Juliette Delacroix (Une histoire d'amour) : "Si tu ressors de ce film avec l'envie de vivre, on aura réussi notre pari"

Juliette Delacroix (Une histoire d'amour) : "Si tu ressors de ce film avec l'envie de vivre, on aura réussi notre pari"

Alexis Michalik signe son deuxième long-métrage en tant que réalisateur avec le bouleversant "Une histoire d'amour". Pour la sortie du film, nous avons rencontré Juliette Delacroix et Marica Soyer, ses deux actrices principales qui ont contribué à la création de la pièce d'origine au côté du metteur en scène.

Une histoire d'amour : un mélodrame bouleversant

Pour son deuxième long-métrage en tant que réalisateur, Alexis Michalik transpose à l'écran sa pièce Une histoire d'amour. Un récit bouleversant qui débute avec la rencontre et le coup de foudre entre Katia (Juliette Delacroix) et Justine (Marica Soyer). Après une union célébrée par William (Alexis Michalik), le frère de Katia, leur envie d'avoir un enfant grandit. Mais leur bonheur s'effondre brutalement...

Une histoire d'amour
Une histoire d'amour ©Le Pacte

Pour la sortie de ce film poignant, qui parvient à aborder des thèmes universels à un rythme impressionnant, nous avons rencontré les actrices Juliette Delacroix et Marica Soyer. Elles sont revenues sur la création de la pièce au côté d'Alexis Michalik, sur l'approche différente de leur personnage au cinéma et sur "l'envie de vivre" que le mélodrame procure.

Rencontre avec Juliette Delacroix et Marica Soyer

Vous êtes là depuis le tout début de la pièce et vous avez contribué à sa création. Est-ce que cela vous a paru évident quand Alexis Michalik vous a proposé de la transposer au cinéma ?

Juliette Delacroix Oh bah oui ! On l'a créée avec lui en 2020 pour la première, au théâtre de La Scala, et Alexis l'a adaptée en film pendant le confinement. Mais ce n'était pas prévu à la base, ou en tout cas pas si tôt. Et dès le début, Alexis a tout de suite eu envie de l'adapter avec la distribution originale mais il ne nous l'a pas dit. Il nous l'a caché déjà par peur de nous décevoir, pour ne pas nous donner de faux espoirs parce que monter un film avec des inconnus, ou en tout cas des visages qui ne sont pas des têtes d'affiche, c'est compliqué.

Pendant six mois, il s'est démené avec ses producteurs pour convaincre Le Pacte, Canal+ et France 2. Donc nous, on a appris très tardivement, fin 2020, quatre mois avant le début du tournage, qu'ils avaient enfin eu tous les financements et qu'ils avaient été suivis par tout le monde. Donc ça a été une surprise mais évidemment ça a été une évidence. Quand on crée des rôles comme ça au théâtre et qu'on a la chance et l'opportunité de les emmener sur un format cinématographique, on a été très émues de sa proposition.

Une histoire d'amour
Une histoire d'amour ©Le Pacte

Marica Soyer : Oui ! Et puis quand tu dis par rapport à la création des rôles, quand tu travailles avec le metteur en scène les prémices et que tu construis avec lui les personnages, c'est qu'ils ont été façonnés avec ce qu'on est nous dans la vie et sur un plateau de théâtre. On a eu la chance de façonner tous les petits replis de nos rôles. Quand tu crées un rôle, de toute manière tu le ramènes à toi. Que ce soit au cinéma ou au théâtre, même s'il te paraît éloigné par son histoire ou non, il faut ramener à soi. Il faut aller chercher en soi les choses pour qu'elles soient les plus vraies et les plus crédibles, donc on transpose toujours à travers notre prisme.

Juliette Delacroix : Après dans la vie, on a évidemment plein de différences avec nos personnages. Moi je n'ai pas été atteinte d'un cancer. Marica n'a pas quitté quelqu'un enceinte. (Rires) Évidemment, l'histoire n'est pas la nôtre mais tu y mets beaucoup de toi, beaucoup de ce que tu as observé et beaucoup de ce que tu as vécu. Marica dans la fraîcheur, l'insouciance, la bonhommie, l'aspect solaire, ce sont des choses qu'elle a en commun avec Justine. Et moi dans l'aspect blessure, sensible, l'abandon, la maladie que j'ai connue de très près par les autres...

Marica Soyer : Après ça reste des rôles et il y a la distance du rôle. Mais ce sont des rôles qu'on affectionne particulièrement. Plus que d'autres. Je pense qu'on a un lien très particulier à cette histoire.

Y avait-il des appréhensions ou de la peur vis-à-vis du fait de les emmener au cinéma ?

Marica Soyer : Je crois qu'on a toujours peur quand on prolonge quelque chose et qu'on l'amène ailleurs. Il faut que ce soit à la hauteur. Nous, on prenait beaucoup de plaisir à jouer la pièce. Donc on a envie que ces personnages continuent d'exister de la bonne manière au-delà de cette scène de théâtre et qu'on y croit. D'un coup, quand on passe du théâtre au cinéma, on se rapproche de la réalité. Au théâtre, on est en direct et on doit projeter, on élargit tout. Au cinéma, on rapproche tout de nous et on simplifie les choses. Donc oui, il y a toujours cette crainte de ne pas être assez proche de la réalité.

