L'Homme des vallées perdues : retour sur la naissance d'un western fondamental

L'Homme des vallées perdues : retour sur la naissance d'un western fondamental

Sorti en 1953, "L'Homme des vallées perdues" est devenu l'un des westerns les plus populaires de tous les temps. Né d'une conversation entre le réalisateur George Stevens et son fils, ce film majeur a donné quelques sueurs froides à la Paramount durant sa production.

L'Homme des vallées perdues : un classique régulièrement cité

Qu'il s'agisse de Pale Rider, le cavalier solitaire ou de Logan, qui le cite ouvertement en reprenant un dialogue emblématique dans sa conclusion tragique, L'Homme des vallées perdues a influencé de nombreux longs-métrages, notamment grâce à sa structure narrative extrêmement efficace. Sorti en 1953, le film se déroule dans une vallée du Wyoming. Des paysages somptueux au milieu desquels apparaît l'énigmatique Shane (Alan Ladd).

Ce cavalier s'arrête dans la ferme de Marian (Jean Arthur) et Joe Starret (Van Heflin), qui vivent paisiblement avec leur fils Joey (Brandon deWilde), âgé de dix ans. Le jeune garçon est immédiatement fasciné par Shane et son revolver. Son admiration se renforce lorsque ce mystérieux héros les aide à faire face aux ranchers menés par Rufus Ryker (Emile Meyer), qui fait appel au redoutable tueur Jack Wilson (Jack Palance) pour exécuter ses basses besognes. Si Joey n'a d'yeux que pour Shane et rêve de devenir comme lui, ce dernier va lui apprendre que la voie des armes ne mène jamais bien loin.

L'Homme des vallées perdues
Shane (Alan Ladd) - L'Homme des vallées perdues ©Paramount Pictures

Nommé à six Oscars et récompensé par celui de la Meilleure photographie, L'Homme des vallées perdues est l'un des sommets de la filmographie de George Stevens, réalisateur de GéantUne place au soleil ou encore La Plus grande histoire jamais contée. Le long-métrage séduit à la fois par ses décors naturels mais aussi par la simplicité de son récit, popularisant la figure du lonesome cowboy qui repart vers l'horizon une fois que sa mission est terminée.

L'adaptation d'un roman culte

Si le cinéaste décide de se consacrer à L'Homme des vallées perdues, c'est en partie grâce à son fils, le futur réalisateur et producteur George Stevens Jr. Alors que ce dernier vient de terminer ses études secondaires en 1949, il se fait engager par son père pour l'aider à trouver le sujet de son prochain projet. S'identifiant au petit Joey pendant sa lecture du roman éponyme culte de Jack Schaefer, l'adolescent estime que l'ouvrage pourrait faire l'objet d'une adaptation.

L'Homme des vallées perdues
Joey (Brandon deWilde) - L'Homme des vallées perdues ©Paramount Pictures

Interrogé par le Los Angeles Times en 2013, George Stevens Jr. se souvient :

Je suis allé voir mon père un soir, alors qu'il était en train de lire dans son lit. J'avais le livre avec moi et je lui ai dit : "Tu devrais le lire, c'est vraiment une bonne histoire". Il m'a dit : "Raconte-moi". Donc je lui ai raconté en faisant le tour de son lit.

Une autre représentation de la violence

Conquis par la proposition de son fils, George Stevens accepte donc de transposer à l'écran L'Homme des vallées perdues. Si le cinéaste se montre enthousiaste, c'est parce que ce long-métrage lui permet de revenir au western, genre auquel il s'est consacré durant sa carrière de chef opérateur, travaillant par exemple sur des films muets comme The Devil Horse ou The Valley of Hell. Mais en tant que réalisateur, il a alors surtout mis en scène des romances et des comédies musicales, parmi lesquelles Sur les ailes de la danse, Mariage incognito ou encore La Femme de l'année.

L'Homme des vallées perdues
L'Homme des vallées perdues ©Paramount Pictures

Ce retour au western lui permet par ailleurs d'aborder la violence différemment de la plupart des productions de l'époque. Ayant filmé le débarquement en Normandie et la libération du camp de Dachau pendant la Seconde Guerre mondiale, George Stevens refuse de la glorifier. Son fils explique à ce sujet :

Il y a aussi vu, alors qu'il revenait à peine de la guerre, cette opportunité de montrer la puissance d'un revolver. Il est revenu et a vu ces westerns où les gens n'arrêtent pas de tirer, se relèvent et se remettent à tirer. Il voulait montrer la puissance d'une seule balle, ce qu'il avait vu pendant la guerre.

Une intention qui explique les scènes d'affrontement courtes et brutales de L'Homme des vallées perdues.

Les craintes de Paramount

Pour la production du film, Paramount octroie un budget de deux millions de dollars à George Stevens, censé boucler le tournage en 48 jours. Mais les prises de vues prennent du retard et le cinéaste a finalement besoin de 75 jours, ainsi que d'un million supplémentaire. Les dépenses ne cessant de s'accumuler, le studio hésite à vendre le long-métrage à un autre distributeur mais finit par se rétracter.

À l'origine, L'Homme des vallées perdues est un projet mineur pour Paramount, qui repousse malgré tout la date de sortie pour en faire l'un de ses films phares de l'année 1953. Une stratégie qui s'avère payante, puisque le long-métrage est un énorme succès qui n'a aucun mal à rembourser ses frais de production et devient, au fil du temps, l'un des westerns les plus populaires aux États-Unis.