Alors qu'il termine "Le Ciel peut attendre", dans lequel un vieil homme retrace sa vie au purgatoire, Ernst Lubitsch est victime d'une crise cardiaque. Fidèle collaborateur et ami du cinéaste, le scénariste Samson Raphaelson écrit une nécrologie en apprenant la nouvelle, que le réalisateur l'invite à retravailler quelques années plus tard.
Le Ciel peut attendre : une vie racontée au purgatoire
Projet phare d'Ernst Lubitsch (Rendez-vous, Ninotchka) sorti en 1943 aux États-Unis, Le Ciel peut attendre porte tous les thèmes et le ton de son réalisateur. Avec un certain penchant pour l'amoralité, le cinéaste et le scénariste Samson Raphaelson, fidèle collaborateur, signent une comédie dramatique où le goût pour le sexe, l'hédonisme, l'adultère et les mondanités sont au coeur de l'intrigue.
Le film démarre lorsqu'Henry Van Cleve (Don Ameche) meurt et arrive aux portes de l'enfer, où il est chaleureusement accueilli par Son Excellence (Laird Cregar). Afin de savoir où il sera envoyé, le vieil homme se met à faire le récit de sa vie où les différents chapitres, qui se déroulent à chaque fois le jour de son anniversaire, se regroupent autour de son amour immodéré pour les femmes. Henry raconte notamment comment il a été choyé par sa mère et sa grand-mère, mais aussi par sa préceptrice française Mademoiselle (Signe Hasso). Il se remémore également son mariage heureux avec Martha (Gene Tierney), et admet en toute honnêteté avoir fauté.

Charles Coburn et Marjorie Main complètent la distribution de ce long-métrage nommé dans trois catégories aux Oscars : Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur photographie. Un projet presque testamentaire pour Ernst Lubitsch, qui décède en 1947 d'une crise cardiaque, peu de temps après avoir reçu une statuette dorée pour l'ensemble de sa carrière et alors qu'il tourne La Dame au manteau d'hermine.
Ernst Lubitsch frappé par une crise cardiaque
Durant les dernières années de sa vie, le cinéaste souffre de graves problèmes cardiaques. Ce grand fumeur de cigares est d'ailleurs victime d'une attaque pendant la production de Le Ciel peut attendre, en 1943. De quoi rappeler que l'ironie mordante est la spécialité du réalisateur, qui se demande avec ce long-métrage si l'enfer est réellement la pire issue, et s'il mérite que l'on mente pour tenter d'y échapper.

Juste après cette crise cardiaque, Samson Raphaelson lui rend hommage à travers une nécrologie, persuadé que son collaborateur erre quelque part entre les anges et les damnés. Mais cette fois, le ciel et les flammes ont bel et bien dû attendre. Dans son article, le scénariste se montre élogieux et fait des compliments qu'il n'a jamais osé dire au cinéaste, avec lequel les disputes et les hurlements étaient des moyens de communication plus efficaces.
L'ultime hommage
Les jours passent, Samson Raphaelson rend visite à Ernst Lubitsch, qui survit même s'il ne s'en remettra jamais totalement. En 1947, alors qu'ils se retrouvent une neuvième et dernière fois sur La Dame au manteau d'hermine, le réalisateur révèle à l'auteur qu'il a lu le texte rédigé en son honneur. Comment cela se peut ? Leurs secrétaires respectives se le sont transmis. Assumant enfin leur complicité et leur amitié 17 ans après leur rencontre, le cinéaste et le scénariste améliorent la nécrologie, avant de se rétracter tant les maladresses du texte d'origine sont emplies de sincérité.
Cité par Le Point et le New York State Writers Institute, Samson Raphaelson évoque "le plaisir de la compagnie" d'Ernst Lubitsch, "sa joie enfantine" et son inépuisable créativité dans cet hommage. Il conclut :
Je regrette de n'avoir jamais été capable de lui dire au moins une partie de tout cela de son vivant.
Ce qu'il peut finalement faire, avant de détailler son adoration et leur relation dans Amitié - La dernière retouche d'Ernst Lubitsch, publié dans le New Yorker en 1981, deux ans avant sa mort.