’inscrit dans un cour d’art dramatique puis s’aperçoit qu’il n’est pas fait pour ce côté de la caméra. En 1952, il devient assistant pour Jean Boyer, Henri Verneuil ou encore Luis Bunuel. Il réalise son premier film LE GIGOLO en 1960. Déjà, il s’entoure des futurs grands noms du cinéma français. Jean-Claude Brialy, Charles Vanel, Jean-louis Trintignant, Michel Serrault, Jean-Paul Belmondo, Romy Schneider, Charlotte Rempling et surtout Alain Delon font leurs premiers pas devant ce maître. Delon et Deray, une amitié et une dizaine de collaborations dont BORSALINO et LA PISCINE. Imprégné d’une atmosphère unique, sombre, personnelle et trouble, le genre policier a pris toute son envergure avec celui qui se définissait comme " un metteur en scène, un montreur d’images, un raconteur d’histoires ".

Jacques Deray était aussi très investi dans les instances professionnelles du septième art : Vice-président d’Unifrance-Film entre 1973 et 1975, membre de la commission de contrôle de 74 à 90 puis à partir de 99. Le cinéaste s’était récemment impliqué dans l’ouverture d’un musée à l’Institut Lumière, à Lyon, aux côtés de Bertrand Tavernier, Thierry Frémaux et Bernard Chardère. L’année dernière, alors que la maladie le guettait, il a décidé d’écrire ses mémoires. Loin d’énumérer les noms des stars avec qui il a tourné, il opte pour une promenade dans ses souvenirs. Il aimait à rappeler que Tavernier n’était pas le seul cinéaste lyonnais. Depuis plusieurs semaines, la lutte du réalisateur contre la maladie était devenue vaine. Il est parti. Il avait 74 ans.

Depuis deux jours, les hommages au " Hitchcock à la française " se succèdent. Le président du Festival de Cannes, Gilles Jacob, a affirmé que " la grande finesse de son style et de son esprit en ont fait l’un des ébénistes du film noir français ". Bertrand Tavernier regrette d’avoir perdu " un collègue et surtout un ami ". Le personnel de l’Institut Lumière se dit inconsolable. Ses deux acteurs fétiches se sont exprimés sur leur peine. Alain Delon, au micro d’Europe 1, a laissé entendre, de sa voix émue : " Il n’y a plus que moi de LA PISCINE. C’est un des plus beaux souvenirs cinématographiques de ma vie mais aussi aujourd’hui un des plus tristes et des plus pénibles à évoquer ". Belmondo a préféré se souvenir " du grand professionnel, de l’ami discret et adorable ".

Du côté des hommes politiques, le Ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon a salué la mémoire de " cette figure unanimement respectée, qui a dirigé pendant près de 40 ans les acteurs les plus célèbres et les plus talentueux de notre septième art ". Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, quant à lui, a déclaré que " Jacques Deray savait tellement bien construire et raconter les histoires que les générations à venir de jeunes cinéastes sauront conserver son exemple en mémoire ". Il a aussi présenté ses " condoléances affectueuses " à l’épouse et à la fille du défunt.

Retrouvez la biographie et la filmographie complètes de Jacques Deray

M.C.M. (11 août 2003)