Just Philippot (Acide) : "J’ai presque voulu faire un anti-Guerre des mondes"

Just Philippot (Acide) : "J’ai presque voulu faire un anti-Guerre des mondes"

Rencontre avec Just Philippot, réalisateur du film "Acide", condensé brillant de catastrophes intimes et collectives. Il nous raconte le point de départ du projet, la séquence la plus complexe à mettre en scène, et pourquoi il est embêté quand on évoque la comparaison avec Steven Spielberg...

Acide, le nouveau survival de Just Philippot

Le nouveau long-métrage de Just Philippot Acide, deux ans après la sortie nationale de La Nuée, vient confirmer que le réalisateur maîtrise ses sujets, et que ceux-là ont tout à voir avec les crises qui frappent nos sociétés et les individus. Film de plusieurs colères profondes, récit d'une humanité brisée qui cherche son échappatoire, on a rencontré Just Philippot pour explorer dans les détails Acide, son idée et sa fabrication, et savoir pourquoi la comparaison avec le cinéma américain, notamment celui de Steven Spielberg, ne lui plaît pas vraiment...

Selma (Patience Munchenbach) - Acide
Selma (Patience Munchenbach) - Acide ©Pathé

Après La Nuée, on retrouve dans Acide une catastrophe aux formes multiples. Quel était le point de départ du projet ?

Just Philippot : J’ai eu envie de traiter une crise environnementale, sur une crise de la société, et mettre le personnage principal et sa fille au centre de ces crises. Et montrer que cette fille n’est ni considérée, ni écoutée, et on lui demande cependant de construire demain.

Je voulais qu'Acide soit sincère, honnête, dans le sens où cette enfant à qui on va demander de vieillir rapidement pour construire, c’est la jeunesse durant ces trois dernières années, notamment pendant la pandémie de Covid.

Il y a un respect à avoir vis-à-vis des douleurs collectives vécues, je voulais donc ne pas tomber dans la surenchère et la catastrophe pour la catastrophe.

Acide est visuellement très abouti, avec une catastrophe mise en scène de manière très réaliste. On imagine qu'il a dû y avoir des jours de tournages compliqués ?

Just Philippot : Toutes les séquences ont été complexes. La pluie, c’est un environnement technique très lourd, d’autant plus quand c’est de la pluie en mouvement. Par exemple, dans un intérieur voiture, c’est complexe. Les scènes de foule aussi, avec jusqu’à 350 figurants à mettre en scène sur deux ou trois jours. C’est se jeter dans le grand bain, c’est donc assez violent. Chaque jour a de nouveaux défis. Pas une journée calme, pas une journée avec des tâches faciles.

Acide
Acide ©Pathé

La plus dure a été la séquence finale dans la boue. Quatre nuits dans trente centimètres de boue, je crois que là on a porté l’histoire comme le personnage porte sa fille ! On a vécu la même incapacité à pouvoir se déplacer rapidement. Dans une journée de tournage, on n’a pas beaucoup de temps, il faut aller vite. Et là on a lutté contre cette inertie liée à l’environnement. Ça a été très éprouvant, mais en même temps ça permet de vivre les choses de manière très exposée. J’espère que ça se voit à l’image.

Acide est un film de genre, avec des sensations qui peuvent rappeler celles d'oeuvres d'un cinéaste comme Steven Spielberg, en l'occurrence La Guerre des mondes. Mais vous ne voyez pas les choses de la même manière...

Just Philippot : Ça m’embête quand on m’en parle, parce que j’ai presque voulu faire un anti-Guerre de mondes, pour la simple et bonne raison que j’ai été touché par les crises. Je le suis encore, et je ne vois pas pourquoi mes personnages ne le seraient pas. Je pense bien plus au cinéma russe, à la fois ambitieux et poétique, sincère, noir, pour aller chercher le spectateur à un endroit presque organique.

L’idée est de mettre en danger les personnages et montrer au spectateur que tout le monde est touché. Aujourd'hui, dans la fiction, je pense qu'un personnage ne peut pas avoir sa zone de protection.

Dans La Guerre des mondes, aucun personnage ne meurt ou alors c’est le « méchant »… Je pars du principe qu’aucun personnage n’est protégé. Dans Acide, Tom Cruise n’est plus Tom Cruise. Il est juste Tom, et s’il court moins vite…