Les Goûts et les couleurs : Félix Moati "était en PLS" après avoir plongé dans la Seine

Un beau duo

Les Goûts et les couleurs : Félix Moati "était en PLS" après avoir plongé dans la Seine

À l'occasion de la sortie du nouveau film de Michel Leclerc, "Les Goûts et les couleurs", nous avons discuté avec Rebecca Marder et Félix Moati. Un duo charmant à l'écran et en dehors, complice et amusant, qui nous parle de leur rencontre, de leur expérience d'acteur et d'actrice, et des moments marquants du tournage.

Les Goûts et les couleurs : un nouveau délicieux duo pour Michel Leclerc

On connaît le talent de Michel Leclerc pour proposer (avec Baya Kasmi) des dramédie divertissantes et intelligentes, capables d'amuser tout en offrant un discours social évident. Des films portés par des duos dont les idéaux politiques sont gentiment tournés en dérision par le cinéaste. On se souvient de Sara Forestier et Jacques Gamblin dans Le Nom des gens (2010), La Vie très privée de Monsieur Sim (2015) et ses scènes entre Jean-Pierre Bacri et Vimala Pons, ou encore la rencontre géniale entre Edouard Baer et Leïla Bekhti dans La Lutte des classes (2019).

Les Goûts et les couleurs
Félix Moati et Rebecca Marder - Les Goûts et les couleurs ©Pyramide Distribution

C'est donc à nouveau un duo qui marque les esprits dans Les Goûts et les couleurs, une comédie-romantique mélodieuse qui voit Marcia, une jeune chanteuse dont l'idole musicale décède, être aux prises avec Anthony, l'ayant-droit de cette dernière qui n'a que faire des questions artistiques. Rebecca Marder et Félix Moati sont là pour les incarner. Elle, pensionnaire de la Comédie-Française, est en pleine ascension. Lui, retrouve Michel Leclerc après Télé Gaucho (2012) qui lui a valu une nomination au César du meilleur espoir masculin. Le choix de Michel Leclerc s'avère judicieux quand on voit la belle alchimie qui se dégage entre le comédien et la comédienne. Dans le film, évidemment, mais également dans la vraie vie, comme lors de notre rencontre avec eux.

Parlez-nous de votre rencontre.

Rebecca Marder : On s'était rencontrés sur le casting de La Vie d'Adèle. Félix devait jouer mon meilleur ami, et on a improvisé ensemble. On n'a pas été pris mais le reste de la journée on a traîné ensemble avec des amis, et on ne s’est plus jamais revus. Enfin, on s’est toujours croisés pour des castings, mais là c’était la première fois qu’on travaillait vraiment ensemble.

Félix Moati : J'ai beaucoup d'admiration pour Rebecca. Et c’était émouvant de la voir, alors qu'elle est en pleine ascension, en train de devenir une actrice très importante, jouer une jeune chanteuse qui fait le chemin inverse. Qui en fait est déjà sur le déclin.

Justement, il y a dans le film cette scène où Marcia doit revenir en bas de l'échelle et passe un tremplin au milieu de chanteuses qui lui ressemblent. On peut facilement faire le lien avec les auditions pour les acteurs et les actrices.

Félix Moati : Quand on est un jeune acteur, on enchaîne les auditions et on passe de déceptions en déceptions. Jusqu’à ce qu’à un moment donné quelqu’un cristallise sur toi quelque chose. Moi, ça a été Michel. Mais la vie d’artiste, en général, n’est faite que de rejets. Du coup, il faut être un peu solide. Ou prendre de très bons médicaments (rires).

Rebecca Marder : J’aime quand même passer des castings. Ne serait-ce que pour se sentir légitime après sur le plateau. Mais ça peut être tellement mal fait, pas respectueux. Voire humiliant. Il y a ce côté "salle d’attente". Et puis il faut se vendre soi-même, parler de soi, ce n’est pas facile.

Les Goûts et les couleurs
Les Goûts et les couleurs ©Pyramide Distribution

Comment faire, d'après vous, pour tenir lorsqu'on débute dans ce métier, pour ne pas abandonner et garder confiance ?

Félix Moati : Un acteur m’a dit quelque chose de très intéressant à ce sujet. C'était Mathieu Amalric. Il m’a dit : "quand tu passes un essai, c’est autant toi qui examines le réalisateur que l’inverse". Inverser le rapport de force m’a beaucoup soulagé à partir de là.

