La Liste de Schindler : pourquoi ce grand réalisateur a refusé de réaliser le film

La Liste de Schindler : pourquoi ce grand réalisateur a refusé de réaliser le film

En 1993, Steven Spielberg se consacre à l'un des projets les plus importants de sa carrière avec "La Liste de Schindler". Un film que Martin Scorsese a renoncé à mettre en scène après la réception du controversé "La Dernière Tentation du Christ".

La Liste de Schindler : un projet très important pour Steven Spielberg

Ancien patron d'Universal et mentor du réalisateur de Rencontres du troisième type, Sid Sheinberg fait parvenir à Steven Spielberg en 1982 une critique de l'ouvrage de Thomas Keneally, La Liste de Schindler. Pendant longtemps, le cinéaste refuse de l'adapter mais finit par s'y consacrer au début des années 1990, en partie parce qu'il assume de plus en plus ses origines juives desquelles il s'était détourné.

Sorti en 1994 en France, La Liste de Schindler s'impose comme l'un de sommets de la filmographie du cinéaste, qui se consacre à l'Holocauste à travers l'histoire vraie d'un homme complexe et ambigu, incarné par Liam Neeson. Industriel allemand membre du parti nazi, Oskar Schindler a sauvé 1100 Juifs du ghetto de Cracovie pendant la Seconde Guerre mondiale en les faisant travailler dans une usine d'outils en émail. Peu à peu, sa nécessité de faire du profit a laissé place à celle de protéger ses employés.

La Liste de Schindler
La Liste de Schindler ©Universal Pictures

Communicant hors-pair aux nombreuses zones d'ombre, Oskar Schindler parvient monter à son plan avec l'aide d'Ithzak Stern, son comptable interprété par Ben Kingsley. Afin de pouvoir négocier et embaucher un maximum de personnes, l'homme d'affaires noue de faux liens d'amitié avec le sadique Amon Göth (Ralph Fiennes), second lieutenant SS chargé de superviser la construction du camp de concentration de Plaszów.

Récompensé par sept Oscars, dont ceux de Meilleur film et Meilleur réalisateur, La Liste de Schindler marque une étape majeure dans la carrière de Steven Spielberg. Jusqu'à présent, le cinéaste n'a jamais autant exprimé ses doutes sur son prochain. Par la suite, il continue de s'interroger sur la noirceur humaine en s'intéressant à l'impact des événements du 11 septembre 2001 avec La Guerre des mondes et Munich, ou en se penchant sur le sentiment de désillusion qui grandit dès l'enfance avec A.I. Intelligence Artificielle.

Un projet refusé par Martin Scorsese

Avant d'accepter de mettre en scène La Liste de Schindler, Steven Spielberg propose le projet à Roman Polanski et Martin Scorsese. Ce dernier renonce à le réaliser après les controverses suscitées par La Dernière Tentation du Christ, adaptation de l'ouvrage de Níkos Kazantzákis. Ce long-métrage provoque notamment la colère de catholiques traditionnalistes, ces derniers fustigeant son caractère prétendument blasphématoire. Dans le film, Jésus (Willem Dafoe) envisage de renoncer à son sacrifice pour mener une vie normale, épouser Marie Madeleine (Barbara Hershey) et fonder une famille.

La Dernière Tentation du Christ
La Dernière Tentation du Christ ©Universal Pictures

En France, plusieurs attentats ont lieu lors de la sortie de La Dernière Tentation du Christ en septembre 1988. Un cinéma de Besançon est incendié, tout comme l'Espace Saint-Michel situé dans le cinquième arrondissement de Paris. Interrogé par Deadline en mai 2023, Martin Scorsese explique comment l'accueil du long-métrage a joué dans sa décision de ne pas réaliser La Liste de Schindler :

Dans le cas de La Liste de Schindler, le traumatisme que j'avais vécu (avec la réception de La Dernière Tentation du Christ) était tel que je sentais que m'attaquer à ce sujet... Je savais que des Juifs étaient contrariés que le réalisateur du Journal d'Anne Frank (George Stevens, ndlr) ne soit pas juif. J'avais entendu dire que des gens protestaient contre Schindler, parce qu'il se serait servi de prisonniers pour gagner de l'argent sur leur dos. (...) J'aurais pu... eh bien, pas le défendre, mais m'interroger sur qui il était. Je pense que c'était un homme incroyable, mais je ne savais pas si j'étais prêt pour ça à l'époque. Je n'avais pas les connaissances.

Je me souviens que Steven Spielberg, au fil des ans, m'en parlait tout le temps. (...) À l'époque, j'ai utilisé l'expression : 'Je ne suis pas juif'. Ce que je voulais dire, c'est que ce projet devait être entrepris par une personne juive, et je pense que Steven l'a aussi compris. (...) Ce n'était pas une décision altruiste, mais cela avait simplement du sens pour moi qu'il soit la personne qui devait vraiment traverser cela. J'étais préoccupé par le fait de ne pas pouvoir rendre justice à la situation.