Lust Caution : ces scènes de sexe qui ont stoppé la carrière de l'actrice Tang Wei

Les conséquences de la censure

Lust Caution : ces scènes de sexe qui ont stoppé la carrière de l'actrice Tang Wei

"Lust, Caution" et l'un des films importants d'Ang Lee. Le film a révélé à 28 ans l'actrice Tang Wei mais également été la cause du début d'un enfer pour elle, visée par la censure pour sa participation à des scènes de sexe crues.

Lust, Caution, le drame historique et sulfureux d'Ang Lee

Lust, Caution (2007) est le onzième long-métrage d'Ang Lee. Le réalisateur taïwanais avait explosé à l'international avec Tigre et Dragon en 2000. Il a pu par la suite tourner aux Etats-Unis, d'abord avec Hulk (2003) puis avec Brokeback Mountain, qui lui valu l'Oscar du meilleur réalisateur. C'est donc auréolé d'une reconnaissance internationale qu'il retourna à une co-production chinoise avec Lust, Caution.

Adapté d'une nouvelle d'Eileen Chang (1920-1995), il raconte comment dans les années 1940, sous l'occupation de la Chine par le Japon, une étudiante a été chargée par la Résistance d'approcher un des chefs de la collaboration. Le film montre la naissance d'une relation complexe entre deux personnes aux idéologies opposées et dans un contexte terrible.

Lust, Caution
Lust, Caution ©Focus Features

Lust, Caution a permis à Ang Lee d'obtenir le Lion d'or à la 64e Mostra de Venise, et ce en dépit de sifflets lors de la cérémonie. Le film n'a donc pas fait l'unanimité, et encore moins en Chine. La censure y étant extrêmement forte, Lust, Caution n'a pas fait exception. Surtout, il a eu des conséquences désastreuses pour la carrière de son interprète principale, Tang Wei.

Tang Wei, unique cible du gouvernement

Ang Lee a reçu un terrible accueil en Chine et à Taïwan. À l'époque, certains y voyaient "une apologie de la traîtrise à la nation chinoise". La censure a alors coupé 7 minutes du film. Parmi les passages retirés, il y avait évidemment les scènes de sexe les plus crues. Ang Lee filmant le désir sans artifices entre ses deux interprètes, Tony Leung et Tang Wei. Des longues séquences érotiques qui ont un sens et n'ont rien de gratuit. Chacune mettant en avant la dualité intérieure entre les personnages.

Mais pour le gouvernement chinois, cela se résumait à une résistante qui se livre à des ébats sexuels avec un traître. Dès lors, le raccourci était que Tang Wei elle-même était une traîtresse à la nation. C'est donc elle qui a le plus payé pour ce film. Il faut dire qu'il était plus facile de s'en prendre à une nouvelle venue qu'à la star du moment Tony Leung. Durant des années, le gouvernement l'a mise au placard. Elle fut interdite de radio, de télé, d'apparaître dans des campagnes de pub, des festivals et évidemment de tourner dans des films. Alors que Lust, Caution, son premier film à 28 ans, devait lancer sa carrière, ce fut tout le contraire.

Lust, Caution
Wang (Tang Wei) - Lust, Caution ©Focus Features

Tang Wei a ainsi vécu une traversée du désert de trois ans. Période durant laquelle elle fit des études de réalisation mais qui ne menèrent à rien. En 2010, elle revenait enfin devant la caméra avec Wu Xia. Lors de la présentation du film à Cannes, L'Express la rencontra le temps d'une interview pour le moins étonnante. Voilà ce que rapportait le média à l'époque :

Il est assez difficile de parler de Lust, Caution sans se heurter à la langue de bois : "Non, non, je n'ai eu aucun problème." Et le trou de trois ans dans sa filmo ? "Je ne sais pas." Entre les attachées de presse anglo-saxons intrusifs et le protocole particulier des délégations chinoises, il ne faut pas voir l'œil de Moscou partout mais, là, c'est un peu louche.

Les films notables

L'actrice est donc restée discrète sur la question durant toutes ces années. De quoi nourrir à la place notre imagination sur ce qu'elle dut subir après Lust, Caution. Par la suite, la carrière de Tang Wei n'a clairement pas été à la hauteur de son talent. À peine une poignée de films notables compose sa filmographie. Outre des productions chinoises introuvables chez nous, on a pu la voir chez Michael Mann dans Hacker (2015) - aux côtés de Leehom Wang, également présent dans Lust, Caution. Puis chez Johnnie To dans Office (2016). Enfin, elle a une fois de plus été envoûtante dans Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan. Un film d'auteur fascinant qui remonte à 2018 et témoigne un peu plus du gâchis que fut (jusqu'à présent) la carrière de Tang Wei.