Le monde sans Jean Rouch…

L’Ethnologue, cinéaste, écrivain et photographe français Jean Rouch, 86 ans, est mort dans la nuit du mercredi 18 février, dans un accident de voiture au Niger.

Un accident de la route…
Un homme difficile à classer dans une seule catégorie mais ce qui est sûr, c’est qu’il était un artiste de tous les instants…
Il est décédé la nuit dernière dans un accident de la route qui s’est produit dans le nord du Niger, près de Konni, dans la région de Tahoua. C’est l’ambassade de France au Niger qui a révélé cette information et qui a ajouté que les conditions et les circonstances de l’incident qui ont causé la mort du cinéaste restent encore très floues. Un camion serait peut-être impliqué dans ce drame. Lors de l’accident, Jean Rouch était accompagné de sa femme, du réalisateur nigérien Moustapha Allassane et de l’acteur et très vieil ami Damouré Zika qui s’en sont sortis miraculeusement indemnes… Le corps de Jean Rouch sera rapatrié le plus rapidement possible en France.

Un homme passionné
Sa vie, il l’a dédié à l’art, cinquante ans de carrière en tant que réalisateur et pas moins de 120 films mais aussi quelque 20 000 clichés car c’était un grand photographe…
Jean Rouch se trouvait au Niger au moment de l’accident, pour justement participer à un événement qui mettait à l’honneur le cinéma nigérien, ce septième art auquel il va dédier à partir des années 1940, nombre de ses documentaires.
Né en mai 1917, ingénieur des Ponts et Chaussées mais aussi docteur ès lettres et directeur de recherche au CNRS, Jean Rouch est très vite attiré par les horizons lointains et surtout par l’Afrique. Il se consacre bientôt exclusivement à l’ethnologie et à l’adaptation de cette science des civilisations au cinéma.

À la rencontre de l’Afrique
Alors qu’il est envoyé en Afrique en tant qu’ingénieur pour construire des routes, il n’est guère apprécié par ses collègues car il s’est toujours refusé à adhérer comme ses camarades à une organisation créée par le Maréchal Pétain. On l’envoie alors à Dakar pour être fusillé, grâce aux Américains, il y échappe de peu.
L’Afrique ? Il connaît déjà, pas vraiment beaucoup mais un peu, car il y a pris des photos dans les années 30.
Il devient bientôt grand reporter et décroche avec deux de ses amis un contrat à l’AFP : descendre le Niger depuis sa source jusqu’à la mer en pirogue et envoyer un reportage à chaque arrêt dans un nouveau village et être payé au village suivant…
C’est en 1947 que Jean Rouch tourne son premier film AU PAYS DES MAGES NOIRS qui reprend ce voyage initiatique sur le Niger. On va toujours retrouver les mêmes passions dans la suite de ses films, avec BATAILLE SUR LE GRAND FLEUVE en 1952 et LES MAITRES FOUS en 1954, un long-métrage très intense et envoûtant sur les rites de possession africains, et pour lequel Jean Rouch reçoit le Grand prix au festival de Venise.
Le réalisateur acquiert une notoriété sans égal et le portrait d’amis nigériens MOI, UN NOIR est récompensé par le prix Louis-Delluc en 1958.
Les voyages et l’Afrique vont marquer l’ensemble de ces compositions et son inspiration va le conduire à tourner de très nombreux documentaires parmi lesquels LA CHASSE AU LION A L’ARC sacré au festival de Venise de 1965, ou encore COCORICO M. POULET, sorte de road-movie au cœur de l’Afrique dans une 2CV en plutôt piteux état…
Son travail ethnologique et cinématographique lui apporte une reconnaissance internationale et le consacre fondateur de ce que l’on appelle le cinéma-vérité

Officier de la Légion d’honneur et officier des Arts et Lettres, il aura toujours été un voyageur infatigable…

S.G. (19 février 2004 - Avec AFP)