La Douleur : pourquoi le film adapté de Marguerite Duras a failli ne pas aboutir ?

Un film poignant

La Douleur : pourquoi le film adapté de Marguerite Duras a failli ne pas aboutir ?

Dans "La Douleur", Mélanie Thierry incarne Marguerite Duras, qui attend le retour de son mari Robert Antelme des camps de concentration à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un long-métrage qui a failli être abandonné en cours de route en raison d’une production compliquée.

La Douleur : Mélanie Thierry devient Marguerite Duras

Avec La Douleur, sorti en 2018, Emmanuel Finkiel retrouve Mélanie Thierry après Je ne suis pas un salaud. Dans cette adaptation du recueil éponyme de Marguerite Duras publié en 1985, qui se concentre sur l’attente et le retour de son mari Robert Antelme, la comédienne se glisse dans la peau de l’écrivaine.

Un rôle qui ne lui demande pas pour autant de ressembler à l’artiste à l’origine de L’Amant et d'Un barrage contre le Pacifique, d’abord parce que l’ouvrage mêle autobiographie et fiction, mais aussi parce qu’il existe peu d’images d’époque de Marguerite Duras. Lors de la déportation de son époux en juin 1944, la jeune femme n’a effectivement pas encore la renommée qu’on lui connaît.

Alors qu’elle cherche à obtenir des informations sur son compagnon, figure majeure de la Résistance, Marguerite rencontre Pierre Rabier (Benoît Magimel), un agent français de la Gestapo. Ce dernier lui promet de lui donner des nouvelles de Robert. Débute entre eux une relation ambiguë scrutée par Dionys Mascolo (Benjamin Biolay), amant de l’écrivaine et meilleur ami d’Antelme.

La Douleur
La Douleur © Les Films du losange

Après la Libération, une attente insoutenable et omniprésente débute pour Marguerite. Tandis que la joie envahit Paris, la jeune femme s’affaiblit et s’enferme dans le désespoir, à mesure que l’horreur des camps surgit lentement.

Un long-métrage personnel pour Emmanuel Finkiel

Lorsqu’Elsa Zylberstein et le producteur David Gauquié lui proposent d’écrire le scénario de La Douleur, Emmanuel Finkiel accepte de se lancer pour plusieurs raisons. La première est qu’il a été bouleversé par le recueil de Marguerite Duras à 19 ans, duquel il préfère retenir l’attente plutôt que le retour de Robert Antelme.

Une attente qui fait par ailleurs écho à sa vie personnelle, comme il le confie durant la promotion, cité par Allociné :

Cette femme qui attend le retour de son mari des camps de concentration et, alors que tout le monde revient, lui ne revient pas... Ce personnage faisait écho à la figure même de mon père, qui était quelqu’un qui attendait toujours, me semble-t-il. Même après qu’il ait eu la certitude que la vie de ses parents et de son frère s’était terminées à Auschwitz. Pour ces gens qui n’avaient pas de dépouille, l’absence était toujours présente. Et ce n’était pas une idée intellectuelle, c’était très concret. La présence de l’absence... De mon point de vue, c’était ce que racontait La Douleur : être face à cette présence. Replié sur soi- même, un voyage intérieur.

Dans le film, ce sentiment passe également par le personnage poignant de madame Katz (Shulamit Adar), qui espère le retour de sa fille infirme et refuse le renoncement.

Une production compliquée

Au cours de plusieurs entretiens, Mélanie Thierry revient sur la production compliquée de La Douleur. Interrogée par Première pour la sortie, la comédienne nommée aux César pour son interprétation révèle que le long-métrage a failli ne pas voir le jour :

Il se trouve que le film a été très compliqué à monter, le tournage a notamment été arrêté pendant trois semaines. On ne savait pas si on reprendrait et si le résultat de tout ça consisterait en quelques rushes rangés dans un placard. C’était douloureux.

Une situation qui sert néanmoins son jeu :

Il y avait un parallèle qui nourrissait le personnage. Inconsciemment, tous ces événements m’ont amenée à être dans une lutte, dans la foi, et jamais dans le renoncement. On était en outre une équipe réduite de dix personnes, tous hyper responsabilisés. Cela a favorisé une intimité et une confiance incroyables.

Au cours d’une interview pour French Mania, elle assure que ces épreuves s'expliquent par la difficulté à financer un film d’époque, et à reconstituer le Paris de l’Occupation. Pour retranscrire sa vision de la capitale, Emmanuel Finkiel s’en remet à plusieurs solutions, comme l’utilisation de la longue focale. Elle s'accorde à merveille au récit, s’allie parfaitement à la voix-off de Mélanie Thierry et enferme le spectateur dans l’esprit tourmenté de Marguerite Duras, obscurci par une attente qui l’empêche de voir les rues dans leur ensemble. Le réalisateur déclare à ce sujet :

L’utilisation de la longue focale m’a permis de ne pas être dans la reconstitution classique et aussi de rendre Paris autant que possible tel qu’il était à l’époque, c’est-à-dire anthracite, presque noir. (…) Ça a été un chantier terrible mais j’ai tenu bon, aussi parce que c’était le Paris de mon enfance – le Paris ravalé est assez récent.