Ce soir à la TV : ce film fait partie des 10 plus grands films à énigme de l'histoire du cinéma

Ce soir à la TV : ce film fait partie des 10 plus grands films à énigme de l'histoire du cinéma

Réalisé par Otto Preminger, "Laura" (1944) est l'un des plus grands films de son auteur, de son actrice Gene Tierney et de l'histoire du cinéma. Un classique à n'en pas douter.

Laura : une leçon d'Otto Preminger

Quoi de plus énigmatique et fascinant que d'ouvrir un film en annonçant la mort du personnage principal, dont le nom apparaît en gros sur l'affiche ? C'est en effet de cette manière qu'Otto Preminger ouvre son chef-d'œuvre, Laura (1944). Avec cette voix off qui, par sa première réplique, donne la tonalité tragique du long-métrage : "Je n'oublierai jamais le week-end où Laura est morte". Mais alors, qui était Laura ? Et pourquoi nous annoncer d'emblée sa disparition ? C'est ce qu'on se demande durant tout le premier acte de ce classique du film noir.

De Laura, on ne sait d'abord rien. Mais l'enquête du lieutenant Mark McPherson va d'abord révéler que cette femme qui travaillait dans la publicité a été découverte morte, tuée d'une balle de chevrotine en plein visage, dans l'entrée de son appartement. Pour tenter de résoudre cette affaire, l'homme interroge ses proches, comme le journaliste Waldo Lydecker qui a fait la réputation de Laura, ou encore Shelby, l'homme qu'elle devait épouser.

Laura ©Twentieth Century Fox
Laura ©Twentieth Century Fox

C'est en écoutant les dires de ces personnes, mais également en lisant le journal intime de la victime et en se laissant envouter par un grand tableau la représentant, que l'inspecteur va tomber sous son charme. Sauf qu'arrivé à la moitié du long-métrage, un retournement de situation génial rabat les cartes...

Mémorable Gene Tierney

Même si elle n'était encore qu'une jeune actrice au moment de faire Laura, Gene Tierney avait déjà une sérieuse réputation. Quelle audace alors d'en faire une morte qui n'apparaît que sur un portrait et dans des flashbacks. Et quelle intelligence, ensuite, de l'introduire réellement en pleine sieste de McPherson, qui croit alors rêver. Une apparition culte (extrait ci-dessous) qui "fit de Gene Tierney un fantasme de cinéphiles", comme l'écrit Télérama. Pourtant, la comédienne estimait que le mérite revenait davantage au personnage (écrit par les scénaristes Jay Dratler, Samuel Hoffenstein et Elizabeth Reinhardt, d'après le roman de Vera Caspary) qu'à son "éventuel talent d'actrice". Une position modeste, mais qui a du vrai.

En effet, l'héroïne est un fantasme. Une créature de rêve que tous les hommes vont désirer, avant de se révéler d'une simplicité magnifique. Loin d'être une femme fatale, elle fascine, car elle passe de victime à suspecte dans une affaire policière totalement relancée au milieu du film. Dans ce sens, reprenons les mots de Télérama qui résument parfaitement la problématique moderne derrière Laura : "Si le tableau la représentant était jusque-là au premier plan, Gene Tierney, bien vivante, se substitue à lui. La femme-objet va devoir reprendre le contrôle de sa vie".

Un des plus grands films du cinéma

Si Laura a offert à Gene Tierney l'un de ses rôles les plus célèbres, l'ensemble du casting du film est notable. Outre Dana Andrews (McPherson), moins charismatique que le reste de la distribution, Clifton Webb (Waldo) et Vincent Price (Shelby) y sont remarquables. Pourtant, la présence de Clifton Webb n'était initialement pas voulue par le producteur Darryl F. Zanuck. Le patron de la Fox finit par se raviser devant les arguments d'Otto Preminger. Un choix payant, puisque l'acteur fut par la suite nommé aux Oscars en 1944 pour ce rôle.

Laura ©Twentieth Century Fox
Laura ©Twentieth Century Fox

Le cinéaste, les scénaristes et l'équipe en charge des décors auraient également pu repartir avec un Oscar. Mais ils durent se contenter d'une nomination dans leurs catégories respectives. Laura fut tout de même récompensée de l'Oscar de la meilleure photographie, attribué à Joseph LaShelle. C'est finalement des années plus tard que le long-métrage a acquis la notoriété qu'il méritait. On a vu par exemple son influence évidente sur la série Twin Peaks (1990). Mais surtout, en 1999, le National Film Registry a inscrit le film à la Bibliothèque du Congrès des États-Unis en raison de son "importance culturelle, historique ou esthétique".

Puis, en 2008, l'American Film Institute, qui honore l'héritage des arts cinématographiques aux États-Unis, en a fait un des 10 plus grands films à énigme de tous les temps. Laura s'y trouve en quatrième position derrière Fenêtre sur cour (1954), Chinatown (1974) et Sueurs froides (1958). Une position qui n'aurait peut-être pas été la même si, encore une fois, Darryl F. Zanuck était allé au bout de ses idées. En effet, le producteur demanda à Otto Preminger de modifier la fin, avant que le critique Walter Winchell ne le conseille de revenir à la fin initiale.