Pour son nouveau film "Les Banshees d'Inisherin", cinq ans après "Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance", Martin McDonagh nous emmène sur une petite île irlandaise pour assister à la déchirante séparation de deux amis. Une fable noire bouleversante sur l'amitié et l'absurdité de l'existence, et sur laquelle on lui a posé quelques questions.
Les Banshees d'Inisherin, la nouvelle fable noire de Martin McDonagh
Au cinéma le 28 décembre 2022, Les Banshees d'Inisherin raconte la fin d'une amitié entre deux hommes, sur une petite île irlandaise en 1923. Pour raconter ce drame, d'abord futile puis profondément existentiel, Martin McDonagh retrouve le duo de son premier film Bons baisers de Bruges, les acteurs Colin Farrell et Brendan Gleeson.
Récompensé par la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine pour Colin Farrell et par le Prix du meilleur scénario à la 79e Mostra de Venise, favori des Oscars 2023, Les Banshees d'Inisherin est une tragi-comédie bouleversante, traversée de l'humour noir et de la violence qu'affectionne Martin McDonagh.
On a pu lui poser quelques questions sur ce film, notamment le rapport qu'il entretient avec Bons baisers de Bruges ainsi que sur sa relation avec Colin Farrell .
Rencontre
Les Banshees of Inisherin est une histoire de désespoir et, avec les deux mêmes acteurs, elle entretient plusieurs similitudes avec celle de Bons baisers de Bruges. Notamment concernant la séquence où Ray se prépare à aller dîner avec Chloë...
Martin McDonagh : Je le pense, oui. J'aime cette séquence de Bons baisers de Bruges, sa tristesse, la manière que Colin a de toucher son visage. Il y a du désespoir dans cette scène, et beaucoup de ce qu'il y a dans Les Banshees d'Inisherin est à propos du désespoir, même si c'est le plus souvent sous-jacent.
Le désespoir de Colm (Brendan Gleeson) est en partie à l'origine de sa rupture avec Pádraic (Colin Farrell). On en a beaucoup parlé avec Brendan, "pourquoi fait-il ça ?", "pourquoi est-il si dur ?". D'une certaine manière, s'il ne rompt pas avec Pádraic, il pourrait se suicider. Ainsi, cette rupture est la meilleure option pour lui, plutôt que de succomber au désespoir.
Cette histoire est très particulière mais porte peut-être une leçon universelle. Peut-on la formuler ainsi : nous sommes tous des individus écrasés par la solitude et coincés sur une petite île ?
M. M. : (rires) Il y a de ça ! Dit comme ça, ça sonne comme un film très triste. Mais oui, cette réflexion fait partie de ce périple. C'est lié à cette question qui surgit, alors qu'ils sont au pub : "est-ce qu'on perd notre temps ?", "est-ce qu'il est préférable d'être gentil et de ne pas être un artiste ?", ou alors "faut-il être un insupportable con pour être un artiste ?".
Tous ces différents aspects de la question "que fait-on sur cette terre ?" sont légitimes et intéressants, et j'espère que c'est ce qui rend, d'une certaine manière, Les Banshees d'Inisherin unique.
C'est votre troisième film avec Colin Farrell après Bons baisers de Bruges et 7 Psychopathes, que percevez-vous en lui ?
M. M. : Sa sensibilité, son ouverture à la vulnérabilité. À l'écran, et dans la vie. Ce qui est certain c'est, qu'à l'écran, il n'a pas peur d'incarner un homme faible, timide, ou sans éducation. Il n'a pas l'ego d'une star de cinéma, ou en tout cas il n'est pas l'image qu'on se fait d'une "star de cinéma". Il est capable de capturer l'authenticité d'un être humain, quelqu'un avec ses failles, ses problèmes. Dans la vie, j'aime passer du temps avec lui. Il est drôle, il est intelligent, il est gentil...
Les Banshees d'Inisherin aborde cette bonté et cette gentillesse en tant que valeurs. Est-ce suffisant ? Sont-elles surestimées ? Sous-estimées ? Colin possède toutes ces qualités.
Dernière question, on trouve très souvent une personne de petite taille dans vos films, et une référence y est faite dans Les Banshees d'Inisherin. Est-ce parce que dans l'histoire de la fiction et la mythologie ils occupent souvent une fonction importante ?
M. M. : (rires) Oui, c'est en partie pour cette raison qu'il y a effectivement cette référence au début du film. Mais l'ânesse dans Les Banshees d'Inisherin, Jenny, est une ânesse naine, donc techniquement il y a bien un être de petite taille dans ce film aussi !