Une histoire d'amour
Une histoire d'amour ©Le Pacte

Juliette Delacroix : Après, là où ça a été magique pour nous et où c'est quelque chose de très rare, c'est que souvent au cinéma, tu découvres un scénario, tu as un mois de préparation et puis après tu te jettes direct dans la gueule du loup et tu es directement sur le plateau. Là, on avait déjà joué près de 120 fois la pièce avant de commencer le tournage. Donc tu ne peux pas être plus alerte sur les problématiques de ton personnage.

Mais ça pouvait être aussi le risque, parce qu'on les connaissait tellement qu'il a fallu les "cinématographier", les gommer un peu. Et puis sur un tournage, chaque jour tu tournes des scènes, le lendemain c'est terminé, tu passes à un autre décor. Là où au théâtre, si t'es à côté de tes pompes un soir, le lendemain tu peux te rattraper. Là, chaque journée avait son petit deuil et au bout de 31 jours de tournage, c'était fini.

C'est court...

Juliette Delacroix : Très court et très rythmé. C'est plutôt un petit budget pour le cinéma et Alexis voulait tellement rendre ce film visuel et énergique. Il y a quand même 56 décors en 31 jours de tournage. Il a fallu les rentrer et dans une journée, il nous arrivait d'avoir 3/4 décors et dans une journée il nous arrivait de passer de l'âge 25 ans, où on débute, à l'âge 40 ans. Donc on avait tout un vieillissement au latex, c'était une heure de maquillage... Donc c'est vrai qu'en termes d'efficacité et de rapidité, on n'a pas eu plus de 3/4 prises par scène, ce qui est rarissime au cinéma. Heureusement qu'on avait ça je crois aussi, mais bon parfois ça a aussi développé des petites frustrations. Après, il fallait faire confiance au rythme d'Alexis, on n'avait pas le choix de toute façon.

Marica Soyer : Ça va tellement vite que tu n'as même pas le temps d'avoir peur en fait. T'as peur le premier jour et puis après le rythme est tellement effréné qu'il n'y a pas d'espace pour la peur. Donc tu fonces.

Même si vous connaissez très bien ces personnages, qu'est-ce qui a changé dans votre approche de Katia et Justine ?

Marica Soyer : L'histoire d'amour est davantage accélérée dans la pièce, plus qu'au cinéma. Alexis a rajouté des scènes dans la genèse de l'histoire d'amour des deux filles, plein de scènes de quotidien, tout ce qui va faire qu'on va croire à cette histoire d'amour. Dans les retrouvailles de la deuxième partie, il n'y a presque pas eu d'ajouts. Je trouve qu'on a un peu plus le temps de s'attacher aux personnages au cinéma qu'au théâtre.

Une histoire d'amour
Une histoire d'amour ©Le Pacte

Juliette Delacroix : Il a voulu étoffer en fait. Pour qu'on s'y attache, il faut en effet s'attacher au quotidien et les rendre à la fois banales, à la fois humaines et proches de ce qu'on peut tous être. On a aussi plus de scènes d'intimité qu'au théâtre. Heureusement qu'on se connaissait aussi autant. Alexis avait aussi beaucoup de pudeur en les tournant, mais on a aussi dû ajouter cette passion physique qu'on n'avait pas au théâtre. C'est extrêmement universel la sexualité, la passion, l'attirance. D'avoir ajouter permet de mieux comprendre pourquoi elles se sont aimantées alors qu'elles sont si différentes. En tout cas, ce n'est pas un film sur l'homosexualité. On est très fières de jouer des homosexuelles à l'écran mais c'est un film qui parle d'amour avant tout.

Cet aspect universel était présent dès l'écriture de la pièce, je suppose.

Marica Soyer : Oui, Alexis ne s'est jamais positionné politiquement. Dès le début, il y a eu beaucoup de questionnements sur le fait de parler de deux femmes. Il fallait qu'il y ait la possibilité de faire un enfant. Il fallait que le récit fonctionne, que l'on se demande qui pourrait être le tuteur de l'enfant. Alexis voulait avant tout parler d'amour à la suite d'une rupture qui l'a laminé.

Juliette Delacroix : Il fallait que le spectateur puisse se dire : "Oh putain, ça m'est arrivé ça". D'être si amoureux, d'y croire si fort et que tout se pète la gueule. Et en même temps, on se dit que c'est ça la vie. Quand c'est bien, il faut vraiment le vivre parce qu'il peut se passer tellement de choses. Si tu ressors de ce film avec l'envie de vivre, il aura réussi son pari.

Une histoire d'amour
Une histoire d'amour ©Le Pacte

Alexis Michalik est différent dans sa manière de diriger, entre le cinéma et le théâtre ?

Marica Soyer : Non. Il a un ADN théâtral, ça fait des années donc il a une sorte de dextérité au théâtre. Le cinéma, c'est quelque chose de plus nouveau pour lui. Là je pense que la difficulté pour lui, c'était de se couper en quatre, d'avoir écrit le scénario, de produire, de réaliser et de jouer dedans, c'est hyper dur de conserver l'émotion en permanence. Mais dans sa direction, on a retrouvé la même patte.

Juliette Delacroix : La patte du rythme surtout. C'est quelqu'un qui sait exactement où il va, quand il y va, en ayant d'immenses certitudes. Travailler avec Alexis, c'est aussi lui accorder une confiance totale. Il ne laisse pas le temps au hasard. Lui son immense angoisse, c'est que les gens s'ennuient. Il ne voulait pas de temps mort, il ne fait pas de contemplatif. Pour nous en tant que comédiennes, c'est une manière de travailler qui est passionnante et qui ne laisse pas de place au doute.

Une histoire d'amour est à découvrir au cinéma dès le 12 avril 2023.