Les Patriotes : le film est-il tiré d'une histoire vraie ?

Les Patriotes : le film est-il tiré d'une histoire vraie ?

Avec "Les Patriotes", Éric Rochant met en scène un agent du Mossad, incarné par Yvan Attal, dans un grand jeu d'espionnage. Et ses missions sont largement inspirées d'histoires vraies.

Les Patriotes, le grand film d'espionnage d'Éric Rochant

Regards troubles, dialogues géopolitiques et drames intimes pour une tension intense... Éric Rochant réalise en 1994 un modèle de film d'espionnage avec Les Patriotes. Devenu depuis un spécialiste du genre, on y découvre tout ce qu'il réussira à sublimer dans Le Bureau des légendes, vingt ans plus tard.

Avec Yvan Attal et Sandrine Kiberlain, "aînés" donc de Mathieu Kassovitz et Sara Giraudeau, Éric Rochant définit un style et une typologie du monde des services secrets avec un réalisme magistral et un goût prononcé pour le mystère. Le mystère, et tout ce que celui-ci appelle de paranoïa, trahisons, mensonges et autres arrangements avec la réalité.

Ariel Brenner (Yvan Attal) - Les Patriotes
Ariel Brenner (Yvan Attal) - Les Patriotes ©Gaumont

Dans Les Patriotes, Yvan Attal incarne Ariel Brenner. Celui-ci, jeune juif parisien de 18 ans, décide de partir en Israël pour vivre dans un kibboutz. Où il est finalement recruté par les services secrets. Devenu agent d'un service indépendant du Mossad nommé "Unité 238", il va mener deux missions, entre la France, Israël et les États-Unis.

Les Patriotes est un film de fiction. Mais les deux missions d'Ariel sont largement inspirées de deux faits réels : l'opération Opéra et l'affaire Jonathan Pollard.

L'opération Opéra

Le 7 juin 1981, deux avions de combat F-16 de l'armée israéliens larguent leurs bombes sur un site irakien proche de Bagdad abritant l'Osirak, un réacteur nucléaire expérimental livré par la France. Destinée officiellement à des recherches scientifiques sans visée militaire, Israël perçoit cependant - et ce depuis l'accord franco-irakien de 1975 - cette installation comme un risque suffisamment important pour la détruire. Ce raid militaire, "opération Opéra", est la conséquence d'une longue guerre en coulisses menée par le Mossad pour enrayer le programme nucléaire iranien.

Auparavant, en avril 1979, un commando du Mossad s'infiltrait ainsi dans la CNIM, l'usine de Constructions navales et industrielles de la Méditerranée, et y détruisait à l'explosif la cuve en acier de l'Osirak. Un an plus tard, à la mi-juin 1980, l'ingénieur égyptien Yahya Al-Meshad, membre de la Commission atomique irakienne, est assassiné par des agents du Mossad à l'hôtel Le Méridien à Paris.

Quelques semaines plus tard, la dernière personne à l'avoir vu vivant et potentiel témoin du meurtre, une prostituée parisienne du nom de Marie Express, est à son tour tuée, renversée par une voiture... Coïncidence ? Simple témoin gênant ? Ou plutôt recrue du Mossad, comme Marie-Claude (Sandrine Kiberlain) dans Les Patriotes ?

Jonathan Pollard, l'espion

L'autre histoire vraie dont s'inspire Éric Rochant pour Les Patriotes emmènent Ariel du côté de Washington. Il entre en effet en contact avec Jeremy Pelman (Richard Masur), un officier de renseignement américain sympathisant de la cause israélienne et prêt à livrer des renseignements au Mossad.

Cette intrigue rappelle très largement l'histoire vraie de Jonathan Pollard. Celui-ci, candidat recalé de la CIA devenu officier de renseignement de la marine américaine, était très disposé à jouer l'espion. De confession juive, il se sentait "obligé" vis-à-vis d'Israël. À partir du printemps 1984, il devient ainsi un informateur pour le Mossad. Très généreux - et pas très discret-, il transmet plus de mille documents confidentiels en quelques mois.

Appréhendé avec son épouse par le FBI en novembre 1985 suite aux suspicions de ses supérieurs, Jonathan Pollard est inculpé et jugé pour espionnage. En mars 1987, il écope d'une condamnation à la prison à vie. Il sort de prison en 2015 après des demandes répétées d'Israël, dont il a obtenu la nationalité en 1995.

Un réalisme qui a ébahi la DGSE, moins le public

Ainsi, si aujourd'hui Les Patriotes est toujours projetée aux recrues de la DGSE, et que celle-ci a autorisé Éric Rochant à utiliser sa dénomination et son logo pour Le Bureau des légendes, c'est pour le grand réalisme de la représentation de ces métiers de l'ombre et des hommes et des femmes qui les font.

Du réalisme et donc de la noirceur, une longueur aussi, un rythme humain, à l'opposé des représentations spectaculaires qu'en offre par exemple la saga James Bond. Mais cette qualité du film Les Patriotes est peut-être ce qui a aussi, en plus de sa mauvaise réception au Festival de Cannes, conduit à son important échec commercial, avec seulement 321 000 spectateurs lors de sa sortie au cinéma.