La Haine : retour sur l'affaire Makomé M'Bowolé qui a inspiré Mathieu Kassovitz

Le drame à l'origine du film

La Haine : retour sur l'affaire Makomé M'Bowolé qui a inspiré Mathieu Kassovitz

En 1995, Mathieu Kassovitz réalise certainement le meilleur film de sa carrière avec "La Haine". Immense chef d’œuvre du cinéma français, le long-métrage est inspiré d'une histoire vraie : l'affaire Makomé M'Bowolé.

La Haine : l'important, c'est pas la chute, c'est l’atterrissage

En 1995, le cinéaste Mathieu Kassovitz réunit les comédiens Vincent Cassel, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui pour mettre en scène La Haine. Toujours considéré comme une référence, le long-métrage débute après le passage à tabac du jeune Abdel Ichah, seize ans, par des policiers. Une bavure qui pousse les membres de sa cité à se rebeller contre les forces de l'ordre.

La Haine
La Haine ©STUDIOCANAL

La Haine est un énorme succès critique et populaire. Le long-métrage est nommé à 9 reprises aux César et repart avec trois statuettes. Celle du Meilleur film, du Meilleur montage et du Meilleur producteur. La Haine est également sélectionné au Festival de Cannes de 1995 et repart avec le Prix de la mise en scène.

Ce qui est moins connu concernant La Haine, c'est que le film est inspiré d'une histoire vraie. En effet, Mathieu Kassovitz s'est basé sur l'affaire Makomé M'Bowolé. Le 6 avril 1993, au commissariat des Grandes-Carrières, dans le 18ème arrondissement de Paris, l'inspecteur de police Pascal Compain, 38 ans, tue à bout portant le jeune Makomé M'Bowolé d'une balle dans la tête. Le policier déclare ensuite avoir tiré par accident.

L'affaire Makomé M'Bowolé

L'arrestation survient d'abord vers 4h30 du matin. Makomé M'Bowolé, alors âgé de 17 ans, et ses deux amis, Ibrahim Kamara et Alioum Gaye, fuient les forces de l'ordre après avoir dérobé plusieurs cartouches de cigarettes. Les policiers rattrapent les jeunes hommes et les placent en garde à vue. Le jour même, vers 16h30, Ibrahim Kamara et Alioum Gaye sont libérés mais Makomé M'Bowolé reste au poste. Les policiers veulent des aveux concernant un vol par effraction. L'inspecteur Pascal Compain menace le jeune homme avec son arme pour l'intimider, pensant que celle-ci est déchargée. Le coup part tout seul selon Pascal Compain. Guirec Blochet, inspecteur stagiaire, et Thierry Guigno, inspecteur lui aussi, sont témoins de la scène.

L'affaire Makomé M'Bowolé
L'affaire Makomé M'Bowolé ©Libération

Le procès de Pascal Compain s'ouvre le 12 février 1996, soit presque trois ans après les faits. Le policier risque jusqu'à 30 ans de réclusion criminelle pour homicide volontaire. Finalement, après une défense qui explique que ce genre de pratiques d'intimidation sont assez courantes et que c'est Makomé M'Bowolé qui a déclenché la rafale en se débattant, Pascal Compain est condamné à 8 ans de prison ferme pour violences volontaires et homicide involontaire. À l'époque, il s'agit de la condamnation la plus lourde jamais infligée à un policier.

L'affaire a un large retentissement médiatique. Les journaux s'emparent de l'affaire, et dénoncent des violences policières inadmissibles. Les faits sont même mentionnés dans un rapport d'Amnesty International. Le meurtre de Makomé M'Bowolé est suivi par trois jours d'émeutes, de pillages et d'affrontements face aux forces de l'ordre en plein cœur de Paris. Des faits qui inspireront donc Mathieu Kassovitz pour réaliser La Haine...