Rebecca Marder : C'est vrai qu'il y a des acteurs ou des actrices qui peuvent vous dire une phrase, un mot, et vous redonner confiance. Je me souviens d'une période où je n'avais plus aucune confiance, j'étais perdue, je me sentais comme une merde véritablement. Je regardais le plafond et je me disais que je n'étais pas faite pour ça. Et Dominique Blanc était là, pendant des répétitions.

Elle m'a proposé d'aller boire un café et là elle me dit : "Rebecca, ça fait trois semaines que je te regarde répéter. T'as une écoute sur le plateau, c'est bien, c'est une qualité. Mais, maintenant, tu vas me faire le plaisir d'arrêter de te tenir comme le bossu de Notre-Dame, arrêter de jouer dos au public et de reprendre confiance en toi". Une personne de cette envergure, qu'on admire, qui vous dit ça, en tant que jeune acteur ou actrice, ça vous retourne votre vie.

En parlant d'acteur admirable, Félix, vous m'avez toujours rappelé quelque chose de Belmondo dans ses jeunes années.

Félix Moati : Je suis très touché, merci. Il faut savoir que quand on est un jeune acteur, les monstres du cinéma, il faut éviter de les imiter. Il faut essayer de s’inventer soi-même. Mais Belmondo il m’inspire dans la vie en général. J’ai plus envie de lui ressembler dans la vraie vie. Sa manière d’étonner la catastrophe et le chagrin. De toujours être dans la légèreté. C’est ce qui me touche. Sinon en tant qu’acteur, pour chaque film je vais chercher des références différentes. Pour Gaspard va au mariage c’était Bob Dylan et une interview très précise où il a une espèce de conscience de sa supériorité. Pour Chercher la femme c’était Jesse Eisenberg dans The Social Network. Et pour ce film je suis allé chercher quelque chose à la Al Pacino, pour le côté félin, animal. Mais je fonctionne film par film au final.

Rebecca, de votre côté vous aviez une difficulté supplémentaire pour Les Goûts et les couleurs avec le chant puisque vous interprétez vous-mêmes les chansons du film.

Rebecca Marder : Pour les acteurs, et particulièrement en France, il y a une sorte de mise à nu à travers le chant. Car c’est un autre métier. Mais je dois dire que je ne me sens jamais plus confiante que quand je chante. Plus que lorsque je parle. Je me sens libérée. Je chantais déjà enfant, à la chorale, j’ai pris des cours de solfège, puis j'ai fait des spectacles musicaux à la Comédie-Française. Donc j’avais pas tant peur de l’exercice que de la mise en place de certaines scènes. En fait, pour les séquences de concert, j’étais la seule à avoir la musique dans l’oreillette. Et on enregistrait ma voix en live. Donc j’étais a capella et je me disais que ça devait être bizarre pour l’équipe de n’avoir que ma voix. C’était un peu troublant.

Les Goûts et les couleurs
Les Goûts et les couleurs ©Pyramide Distribution

À part ces scènes de concert, y-a-t-il un moment sur le tournage qui vous a particulièrement marqué ?

Félix Moati : La séquence dans la Seine. Moi j’ai vraiment sauté et, honnêtement, j’ai vu le tunnel blanc. (rires) J’étais vraiment pas bien. J’ai eu le bras paralysé à cause d’une contraction musculaire.

Rebecca Marder : Pour ma défense, j’avais tourné un moyen-métrage intégralement dans l’eau. Je finissais mes journées en pruneau desséché. Et j’ai fini par faire une hypothermie après avoir tourné dans un lac gelé. Du coup, j’ai terminé à l'hôpital. C’était un tournage vraiment épique et je me suis jurée de ne plus rien tourner dans l’eau. Et là d’autant plus que c’est dans la Seine, le canal est sale, avec les rats... Ça a quelque chose de morbide pour moi. Donc oui, j’ai refusé. Je suis une grosse imposture. Mais Félix a accepté, même si au bout d’une prise il était en PLS. (rires)

Les Goûts et les couleurs est à découvrir dans les salles le 22 juin. La bande-originale interprétée par Rebecca Marder et Judith Chemla est disponible sur les plateformes de streaming.