La Mémoire dans la peau : cette scène aberrante qui aurait pu conclure le film

La Mémoire dans la peau : cette scène aberrante qui aurait pu conclure le film

Point de départ d’une franchise qui marqua le renouveau du cinéma d’action au début des années 2000, « La Mémoire dans la peau » a connu un accouchement extrêmement douloureux. Des prises de bec entre le réalisateur Doug Liman et les producteurs, aux idées parfois farfelues pour ne pas dire extrêmement stupides de certains exécutifs, retour sur quelques problèmes de production d’un blockbuster sur lequel Matt Damon a joué les médiateurs.

La Mémoire dans la peau : espion, souviens-toi

Au début des années 2000, un espion américain se met à faire de l’ombre au Britannique James Bond dans les salles obscures. Cette machine à tuer créée par la CIA a pourtant un style bien différent de celui de l’agent au service secret de Sa Majesté. En effet, Jason Bourne n’est pas vraiment le genre d’homme à siroter des vodkas martini avec un air supérieur, à raffoler des gadgets et à déclamer son identité à qui veut l’entendre en prenant le soin de marquer une pause.

Son identité, Jason Bourne ne s’en souvient justement pas. Repêché dans la Méditerranée au large de Marseille avec plusieurs balles dans le dos, le jeune homme se réveille amnésique. Les seules informations qu’il connaît sur lui-même sont les coordonnées bancaires d’un compte en suisse, qui se trouvaient sur une puce électromagnétique dissimulée dans sa hanche. Après avoir regagné la terre ferme, Bourne se lance en quête de sa mémoire, et se retrouve rapidement traqué par ses anciens employeurs.

La Mémoire dans la peau : retour sur la production calamiteuse du premier volet de la franchise sur Jason Bourne.

Un tournage infernal pour La Mémoire dans la peau

Sorti en 2002, près d’un an après la date fixée initialement, La Mémoire dans la peau est un énième exemple de la difficulté pour un réalisateur de livrer le blockbuster qu’il souhaite à Hollywood. Le long-métrage représente une expérience particulièrement douloureuse pour Doug Liman, qui ne cessa de lutter contre les exécutifs d’Universal, les réécritures et autres reshoot.

Dès le lancement de cette adaptation du roman de Robert Ludlum, le cinéaste souhaitait avant tout mettre l’accent sur le développement du personnage principal, sa relation avec Marie (Franka Potente) et ses névroses vis-à-vis d’un passé qui ne cesse de le rattraper. Des choix artistiques approuvés par Matt Damon et préconisés par le scénariste Tony Gilroy malgré leur mésentente, mais qui firent en revanche tiquer les producteurs.

La Mémoire dans la peau : retour sur la production calamiteuse du premier volet de la franchise sur Jason Bourne.

Soucieux d’apporter du réalisme dans ses scènes d’action, durant lesquelles Jason Bourne se sert par exemple d’un simple plan d’évacuation incendie pour s’échapper d’un immeuble cerné, Doug Liman se vit notamment reprocher la mollesse de ces séquences. Les exécutifs exigeaient un montage et des mouvements de caméra plus nerveux, dans la lignée de ceux de Tony Scott, ce qu’apportera Paul Greengrass dans trois suites. Doug Liman répondit qu’ils n’avaient qu’à engager le réalisateur d’Ennemi d’État et Spy Game - Jeu d’espions.

Par souci budgétaire, ils envisageaient par ailleurs de se servir des décors de Montréal pour les scènes parisiennes. Une demande qui laissa là encore le cinéaste circonspect, comme il l'expliquait, cité par le site Den of Geek :

Je me suis dit : « De quoi parlent-ils ? Parce qu’ils parlent français à Montréal, ça va ressembler à Paris ? Mais rien ne ressemble à Paris là-bas ».

Éviter la conclusion foireuse

Au fur et à mesure, les tensions s’accumulèrent entre Doug Liman et Universal. Le budget explosa et le producteur Richard Gladstein quitta subitement le navire pour raisons personnelles, et fut remplacé au pied levé par Frank Marshall. Par la suite, ce dernier reprochera au réalisateur son manque d’organisation et de sérieux lors d’une interview accordée au LA Times :

Il y avait 15 ou 20 personnes qui travaillaient pour que Doug puisse jouer au paintball en pleine forêt.

La Mémoire dans la peau : retour sur la production calamiteuse du premier volet de la franchise sur Jason Bourne.

Les rapports entre le producteur et le cinéaste se gâtèrent, et Matt Damon n’eut d’autre choix que de jouer les médiateurs. Après des projections test jugées non satisfaisantes, Universal demanda à ce qu’une scène d’action conséquente soit ajoutée au final du film. À propos de la conclusion du long-métrage, Doug Liman racontera à Rolling Stone avoir reçu des notes lui demandant :

Pourquoi Jason Bourne ne se bat-il pas contre 200 assassins à la fin du film ?

S’il refusa dans un premier temps, Doug Liman accepta finalement de tourner un combat au corps à corps dans les escaliers. Universal proposa enfin l’idée d’une ultime course-poursuite dans les rues de Paris, où Jason Bourne était poursuivi par des tueurs en moto armés de lance-roquettes. De quoi ruiner l’intégralité des ressorts dramatiques du script au profit de quelques explosions… Doug Liman et Matt Damon détestèrent logiquement cette fin.