"Les Choristes" de Christophe Barratier se déroule dans un pensionnat après la Seconde Guerre mondiale. C'est dans ce décor qu'un surveillant décide de créer une chorale pour canaliser les jeunes pensionnaires. Mais le film est-il inspiré d'une histoire vraie ? Pas totalement. Explications.
Les Choristes : bienvenue au Fond de l'étang
En mars 2004, le film Les Choristes de Christophe Barratier sort dans les salles françaises. Emmené par Gérard Jugnot, François Berléand ou encore Kad Merad, le long-métrage connaît un succès fulgurant avec près de neuf millions d'entrées. Il se hisse à la première place du box-office français de l'année 2004.
L'intrigue se déroule en 1949. Clément Mathieu (Gérard Jugnot), un professeur de musique sans emploi accepte à contre-coeur un poste de surveillant dans un établissement pour garçons difficiles appelé "Fond de l'étang". Une fois sur place, il découvre avec stupeur le système répressif et autoritaire du directeur (François Berléand) qui considère ses pensionnaires comme perdus.
Persuadé que ces enfants peuvent être sauvés grâce à une méthode d'éducation différente, il se met en tête de les initier à la musique et au chant. Grâce à ses chansons, les enfants prennent confiance en eux et en leurs capacités. Certains d'entre-eux trouvent même leur vocation, à commencer par le bluffant Pierre Morhange, interprété par Jean-Baptiste Maunier.
Une histoire vraie ?
Les Choristes est un remake du film La Cage aux rossignols de Jean Dréville sorti en 1945. Le long-métrage possède de fortes ressemblances avec le premier centre éducatif de France créé au Hinglé, dans les Côtes d'Armor, en 1940 par l'assistante sociale Anne-Marie de La Morlais. Baptisé le centre de Ker-Goat (maison des bois en breton) quelques mois plus tard, il accueillait des jeunes délinquants, renvoyés par les tribunaux.
Il est d'abord dirigé par Georges Bessis, un jeune scout formé à l'École de cadres de la jeunesse de Sillery. Mais ce dernier est arrêté par la Gestapo en 1943 pour des faits de résistance (qui n'ont cependant pas été prouvés) et meurt dans un camp de concentration en mai 1945. C'est ses adjoints Paul Lelièvre et Jacques Dietz qui lui succèdent. Ils mettent en place de nouvelles techniques d'éducation comme le jardinage, l'élevage, le bricolage et autres activités en plein air.
Ils ont également l'idée de créer une chorale. C'est à peu près au même moment que sort dans les salles le film La Cage aux rossignols (sur lequel est donc basé Les Choristes). Ainsi, les dirigeants de Ker-Goat profitent du succès du film au cinéma pour promouvoir la chorale du pensionnat et elle est emmenée à chanter à travers la France. Souvent, ces prestations sont suivies par la projection du film. La chorale a notamment donné un concert à Paris, à la Salle Pleyel, le 21 mars 1947.
Ainsi, en 1945, l'auteur Henri Joubrel, de retour du centre, écrivait ceci dans son livre Ker-Goat : le salut des enfants perdus :
Une part d'initiative plus grande encore qu'autrefois a été laissée aux enfants. Tout en faisant régner dans le Centre une discipline serrée, et même rude, les chefs mettent leurs jeunes en mesure d'épanouir leurs meilleures possibilités (...) Mais c'est sur la chorale qu'il convient d'insister. Le succès auprès du public du film « La Cage aux Rossignols » a donné l'idée dé créer au Centre une chorale digne de ce nom. Celle-ci a bientôt dépassé toutes les espérances. Elle a donné des auditions dans les principales villes de Bretagne, oie elle accompagnait le film. Le 21 mars 1947, elle s'est fait entendre à la Salle Pleyel, à Paris (...) Combien de personnes se rendirent compte, à cette occasion, que les jeunes « délinquants » ne sont pas tellement différents pour la plupart, des autres enfants ! Ou, en tous cas, que les âmes les plus brouillées conservent toujours un coin de lumière...
Contrairement donc à la croyance populaire, il semblerait que ça soit le film La Cage aux rossignols qui ait inspiré le centre Ker-Goat pour cette chorale, et non l'inverse.